Section du Conseil d’État, le 11 avril 2025, n°498803

Par un avis du 11 avril 2025, le Conseil d’État précise l’étendue des obligations de l’administration quant à l’usage des prescriptions spéciales lors d’un refus d’urbanisme. Une société sollicita un permis de construire pour un bâtiment à usage mixte, lequel lui fut refusé par l’autorité municipale par un arrêté du 20 septembre 2023. Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le tribunal administratif de Toulon décida, le 8 novembre 2024, de transmettre une question préjudicielle à la juridiction suprême. Le juge doit déterminer si un pétitionnaire peut invoquer l’absence de prescriptions spéciales pour contester la légalité d’un refus de permis de construire initialement non conforme. La haute juridiction affirme que l’administration dispose d’une simple faculté, et non d’une obligation, d’assortir son autorisation de telles mesures correctrices pour assurer la conformité.

I. La consécration d’une faculté discrétionnaire de l’administration d’urbanisme

A. Le pouvoir de régularisation unilatérale par voie de prescriptions

L’autorité administrative dispose de la faculté d’accorder une autorisation en l’assortissant de prescriptions spéciales pour assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme applicables. Ces mesures doivent toutefois porter sur des « modifications sur des points précis et limités » ne nécessitant aucunement la présentation d’un nouveau projet de construction. Cette prérogative permet de valider une demande dont les défauts mineurs n’affectent pas la nature globale de l’ouvrage ou l’équilibre des règles d’occupation des sols.

B. Le caractère purement optionnel de la mise en œuvre du pouvoir

Le Conseil d’État souligne que l’administration dispose de cette faculté « sans jamais y être tenue », marquant ainsi l’absence de toute obligation de sauvetage du projet. Cette liberté administrative s’exerce sous le contrôle du juge, tout en préservant la responsabilité première du pétitionnaire quant à la conformité initiale de sa propre demande. L’administration ne saurait ainsi se voir reprocher un refus motivé par une non-conformité réelle, quand bien même un aménagement technique simple aurait pu être imposé.

II. L’invocabilité limitée des prescriptions spéciales devant le juge de l’excès de pouvoir

A. L’impossibilité de contester un refus par l’omission de prescriptions

Un pétitionnaire ne saurait utilement soutenir devant le juge de l’excès de pouvoir que l’autorité compétente « aurait dû lui délivrer l’autorisation sollicitée » avec des prescriptions. Le refus demeure légal dès lors que le projet initial méconnaît les dispositions législatives ou réglementaires, sans que l’administration n’ait l’obligation de pallier ces carences. Cette impossibilité d’invoquer un tel moyen de droit restreint les chances de succès des requérants qui négligent la mise en conformité de leur dossier d’instruction.

B. La préservation de la cohérence du contentieux de l’annulation

Cette solution évite que le juge administratif ne se substitue à l’autorité municipale dans l’appréciation de l’opportunité d’une modification mineure du projet de construction. L’avis renforce la sécurité juridique en stabilisant les motifs de refus fondés sur la non-conformité objective du dossier tel qu’il fut déposé par le pétitionnaire. La décision rappelle que la phase d’instruction reste le moment privilégié pour que le demandeur apporte, de sa propre initiative, les modifications nécessaires à son projet.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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