La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 18 décembre 2014, une décision sur l’interprétation de la libre circulation des capitaux. Cette affaire traite de la compatibilité d’une législation fiscale nationale avec le droit de l’Union concernant l’exonération des droits de donation. Une contribuable néerlandaise possédait un domaine situé au Royaume-Uni dont elle projetait de faire la donation au bénéfice de son fils. Elle sollicita l’application d’un régime d’exonération fiscale réservé aux domaines ruraux mais les autorités ministérielles rejetèrent sa demande de classement. Le tribunal de première instance de La Haye accueillit le recours en estimant que la limitation territoriale violait la liberté de circulation. Le Raad van State, saisi en appel le 13 mars 2013, décida d’interroger la Cour de justice sur la validité de cette condition. Le problème porte sur la légitimité d’une exonération de droits de donation restreinte aux seuls sites protégés situés sur le sol national. La Cour affirme que l’article 63 du Traité n’interdit pas cette distinction si elle vise la protection du patrimoine historique de la nation. L’analyse du raisonnement des juges permet d’étudier le constat d’une entrave avant d’apprécier la justification tirée de la préservation patrimoniale.
I. L’entrave à la libre circulation des capitaux résultant de la condition de territorialité
A. L’application des libertés de circulation au traitement fiscal des libéralités
Le droit de l’Union européenne considère que « le traitement fiscal des donations […] relève des dispositions du traité fue relatives aux mouvements de capitaux ». L’article 63 interdit en principe toute mesure nationale empêchant ou décourageant les transferts d’actifs immobiliers entre les différents États membres. La transmission gratuite d’un domaine situé dans un autre État constitue donc un mouvement de capitaux protégé par le droit européen. La Cour écarte l’idée d’une situation purement interne dès lors que les éléments du litige concernent plusieurs pays de l’Union. Les juges confirment ainsi l’extension des principes du marché unique aux prélèvements fiscaux opérés par les États sur les mutations de propriété.
B. Le constat d’une restriction par la taxation plus lourde des biens étrangers
La loi nationale subordonne l’exonération fiscale à la situation géographique du domaine rural sur le seul territoire du Royaume des Pays-Bas. La Cour rappelle que subordonner un avantage fiscal à la localisation nationale du bien « constitue une restriction à la libre circulation des capitaux ». Cette règle engendre une charge fiscale plus importante pour les contribuables possédant des biens immeubles situés au-delà des frontières étatiques. La mesure diminue nécessairement la valeur de la donation dès lors que le bénéficiaire doit s’acquitter d’un impôt dont il serait sinon exonéré. L’identification d’une restriction aux échanges financiers impose alors de vérifier si un motif d’intérêt général permet de valider cette mesure.
II. La validation de la mesure par la spécificité du patrimoine national
A. L’absence de comparabilité objective des situations au regard de l’objectif poursuivi
Une restriction est compatible avec le Traité si elle concerne des situations qui ne sont pas « objectivement comparables » au regard du droit. L’objectif de la loi consiste à « protéger l’intégrité des domaines ruraux typiques du paysage néerlandais traditionnel » contre les éventuels morcellements ou dénaturations. La préservation du patrimoine historique national justifie que le législateur traite différemment les propriétés étrangères et les domaines nationaux dûment classés. La Cour considère que le désavantage fiscal subi par la donatrice est inhérent à la volonté politique de sauvegarder l’identité paysagère. Cette analyse privilégie la finalité culturelle de la norme sur l’exigence d’égalité de traitement entre les investissements immobiliers européens.
B. La nécessaire préservation d’un lien historique avec l’État membre concerné
L’avantage fiscal peut être limité aux propriétés protégées en raison de leur appartenance au patrimoine culturel et historique de la nation. Le droit européen s’oppose seulement à l’exclusion des biens situés à l’étranger qui présenteraient un lien réel avec ce patrimoine national. Un contribuable peut ainsi bénéficier de l’exonération s’il établit que sa propriété étrangère constitue un élément du patrimoine historique de son pays. La décision offre un équilibre entre la souveraineté fiscale des États et les libertés économiques fondamentales garanties par les traités européens. La Cour consacre la légitimité de la politique de protection des sites naturels nationaux malgré les entraves aux mouvements financiers.