Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 avril 1996, une décision fondamentale relative à la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Ce texte définit les compétences des institutions propres du territoire ainsi que les modalités de leur organisation particulière conformément à la Constitution. Le législateur a adopté cet ensemble de cent vingt-trois articles afin de renforcer l’autonomie locale tout en respectant le cadre de la République. La procédure de contrôle obligatoire des lois organiques a conduit la juridiction à examiner la conformité globale des dispositions au bloc de constitutionnalité. Les juges doivent déterminer si les nouvelles prérogatives territoriales respectent les principes de valeur constitutionnelle, particulièrement le droit de propriété et l’accès au juge. La décision censure plusieurs dispositions jugées excessives tout en validant l’essentiel du dispositif sous diverses réserves d’interprétation strictement définies.
I. L’encadrement des atteintes aux libertés et aux compétences régaliennes
A. La protection constitutionnelle du droit de propriété contre l’arbitraire territorial L’article 28 de la loi organique instaurait un régime d’autorisation préalable pour les transferts de propriété immobilière fondé sur des critères de résidence. La juridiction énonce que ces mesures « comportent des limitations directes au droit de disposer, attribut essentiel du droit de propriété » garanti par la Déclaration de 1789. Le Conseil relève l’absence de motifs d’intérêt général pour fonder le caractère discrétionnaire des décisions prises par l’autorité exécutive locale. Une telle atteinte « dénature le sens et la portée de ce droit », entraînant l’inconstitutionnalité de la procédure d’autorisation et du droit de préemption associé. La valeur de cette solution réside dans l’affirmation de l’intangibilité des prérogatives du propriétaire face aux volontés de régulation économique locale.
B. L’indivisibilité des garanties fondamentales des libertés publiques sur le territoire Le législateur avait tenté de limiter la compétence étatique aux seules garanties fondamentales des libertés publiques, ouvrant la voie à une diversité de régimes. Le juge censure l’adjectif « fondamentales » car les conditions de mise en œuvre des libertés ne sauraient dépendre des seules décisions des collectivités territoriales. La République impose une uniformité des garanties sur l’ensemble du territoire national afin d’assurer l’égalité des citoyens devant l’exercice de leurs droits. De même, les autorités locales ne peuvent définir les règles de recherche des preuves pénales, car ces mesures « affectent la liberté individuelle ». La portée de cette décision confirme le rôle de l’État comme gardien unique de la sûreté et des libertés individuelles.
II. L’exigence d’un recours effectif et le respect de la langue nationale
A. La censure du délai de forclusion entravant l’accès au juge administratif L’article 113 de la loi organique imposait un délai de quatre mois pour contester les actes d’application des délibérations territoriales touchant à la compétence. La juridiction se fonde sur l’article 16 de la Déclaration des droits pour protéger le droit des personnes à un recours juridictionnel effectif. Elle considère que limiter la contestation porte une « atteinte aussi substantielle » au droit au recours que la sécurité juridique ne saurait suffire à justifier. Cette décision renforce la protection des administrés contre les excès de pouvoir en empêchant la création de barrières procédurales excessives fondées sur la complexité statutaire. Le respect de la hiérarchie des normes suppose que la légalité des actes puisse être vérifiée sans entrave temporelle disproportionnée pour les justiciables.
B. Le cadre constitutionnel du pluralisme linguistique et la primauté du français L’examen de l’article 115 conduit la juridiction à rappeler que « le français étant la langue officielle », son usage s’impose impérativement aux personnes publiques. Les services publics et les usagers doivent utiliser la langue de la République dans leurs relations mutuelles conformément aux exigences de l’article 2. L’enseignement des langues locales est validé, mais il ne saurait « revêtir un caractère obligatoire pour les élèves » sans méconnaître le principe constitutionnel d’égalité. Cette réserve d’interprétation assure que la reconnaissance culturelle polynésienne ne fragilise pas l’unité linguistique nécessaire au fonctionnement des institutions républicaines. La solution adoptée stabilise le régime juridique de l’enseignement des langues régionales en évitant toute forme de coercition linguistique au sein du service public.