La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 6 mai 2025 une décision relative aux critères de qualification du domaine public et du contrat administratif.
Une collectivité territoriale et une personne physique conclurent une convention de mise à disposition d’une parcelle foncière destinée à une activité de culture horticole.
L’autorité publique dénonça unilatéralement cet engagement contractuel peu de temps après sa signature, provoquant une demande indemnitaire de la part du cocontractant évincé.
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejeta la requête par une ordonnance du 21 octobre 2021 au motif de l’incompétence de la juridiction administrative.
L’appelant soutient que la parcelle est affectée à l’usage direct du public et que sa résiliation unilatérale justifie l’octroi d’une somme indemnitaire conséquente.
En défense, la personne publique invoque l’appartenance du terrain à son domaine privé ainsi que l’absence de caractère administratif de la convention litigieuse.
La juridiction d’appel devait déterminer si l’intégration physique d’un terrain dans un complexe de loisirs suffit à emporter sa qualification domaniale.
La cour confirme l’incompétence du juge administratif en relevant l’absence d’aménagement indispensable et le caractère privé des clauses de la convention litigieuse.
Le rejet de la domanialité publique précède ici l’affirmation du caractère privé de la convention d’occupation conclue entre les parties.
I. L’exclusion du régime de la domanialité publique
A. L’absence d’affectation au service public par l’aménagement
La juridiction rappelle que le domaine public est constitué des biens appartenant à une personne publique affectés à l’usage du public ou au service public.
Le terrain litigieux, bien que situé dans l’enceinte d’un complexe de loisirs, n’est constitué que de pelouse et ne présente aucune installation spécifique.
La cour précise que la parcelle n’est pas « affectée directement à l’usage du public » ni soumise à un « aménagement indispensable à l’exécution des missions » de loisirs.
Cette solution souligne la nécessité d’une transformation matérielle effective du bien pour justifier son intégration au domaine public en vertu du critère organique.
Outre le défaut d’aménagement spécifique, l’analyse de la domanialité globale impose d’étudier la possible qualification par accessoire du bien foncier concerné.
B. L’inexistence d’un lien fonctionnel de l’accessoire
Le code général de la propriété des personnes publiques intègre au domaine public les biens constituant un « accessoire indissociable » d’une dépendance principale déjà qualifiée.
L’arrêt relève que la fraction de parcelle concernée, bien qu’incluse géographiquement dans le périmètre du complexe, ne présente aucun « lien fonctionnel avec le centre aqualudique ».
L’absence de synergie entre l’activité horticole projetée et la mission de service public de loisirs interdit alors toute extension de la protection domaniale.
Le juge refuse ainsi une vision purement foncière ou spatiale de l’accessoire au profit d’une approche finaliste rigoureuse conforme à la sécurité juridique.
La dénégation de la qualité de dépendance domaniale conduit nécessairement le juge à examiner la portée juridique du lien contractuel unissant les parties.
II. La nature de droit privé de la relation contractuelle
A. L’insuffisance des critères de qualification du contrat administratif
Le caractère administratif d’un contrat peut résulter de son objet lié au service public ou de la présence de stipulations dérogeant au droit privé.
La cour administrative d’appel constate que la convention ne comporte aucune « clause exorbitante du droit commun de nature à lui conférer le caractère de contrat administratif ».
L’objet du contrat, portant sur une mise à disposition de terrain pour une activité horticole privée, ne participe pas non plus à l’exécution du service public.
L’absence de critère administratif dans l’engagement contractuel détermine alors irrémédiablement le partage des compétences entre les deux ordres de juridictions français.
B. La confirmation de l’incompétence juridictionnelle
La gestion du domaine privé d’une personne publique relève par principe de la compétence du juge judiciaire, sauf disposition législative contraire ou contrat administratif.
En l’absence de domanialité publique et de critères administratifs contractuels, le contentieux de la résiliation forcée échappe au contrôle de la juridiction de l’ordre administratif.
L’ordonnance de première instance est confirmée, renvoyant l’appelant vers les tribunaux civils pour obtenir réparation d’un éventuel préjudice contractuel subi lors de l’éviction.
Cette décision illustre la volonté du juge administratif de limiter son office aux seuls actes exprimant réellement la mise en œuvre de la puissance publique.