Cour d’appel administrative de Toulouse, le 17 avril 2025, n°23TL00738

Un requérant avait sollicité et obtenu d’une agence publique une subvention pour la rénovation énergétique de sa maison, recevant une avance de 7 000 euros. La décision d’octroi était conditionnée à la réalisation des travaux et à la justification de leur achèvement dans un délai déterminé, ainsi qu’à une obligation d’occupation du logement. Après avoir bénéficié de plusieurs reports de délai pour des raisons personnelles, le bénéficiaire n’a pas justifié de l’achèvement de l’intégralité des travaux avant la nouvelle échéance fixée au 29 octobre 2019. En outre, il a vendu le bien immobilier sans en informer l’agence dans les délais requis. En conséquence, par une décision du 19 décembre 2019, l’agence a retiré la subvention et a ordonné le remboursement de l’avance perçue, émettant par la suite deux titres exécutoires. Le requérant a contesté cette décision, mais sa demande a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 7 février 2023. Il a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment le caractère disproportionné du retrait et l’existence de circonstances personnelles justifiant le non-respect de ses engagements. La question posée à la cour administrative d’appel était donc de savoir si le non-respect des délais de justification des travaux et des conditions d’occupation, malgré des difficultés personnelles, pouvait légalement fonder le retrait total d’une subvention et la restitution de l’avance versée. Par un arrêt du 17 avril 2025, la cour a rejeté la requête, confirmant la légalité de la décision de l’agence. Elle a estimé que les droits à une subvention ne sont créés que si le bénéficiaire respecte l’ensemble des conditions mises à son octroi, y compris les délais de justification.

La solution retenue par la cour administrative d’appel illustre la rigueur avec laquelle sont appréciées les conditions d’octroi des aides publiques, affirmant la primauté du respect des obligations formelles qui encadrent leur attribution (I). Ce faisant, elle écarte fermement les arguments fondés sur des situations personnelles, réaffirmant leur portée limitée face aux exigences réglementaires (II).

I. Le retrait justifié de la subvention en raison du non-respect des conditions d’octroi

La cour confirme la décision de l’agence en se fondant sur une application stricte des textes régissant l’aide. Elle rappelle que le bénéfice d’une subvention est subordonné au respect scrupuleux des conditions de forme, notamment le délai de justification des travaux (A), ce qui entraîne logiquement l’obligation de restituer l’intégralité de l’avance perçue (B).

A. L’irrespect des délais de justification des travaux

L’arrêt souligne que les droits à une subvention ne naissent que si le bénéficiaire respecte les conditions posées pour son octroi. En l’espèce, le requérant n’a pas transmis les justificatifs de l’achèvement des travaux avant l’expiration du délai qui lui était imparti, bien que ce dernier ait déjà été prorogé à deux reprises. La cour relève que la facture relative aux travaux de menuiserie n’a été communiquée à l’agence que « le 5 décembre 2019, soit après l’expiration du délai imparti pour justifier de la réalisation et de l’achèvement des travaux ». Cette appréciation rigoureuse du respect des délais procéduraux est classique en matière de subventions conditionnelles. Elle signifie que la seule réalisation matérielle des travaux est insuffisante si elle n’est pas officiellement et ponctuellement portée à la connaissance de l’administration. Le juge administratif considère ainsi que les conditions de forme et de fond de l’octroi de l’aide forment un tout indissociable. Le non-respect de l’une de ces exigences suffit à rendre la décision de retrait légale, sans que l’administration ait à porter une appréciation sur le caractère prétendument mineur du retard.

B. La restitution intégrale de l’avance versée

Conséquence directe de la caducité de la décision d’octroi, l’obligation de reverser les sommes perçues s’impose au bénéficiaire. Le requérant soutenait que le retrait était disproportionné, arguant de l’achèvement d’une partie des travaux. Toutefois, la cour écarte ce moyen en considérant que le projet de rénovation formait un ensemble. L’abandon d’une partie substantielle des travaux, à savoir l’installation d’une chaudière, et le défaut de justification pour l’autre partie suffisent à caractériser un manquement global aux engagements. Le retrait ne porte donc pas sur une partie de l’aide mais sur son principe même, ce qui justifie la demande de remboursement de la totalité de l’avance. Cette solution réaffirme que l’avance n’est qu’un paiement anticipé sur une créance qui n’est pas encore certaine. La créance du bénéficiaire envers l’agence ne se consolide qu’au moment où toutes les conditions, y compris la justification de l’achèvement complet, sont remplies. Faute de cette consolidation, la cause de l’avance disparaît, justifiant sa restitution intégrale.

La cour ne se contente pas de valider le raisonnement de l’agence sur le non-respect des conditions techniques ; elle examine également avec la même rigueur les justifications personnelles avancées par le requérant.

II. Le rejet des moyens fondés sur les circonstances personnelles du bénéficiaire

Le requérant invoquait plusieurs arguments tirés de sa situation personnelle, espérant une application plus souple des textes. La cour les écarte en opérant une interprétation stricte des possibilités de dérogation prévues par le règlement (A) et en refusant de qualifier les difficultés rencontrées de cas de force majeure (B).

A. L’interprétation stricte des possibilités de dérogation réglementaire

Le requérant invoquait l’article 15-D du règlement de l’agence, qui permet de dispenser le bénéficiaire de son obligation d’occupation pour des motifs « d’ordre médical, familial ou professionnel ». Cependant, la cour note que l’intéressé n’a jamais formellement sollicité le bénéfice de cette disposition et, surtout, qu’il n’entendait pas seulement cesser d’occuper son bien mais le vendre. Or, la finalité de l’article 15-D est de permettre au bénéficiaire de conserver la propriété de son bien tout en étant autorisé à ne pas y résider, par exemple en le louant. La vente du bien sort donc du champ d’application de cette dérogation. De même, le requérant ne pouvait utilement se prévaloir de l’article 22 du règlement, qui prévoit un calcul `prorata temporis` des sommes à reverser. La cour rappelle que cette disposition « n’est pas applicable en cas de reversement des avances ». Cette disposition ne s’applique qu’aux subventions déjà liquidées et versées, et non aux avances dont la nature est précaire.

B. Le refus de reconnaître un cas de force majeure

Enfin, la cour examine si les difficultés personnelles du requérant — le décès de sa mère, ses problèmes de santé et ses ennuis financiers — pouvaient constituer un cas de force majeure l’exonérant de ses obligations. Conformément à une jurisprudence constante, la force majeure en droit administratif suppose la réunion de trois critères : l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. En l’espèce, le juge estime que les circonstances invoquées, bien que réelles, « ne présentent toutefois pas un caractère irrésistible, imprévisible et extérieur de nature à pouvoir les regarder comme un cas de force majeure ». Cette position, bien que sévère, est orthodoxe. Elle rappelle que la notion de force majeure est entendue de manière très restrictive par le juge administratif, qui considère que des difficultés financières ou des problèmes de santé, sauf à être d’une gravité et d’une soudaineté exceptionnelles, ne sont généralement pas suffisants pour exonérer une partie de ses obligations, surtout lorsque des mécanismes de report de délai, comme en l’espèce, ont déjà été mis en œuvre. La décision confirme ainsi que la protection des deniers publics et le respect de la légalité priment sur les considérations d’équité individuelle.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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