Cour d’appel administrative de Marseille, le 17 juillet 2025, n°24MA00639

Par un arrêt en date du 17 juillet 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur le régime de la régularisation des autorisations d’urbanisme. La décision commentée offre un éclairage précis sur l’office du juge administratif confronté à une mesure de régularisation qui ne purge que partiellement les illégalités d’un permis de construire initial.

En l’espèce, une association de protection de l’environnement avait demandé l’annulation d’un permis de construire accordé par un maire pour la création d’un hôtel dans un site protégé. Par un jugement avant dire droit, le tribunal administratif, usant des prérogatives de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, a sursis à statuer et imparti un délai au pétitionnaire pour régulariser trois séries de vices affectant la légalité de son autorisation. Un permis de construire modificatif a par la suite été délivré. Le tribunal a alors estimé la régularisation suffisante et rejeté la demande d’annulation. L’association a interjeté appel de ce jugement.

Il revenait à la cour d’appel de déterminer les conséquences d’une mesure de régularisation qui s’avère inapte à corriger l’intégralité des vices constatés par le premier juge. Plus précisément, la question se posait de savoir si l’échec partiel de la tentative de régularisation devait conduire le juge à accorder un nouveau délai pour parfaire la correction ou, au contraire, à prononcer l’annulation de l’autorisation d’urbanisme.

Après avoir annulé le jugement de première instance pour un motif d’irrégularité formelle et statué par la voie de l’évocation, la cour administrative d’appel constate que le permis modificatif a corrigé la plupart des illégalités, mais qu’un vice relatif à la hauteur du bâtiment demeure. Elle juge qu’une telle persistance de l’illégalité initiale fait obstacle à une nouvelle mesure de régularisation et impose de prononcer l’annulation de l’autorisation initiale ainsi que de l’acte de régularisation.

Si la décision confirme la faveur du droit contentieux de l’urbanisme pour la sauvegarde des autorisations par une gestion pragmatique de l’instance (I), elle fixe une limite rigoureuse à ce mécanisme en sanctionnant fermement l’échec de la mesure de régularisation (II).

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I. Une instance contentieuse canalisée au service de la régularisation

La cour administrative d’appel fait une application orthodoxe des mécanismes visant à stabiliser les situations juridiques en matière d’urbanisme. Elle valide d’abord une approche souple de l’appréciation des corrections apportées par le pétitionnaire (A), tout en rappelant que le recours au sursis à statuer a pour effet de cristalliser le débat sur la seule mesure de régularisation (B).

A. La validation d’une régularisation substantielle et extensive

Le juge démontre une volonté de donner son plein effet à la procédure de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme en acceptant des modifications significatives du projet initial. Il admet ainsi que le pétitionnaire a pu revoir entièrement l’architecture de son projet pour lui conférer un « style architectural traditionnel » et modifier les matériaux prévus, purgeant ainsi le vice tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme. De même, la cour valide la régularisation du vice tenant à l’insuffisance du dossier de demande initial.

Surtout, la cour se prononce sur la légalité du procédé par lequel la surface constructible a été artificiellement augmentée. Le pétitionnaire a en effet ajouté plusieurs parcelles à son terrain d’assiette pour respecter le ratio de 5 % d’emprise au sol imposé par une servitude locale. La juridiction écarte l’argument de la fraude en précisant que ni le décret applicable, « ni aucune règle d’urbanisme ne font obstacle à cet ajout ». Elle ajoute que le pétitionnaire n’était pas non plus tenu d’inclure dans le périmètre de sa demande l’ensemble de l’unité foncière lui appartenant. Cette solution pragmatique favorise la régularisation en autorisant une redéfinition opportune du terrain d’assiette, tant que celle-ci n’est pas explicitement prohibée.

B. La cristallisation du débat contentieux sur l’acte de régularisation

La décision rappelle une conséquence procédurale majeure de la mise en œuvre du sursis à statuer. Une fois cette décision prise, le champ du litige se trouve considérablement restreint. Le juge précise ainsi que « seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier ». Le débat se concentre alors exclusivement sur l’aptitude du permis modificatif à corriger les vices identifiés.

Cette concentration du litige interdit aux parties de soulever des moyens nouveaux qui ne seraient pas directement liés à l’acte de régularisation. La cour écarte ainsi un moyen de la requérante concernant une incomplétude du dossier initial, le jugeant « inopérant » à ce stade de la procédure. Cette règle de cristallisation a pour double objectif d’accélérer le traitement du contentieux et de sécuriser la démarche de régularisation, en empêchant que le débat ne soit sans cesse relancé par des arguments qui auraient dû être soulevés antérieurement. L’instance se focalise sur l’efficacité curative de la mesure de régularisation, dans une logique de bonne administration de la justice.

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II. La sanction de l’échec de la tentative de régularisation

Malgré une approche initiale favorable à la survie de l’autorisation, le juge administratif exerce un contrôle strict sur la correction effective des illégalités. La persistance d’un seul vice non régularisé (A) conduit la cour à refuser toute seconde chance et à prononcer une annulation inévitable (B).

A. La persistance d’une illégalité malgré la mesure corrective

Le contrôle opéré par la cour sur la mesure de régularisation demeure entier et minutieux. Après avoir validé plusieurs corrections, elle examine avec précision le respect de la hauteur maximale des constructions, fixée à huit mètres par le décret de 1966. Se fondant sur les plans en coupe versés au dossier, elle constate que la hauteur du bâtiment atteint 8,71 mètres sur une partie de sa longueur. Le juge en conclut que sur ce point, la régularisation a échoué.

Cette analyse factuelle détaillée démontre que la bienveillance du juge à l’égard du principe de la régularisation ne le conduit pas à un examen superficiel. Le vice, même localisé et d’ampleur limitée, suffit à entacher l’ensemble de la démarche corrective. La cour énonce clairement que « le vice entachant le permis de construire initial, tiré de la hauteur excessive du bâtiment (…), n’a pas été régularisé par le permis de construire modificatif du 9 août 2023 ». Cette illégalité persistante, bien qu’isolée, s’avère dirimante pour l’issue du litige, scellant le sort de l’autorisation d’urbanisme.

B. Le refus d’une nouvelle régularisation et l’annulation comme seule issue

La portée principale de cet arrêt réside dans la conséquence que la cour tire de l’échec partiel de la régularisation. Elle énonce un principe clair quant à l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, en s’appuyant sur l’intention du législateur. Face à une mesure de régularisation qui se révèle inefficace à purger un vice, le juge n’a pas la faculté d’accorder un nouveau délai.

La cour affirme qu’il lui « appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu de mettre à nouveau en œuvre la procédure prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation du vice considéré ». Cette solution met fin à toute idée de régularisations successives qui pourraient étirer indéfiniment le procès. Le pétitionnaire ne bénéficie que d’une seule tentative pour corriger les défauts de son permis. En outre, constatant que le vice de hauteur n’est pas isolable d’une partie identifiable du projet, la cour écarte également la possibilité d’une annulation partielle sur le fondement de l’article L. 600-5. L’annulation totale du permis de construire initial et du permis modificatif devient dès lors la seule sanction possible.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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