Cour d’appel administrative de Marseille, le 22 janvier 2025, n°23MA02373

Une personne ayant réalisé des travaux sans autorisation sur sa propriété s’est vu opposer un refus à sa demande de permis de construire en régularisation. Cette décision administrative, n’ayant fait l’objet d’aucun recours, est devenue définitive. Plusieurs mois plus tard, l’administrée a déposé une nouvelle demande de permis de construire portant sur la régularisation des mêmes travaux, laquelle a également été rejetée par le maire, puis par une décision sur recours gracieux. L’intéressée a alors saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de ce second refus. Par un jugement, les premiers juges ont rejeté sa requête en la déclarant irrecevable, au motif que la seconde décision de refus était purement confirmative de la première. La requérante a interjeté appel de ce jugement, soutenant que des changements dans les circonstances de fait, notamment un avis différent de l’Architecte des bâtiments de France, faisaient obstacle à la qualification de décision confirmative. Se posait ainsi à la cour administrative d’appel la question de savoir si un changement de circonstances de fait, pour faire obstacle au caractère confirmatif d’une décision, doit avoir une incidence directe sur l’appréciation des droits du demandeur. Dans son arrêt, la cour rejette l’appel, considérant que les changements invoqués, n’ayant pas été le fondement du refus et n’ayant pas de conséquences sur les droits de l’administrée, ne pouvaient retirer à la seconde décision son caractère confirmatif. Le présent commentaire s’attachera à analyser la confirmation par la cour d’une application rigoureuse de la théorie de la décision confirmative (I), avant d’examiner la portée de cette solution qui consacre la prééminence de la sécurité juridique (II).

I. La consolidation d’une approche stricte de la décision confirmative

La cour administrative d’appel, pour rejeter la requête, s’appuie sur une définition classique de la décision confirmative qu’elle applique avec rigueur aux faits de l’espèce. Elle réaffirme ainsi les conditions traditionnelles de la confirmation (A) tout en précisant la nature des changements de circonstances susceptibles de l’écarter (B).

A. La réaffirmation des critères de la confirmation

L’arrêt rappelle qu’une décision administrative qui statue sur une demande ayant le même objet qu’une décision antérieure devenue définitive présente un caractère confirmatif. Cette qualification a pour effet de rendre irrecevable tout recours contentieux formé contre la seconde décision, car elle ne rouvre pas les délais de recours. La cour précise toutefois la limite de ce principe, tenant à l’intervention d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait. Pour écarter la nature confirmative, ce changement doit être « de nature à emporter des conséquences sur l’appréciation des droits ou prétentions en litige ».

En l’espèce, la cour constate que la seconde demande de permis de construire visait à régulariser des travaux rigoureusement identiques à ceux de la première demande. Les plans cadastraux et de masse étaient les mêmes, et l’objet de la demande n’avait subi aucune modification. Le fondement de l’irrecevabilité était donc solidement établi sur la base de l’identité d’objet des deux demandes successives. Cette motivation réaffirme une jurisprudence constante visant à garantir la stabilité des situations juridiques et à empêcher les administrés de contourner les délais de recours par la présentation de demandes répétées.

B. La neutralisation des changements de fait inopérants

La requérante faisait valoir l’existence de plusieurs changements de fait pour contester le caractère confirmatif du refus. La cour les examine successivement pour en écarter la pertinence. Elle estime notamment qu’une simple différence de présentation formelle d’un document relatif à un point d’eau incendie ne constitue pas un changement de fait substantiel.

Le point le plus significatif de l’argumentation de la requérante résidait dans le changement d’avis de l’Architecte des bâtiments de France, qui était passé d’un avis favorable sur la première demande à un avis défavorable sur la seconde. La cour écarte cet argument de manière décisive en relevant que le maire ne s’était pas fondé sur cet avis, qui n’était au demeurant qu’un avis simple, pour motiver son refus. Par conséquent, cette modification ne pouvait être « regardée comme un changement dans les circonstances de fait ou de droit de nature à emporter des conséquences sur l’appréciation des droits ». Cette analyse démontre que le juge administratif apprécie le caractère substantiel d’un changement de circonstances non pas de manière abstraite, mais au regard de son impact effectif sur la décision prise. Un fait nouveau, même avéré, est considéré comme inopérant s’il n’a exercé aucune influence sur le raisonnement de l’autorité administrative.

II. La primauté de la sécurité juridique sur le réexamen des droits

En faisant une application aussi stricte de la théorie de la décision confirmative, l’arrêt met en lumière la place centrale de la sécurité juridique dans le contentieux administratif. Cette solution consacre la finalité des décisions administratives (A) tout en rappelant la responsabilité qui incombe au requérant dans la gestion de ses recours (B).

A. La consécration du caractère définitif des décisions administratives

La décision commentée illustre parfaitement la force attachée à une décision administrative individuelle qui n’a pas été contestée dans les délais. En jugeant que le second refus était purement confirmatif, la cour refuse à la requérante une seconde chance de contester une situation qui a été juridiquement tranchée par le premier refus devenu définitif. Cette solution est essentielle à la bonne administration et à la stabilité des rapports de droit.

Admettre qu’un administré puisse, par le biais de demandes répétées, rouvrir indéfiniment les délais de recours contre une décision qui lui est défavorable porterait une atteinte grave au principe de sécurité juridique. L’administration serait alors exposée à une remise en cause perpétuelle de ses décisions. En refusant de se pencher sur les moyens de fond soulevés contre le second refus, la cour rappelle que le contrôle de légalité ne peut s’exercer que dans le respect des règles de procédure, au premier rang desquelles figure le respect des délais de recours. La négligence initiale de la requérante à contester la première décision scelle ainsi définitivement le sort de son projet.

B. La portée pédagogique de la décision à l’égard de l’administré

Si la solution peut paraître sévère pour la requérante, qui se trouve dans l’impossibilité de régulariser sa construction, elle revêt une dimension pédagogique importante. Elle souligne l’importance pour les administrés d’être diligents dans la défense de leurs droits. Le droit au recours, s’il est fondamental, doit s’exercer dans un cadre temporel strict, faute de quoi il s’éteint.

L’arrêt constitue ainsi une décision d’espèce, appliquant sans la renouveler une jurisprudence bien établie. Sa portée n’est pas tant de créer un droit nouveau que de rappeler avec fermeté les conséquences de l’inaction d’un justiciable. Il incite les administrés à contester sans délai les décisions qui leur font grief, plutôt qu’à tenter de créer artificiellement les conditions d’un réexamen ultérieur de leur situation. La stabilité du droit positif et l’autorité des décisions administratives sont à ce prix. L’issue du litige repose entièrement sur la carence procédurale initiale de la requérante.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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