Troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 3 juillet 2025, n°23-18.707
La troisième chambre civile, le 3 juillet 2025, casse l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 18 avril 2023. Le litige concerne la restitution d’un dépôt de garantie et la réparation de dégradations relevées à la sortie d’un bail d’habitation.
Un bail d’habitation portant sur une maison a été conclu le 12 novembre 2018. À la restitution des clés, les locataires ont demandé le dépôt de garantie, avec la majoration mensuelle de 10 % du loyer. La bailleresse a reconventionnellement réclamé le coût des travaux de remise en état des lieux.
La cour d’appel de Fort-de-France a condamné la bailleresse à restituer le dépôt majoré et a rejeté ses prétentions indemnitaires. Elle a estimé que, malgré des dégradations imputables aux locataires, la facture produite était inadéquate, forfaitaire, et dépourvue d’éléments chiffrés vérifiables.
Devant la Cour de cassation, la bailleresse a soutenu que le constat du dommage imposait au juge d’en réparer l’atteinte. « le juge qui constate l’existence d’un préjudice doit le réparer, au besoin en provoquant les explications des parties ». La question posée tenait à la faculté de refuser toute réparation au seul motif d’une preuve jugée insuffisante du quantum.
La Cour vise l’article 4 du code civil. Elle énonce que « il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l’existence en son principe, motif pris de l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ». Après avoir relevé que des dégradations étaient imputables aux locataires, elle censure le refus d’évaluer le préjudice, rappelant que « En statuant ainsi, sans évaluer le dommage dont elle constatait l’existence en son principe, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
I. L’obligation d’évaluer le dommage après sa constatation
A. Le fondement dans l’article 4 du code civil
En retenant l’article 4, la Cour transpose l’interdiction du déni de justice à l’évaluation du dommage. Le juge ne peut s’abriter derrière une difficulté de chiffrage pour écarter la réparation, dès lors que l’atteinte est acquise en son principe.
La formule utilisée est impérative et générale, ce qui exclut toute solution de pure commodité probatoire. Le pouvoir souverain d’appréciation porte alors sur le montant, sans dispenser d’allouer une indemnité, fût-elle réduite.
B. L’application locative et l’erreur de méthode des juges du fond
La cour d’appel a relevé des dégradations établies par un état des lieux de sortie contradictoire, puis a écarté la facture, jugée non qualifiée et forfaitaire. Cette démarche scinde à tort l’existence et l’évaluation, et conduit à un refus d’indemniser.
Une fois le principe du dommage admis, il appartenait aux juges d’en fixer le quantum, au besoin en sollicitant des précisions ou en ordonnant une mesure d’instruction. L’arrêt rappelle que la carence de chiffrage n’autorise pas l’inaction juridictionnelle.
II. Valeur et portée de la solution
A. Valeur normative et équilibre des intérêts en bail d’habitation
La solution renforce la protection effective du droit à réparation, sans affranchir les bailleurs de l’exigence probatoire pesant sur le quantum. Elle évite qu’une faiblesse de preuve chiffrée anéantisse un droit substantiel, déjà reconnu par les constatations matérielles.
Dans le contentieux du dépôt de garantie, cette exigence limite les effets mécaniques de la majoration légale de 10 % lorsque des dégradations sont avérées. Elle impose une mise en balance concrète entre restitution, compensation et indemnisation.
B. Conséquences pratiques et perspectives pour la cour de renvoi et les praticiens
Devant la cour de renvoi, l’évaluation pourra s’appuyer sur des devis détaillés, une expertise, ou tout élément objectif permettant de chiffrer poste par poste les remises en état. La fixation judiciaire n’exclut pas de réduire drastiquement des prétentions imprécises.
Le message adressé est double : produire une preuve structurée du coût, et, pour le juge, mobiliser ses pouvoirs d’instruction au lieu de rejeter pour insuffisance. La réparation intégrale demeure la boussole, à charge d’écarter le forfaitaire non justifié.
La troisième chambre civile, le 3 juillet 2025, casse l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 18 avril 2023. Le litige concerne la restitution d’un dépôt de garantie et la réparation de dégradations relevées à la sortie d’un bail d’habitation.
Un bail d’habitation portant sur une maison a été conclu le 12 novembre 2018. À la restitution des clés, les locataires ont demandé le dépôt de garantie, avec la majoration mensuelle de 10 % du loyer. La bailleresse a reconventionnellement réclamé le coût des travaux de remise en état des lieux.
La cour d’appel de Fort-de-France a condamné la bailleresse à restituer le dépôt majoré et a rejeté ses prétentions indemnitaires. Elle a estimé que, malgré des dégradations imputables aux locataires, la facture produite était inadéquate, forfaitaire, et dépourvue d’éléments chiffrés vérifiables.
Devant la Cour de cassation, la bailleresse a soutenu que le constat du dommage imposait au juge d’en réparer l’atteinte. « le juge qui constate l’existence d’un préjudice doit le réparer, au besoin en provoquant les explications des parties ». La question posée tenait à la faculté de refuser toute réparation au seul motif d’une preuve jugée insuffisante du quantum.
La Cour vise l’article 4 du code civil. Elle énonce que « il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l’existence en son principe, motif pris de l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ». Après avoir relevé que des dégradations étaient imputables aux locataires, elle censure le refus d’évaluer le préjudice, rappelant que « En statuant ainsi, sans évaluer le dommage dont elle constatait l’existence en son principe, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
I. L’obligation d’évaluer le dommage après sa constatation
A. Le fondement dans l’article 4 du code civil
En retenant l’article 4, la Cour transpose l’interdiction du déni de justice à l’évaluation du dommage. Le juge ne peut s’abriter derrière une difficulté de chiffrage pour écarter la réparation, dès lors que l’atteinte est acquise en son principe.
La formule utilisée est impérative et générale, ce qui exclut toute solution de pure commodité probatoire. Le pouvoir souverain d’appréciation porte alors sur le montant, sans dispenser d’allouer une indemnité, fût-elle réduite.
B. L’application locative et l’erreur de méthode des juges du fond
La cour d’appel a relevé des dégradations établies par un état des lieux de sortie contradictoire, puis a écarté la facture, jugée non qualifiée et forfaitaire. Cette démarche scinde à tort l’existence et l’évaluation, et conduit à un refus d’indemniser.
Une fois le principe du dommage admis, il appartenait aux juges d’en fixer le quantum, au besoin en sollicitant des précisions ou en ordonnant une mesure d’instruction. L’arrêt rappelle que la carence de chiffrage n’autorise pas l’inaction juridictionnelle.
II. Valeur et portée de la solution
A. Valeur normative et équilibre des intérêts en bail d’habitation
La solution renforce la protection effective du droit à réparation, sans affranchir les bailleurs de l’exigence probatoire pesant sur le quantum. Elle évite qu’une faiblesse de preuve chiffrée anéantisse un droit substantiel, déjà reconnu par les constatations matérielles.
Dans le contentieux du dépôt de garantie, cette exigence limite les effets mécaniques de la majoration légale de 10 % lorsque des dégradations sont avérées. Elle impose une mise en balance concrète entre restitution, compensation et indemnisation.
B. Conséquences pratiques et perspectives pour la cour de renvoi et les praticiens
Devant la cour de renvoi, l’évaluation pourra s’appuyer sur des devis détaillés, une expertise, ou tout élément objectif permettant de chiffrer poste par poste les remises en état. La fixation judiciaire n’exclut pas de réduire drastiquement des prétentions imprécises.
Le message adressé est double : produire une preuve structurée du coût, et, pour le juge, mobiliser ses pouvoirs d’instruction au lieu de rejeter pour insuffisance. La réparation intégrale demeure la boussole, à charge d’écarter le forfaitaire non justifié.