Cour d’appel de Rouen, le 26 juin 2025, n°24/02727

Par un arrêt du 26 juin 2025, la Cour d’appel de Rouen, chambre de la proximité, tranche un litige relatif à la clause résolutoire d’un bail d’habitation. Le bail avait été conclu le 9 septembre 2022 pour un loyer mensuel de 940 euros, avant que des impayés ne soient reprochés aux preneurs, suivis d’un commandement de payer du 26 janvier 2023 et d’une assignation du 22 mai 2023. Par jugement du 24 mai 2024, le juge des contentieux de la protection d’Évreux a constaté l’acquisition de la clause au 27 mars 2023 et ordonné l’expulsion, avec condamnations financières. Les preneurs ont interjeté appel le 26 juillet 2024, sollicitant des délais de paiement et la suspension de la clause sur le fondement de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. La bailleresse conclut à la confirmation en invoquant un arriéré substantiel ; les appelants invoquent une capacité de remboursement supplémentaire de 400 euros par mois. La question porte sur les conditions d’octroi de délais de paiement, propres à suspendre une clause résolutoire acquise, au regard de la situation financière et des paiements effectivement réalisés. La cour confirme la sanction résolutoire et les condamnations, mais accorde quatorze mois de délais, suspendant la clause sous réserve du paiement du loyer courant et d’échéances mensuelles.

I. La confirmation de la sanction résolutoire

A. Conditions rappelées et office du juge
La juridiction d’appel relève d’abord l’absence de contestation sur l’arriéré et l’indemnité d’occupation, ce qui borne son office à l’examen résiduel des délais. Elle rappelle l’obligation essentielle du locataire, en reproduisant la norme impérative : « Aux termes de l’article 7 a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. » Le manquement établi fonde la résiliation de plein droit, dont l’acquisition a été fixée au 27 mars 2023 par le premier juge.

B. Effets confirmés et rappel des obligations
Constatant ces éléments, la cour confirme le principe et les effets passés de la clause, ainsi que les accessoires de la dette, intérêts compris. La motivation, sobre, retient que « Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce sens. » La solution préserve la créance locative et l’autorité attachée au commandement, tout en ménageant la possibilité d’un traitement judiciaire de la dette, distinct de la sanction déjà acquise. Elle rappelle implicitement que la clause produit ses effets jusqu’à une éventuelle suspension, laquelle exige une base légale et une appréciation concrète.

II. La suspension par délais judiciaires

A. Critères d’octroi et contrôle de la solvabilité
La cour explicite le standard légal en termes clairs et complets, liant l’octroi de délais à la capacité de règlement du loyer courant. Elle énonce que « Si l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 permet au juge d’accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, ces délais, qui sont de nature à suspendre les effets de la clause résolutoire, supposent que le locataire soit en situation de régler le loyer courant. » L’examen factuel retient des versements réguliers, indicateurs d’un redressement crédible et durable : « il apparaît que les appelants paie chaque mois 940 euros depuis juillet 2024. » Les ressources globales, salaires et pension compris, confortent cette appréciation, sans exiger la preuve d’un motif légitime de la carence passée, l’analyse demeurant centrée sur la faisabilité de l’apurement.

B. Détermination du plan et mécanismes de sanction
Au vu de ces éléments, l’arrêt accorde quatorze mois, avec échéances de 400 euros en sus du loyer courant, en fixant une date butoir mensuelle. Il en tire la conséquence nécessaire sur l’efficacité de la clause, en décidant : « Suspend les effets de la clause résolutoire pendant les délais accordés sous réserve du respect des conditions fixées ; » Le dispositif ménage une issue alternative, équilibrée et lisible. En cas de régularisation complète, « la clause résolutoire sera réputée non acquise ». À défaut d’un seul versement au bon terme, « l’intégralité des sommes dues deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, le bail résilié ». Le schéma concilie la sécurité du bailleur et la prévention des expulsions par un plan réaliste et conditionnel, qui responsabilise le preneur tout en sauvegardant l’effectivité des droits du bailleur.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture