Cour d’appel de Saint – Denis, le 25 juillet 2025, n°24/00655
Cour d’appel de Saint‑Denis, 25 juillet 2025. Un bailleur social a consenti en 2009 un bail d’habitation, assorti d’une clause résolutoire, pour un loyer mensuel hors charges. À la suite d’impayés, un commandement de payer visant la clause a été signifié le 9 novembre 2022. Deux versements sont intervenus durant le délai de deux mois. Assignés en résiliation, les locataires ont été déboutés en appel de leurs prétentions, après un premier jugement du 25 mars 2024 ayant refusé l’acquisition de la clause résolutoire et octroyé des délais d’apurement.
Le premier juge avait considéré que le commandement était inopérant car entaché de sommes non exigibles, dont des pénalités et un supplément de loyer de solidarité, et que la dette avait été soldée dans le délai. L’appelant soutenait au contraire que l’arriéré demeurait au‑delà du délai légal, même après déduction des frais de procédure. La question posée était double : d’une part, la clause résolutoire produit‑elle effet lorsque le commandement comprend des postes discutés, mais que la dette exigible reste supérieure aux versements dans le délai légal ; d’autre part, le supplément de loyer de solidarité peut‑il être intégré au décompte sans formalités complémentaires dans les circonstances de l’espèce. La cour d’appel retient l’acquisition de la clause, refuse toute suspension par délais de paiement, ordonne l’expulsion et fixe l’indemnité d’occupation. Elle énonce notamment que « les versements effectués avant le 9 janvier 2023, d’un montant de 1.450,00 euros, étaient insuffisants pour apurer la dette locative » et que « le bail doit être considéré comme résilié de plein droit à la date du 9 janvier 2023 ».
I – La mise en œuvre de la clause résolutoire
A – Le déficit persistant au terme du délai de deux mois
La cour d’appel confirme le cadre de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, rappelé par l’acte de location. Elle constate l’existence d’un commandement régulier et la persistance d’une dette au‑delà du délai de deux mois, nonobstant plusieurs versements. Elle relève ainsi que « selon cet acte, les intimés restaient devoir la somme de 3.588,11 euros au titre des loyers impayés, hors coût de l’acte », puis que les règlements de 750 euros et 700 euros n’ont pas suffi à apurer l’arriéré.
La critique du premier jugement tient au fait que la rectification d’office du décompte ne purgait pas le déficit. La cour énonce explicitement que « les versements effectués avant le 9 janvier 2023, d’un montant de 1.450,00 euros, étaient insuffisants pour apurer la dette locative ». Elle en déduit, après neutralisation de frais indus, le maintien d’une dette significative et tranche : « les effets de la clause résolutoire insérée au bail devaient donc s’appliquer à la cause et le bail doit être considéré comme résilié de plein droit à la date du 9 janvier 2023 ». Le sens de la solution est pédagogique : l’imprécision partielle du commandement ne fait pas obstacle, si la dette exigible demeure supérieure aux versements opérés dans le délai.
B – Le périmètre de l’arriéré: SLS, pénalités et frais
Le contrôle des postes inclus au décompte est affirmé. La cour reprend que « le montant énoncé dans le commandement de payer, de 3.588,11 euros, est défini de manière erronée par la bailleresse » car y figuraient des « frais judiciaires » et un « S.L.S ». Elle approuve le principe du contrôle d’office des postes composant la dette : « le premier juge a justement souligné qu’il peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative ».
Elle confirme l’exclusion des majorations contractuelles, en rappelant que « les pénalités de retard ne peuvent être réclamées au locataire en vertu de l’article 4 i) de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 ». En miroir, elle valide l’intégration du surloyer légal, après examen des éléments produits et du comportement des locataires. Elle cite la base légale : « Les organismes d’habitations à loyer modéré perçoivent des locataires […] un supplément de loyer de solidarité en sus du loyer principal et des charges locatives dès lors qu’au cours du bail les ressources […] excèdent d’au moins 20 % les plafonds ». Malgré l’absence de mise en demeure détaillée pour l’enquête annuelle, la cour retient que « la bailleresse démontre le bienfondé de l’application du surloyer aux locataires intimés » en raison de son application continue depuis 2016 et de l’absence de contestation.
II – Valeur et portée de la solution
A – Le contrôle du commandement et la place du SLS
La solution concilie rigueur formelle et pragmatisme. En procédant à un tri des postes, le juge du fond évite qu’un commandement entaché de frais inopposables vicie irréversiblement la clause. La cour s’inscrit dans cette voie, mais poursuit la démonstration pour constater que la dette exigible demeure substantielle après neutralisation des frais de procédure. Ce raisonnement, centré sur l’exigibilité réelle, renforce l’efficacité de l’article 24 tout en préservant les droits du locataire contre les pénalités illicites.
L’acceptation du SLS suscite toutefois une discussion. La décision rappelle le mécanisme de l’article L. 441‑9 du code de la construction et de l’habitation, qui organise l’enquête annuelle et le « supplément de loyer » provisoire en cas de défaut de réponse, avec régularisation ultérieure. Elle souligne que « le trop-perçu de supplément de loyer est reversé au locataire dans les deux mois ». L’argument retenu tient à l’antériorité et à la régularité du SLS, et à la non‑contestation des intéressés. Cette approche, probatoire et concrète, peut être approuvée au regard du droit positif, sous réserve que le bailleur documente chaque période de référence. Elle rappelle aux bailleurs l’utilité d’un décompte distinct des frais et d’une traçabilité complète des courriers d’enquête.
B – Les critères d’octroi des délais et la rigueur attendue
La seconde branche porte sur la suspension des effets de la clause par délais de paiement. La cour constate des règlements postérieurs et leur insuffisance face à une dette en croissance continue. Elle relève l’absence d’éléments actuels sur les ressources et charges permettant d’apprécier un plan d’apurement crédible. Il en résulte un refus net : la formation déclare « DIT N’Y AVOIR LIEU à délais de paiement et suspension des effets de la clause résolutoire ». Cette motivation s’inscrit dans une ligne de fermeté lorsque les retards sont répétés et les éléments financiers lacunaires.
La portée pratique est claire. D’une part, les locataires doivent proposer des plans réalistes, étayés par des justificatifs contemporains, si l’effet suspensif est recherché. D’autre part, l’office du juge englobe le calibrage de l’indemnité d’occupation, calquée sur les loyers et charges, la cour précisant qu’« ils seront débiteurs d’une indemnité d’occupation d’un montant équivalent au montant des loyers qui auraient été dus ». L’arrêt consolide une méthode en deux temps : contrôle qualitatif du décompte, puis appréciation dynamique de la capacité d’apurement. Il incite enfin les bailleurs à bannir du commandement toute somme inopposable, sans renoncer à intégrer le SLS lorsqu’il est légalement dû et suffisamment justifié.
Cour d’appel de Saint‑Denis, 25 juillet 2025. Un bailleur social a consenti en 2009 un bail d’habitation, assorti d’une clause résolutoire, pour un loyer mensuel hors charges. À la suite d’impayés, un commandement de payer visant la clause a été signifié le 9 novembre 2022. Deux versements sont intervenus durant le délai de deux mois. Assignés en résiliation, les locataires ont été déboutés en appel de leurs prétentions, après un premier jugement du 25 mars 2024 ayant refusé l’acquisition de la clause résolutoire et octroyé des délais d’apurement.
Le premier juge avait considéré que le commandement était inopérant car entaché de sommes non exigibles, dont des pénalités et un supplément de loyer de solidarité, et que la dette avait été soldée dans le délai. L’appelant soutenait au contraire que l’arriéré demeurait au‑delà du délai légal, même après déduction des frais de procédure. La question posée était double : d’une part, la clause résolutoire produit‑elle effet lorsque le commandement comprend des postes discutés, mais que la dette exigible reste supérieure aux versements dans le délai légal ; d’autre part, le supplément de loyer de solidarité peut‑il être intégré au décompte sans formalités complémentaires dans les circonstances de l’espèce. La cour d’appel retient l’acquisition de la clause, refuse toute suspension par délais de paiement, ordonne l’expulsion et fixe l’indemnité d’occupation. Elle énonce notamment que « les versements effectués avant le 9 janvier 2023, d’un montant de 1.450,00 euros, étaient insuffisants pour apurer la dette locative » et que « le bail doit être considéré comme résilié de plein droit à la date du 9 janvier 2023 ».
I – La mise en œuvre de la clause résolutoire
A – Le déficit persistant au terme du délai de deux mois
La cour d’appel confirme le cadre de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, rappelé par l’acte de location. Elle constate l’existence d’un commandement régulier et la persistance d’une dette au‑delà du délai de deux mois, nonobstant plusieurs versements. Elle relève ainsi que « selon cet acte, les intimés restaient devoir la somme de 3.588,11 euros au titre des loyers impayés, hors coût de l’acte », puis que les règlements de 750 euros et 700 euros n’ont pas suffi à apurer l’arriéré.
La critique du premier jugement tient au fait que la rectification d’office du décompte ne purgait pas le déficit. La cour énonce explicitement que « les versements effectués avant le 9 janvier 2023, d’un montant de 1.450,00 euros, étaient insuffisants pour apurer la dette locative ». Elle en déduit, après neutralisation de frais indus, le maintien d’une dette significative et tranche : « les effets de la clause résolutoire insérée au bail devaient donc s’appliquer à la cause et le bail doit être considéré comme résilié de plein droit à la date du 9 janvier 2023 ». Le sens de la solution est pédagogique : l’imprécision partielle du commandement ne fait pas obstacle, si la dette exigible demeure supérieure aux versements opérés dans le délai.
B – Le périmètre de l’arriéré: SLS, pénalités et frais
Le contrôle des postes inclus au décompte est affirmé. La cour reprend que « le montant énoncé dans le commandement de payer, de 3.588,11 euros, est défini de manière erronée par la bailleresse » car y figuraient des « frais judiciaires » et un « S.L.S ». Elle approuve le principe du contrôle d’office des postes composant la dette : « le premier juge a justement souligné qu’il peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative ».
Elle confirme l’exclusion des majorations contractuelles, en rappelant que « les pénalités de retard ne peuvent être réclamées au locataire en vertu de l’article 4 i) de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 ». En miroir, elle valide l’intégration du surloyer légal, après examen des éléments produits et du comportement des locataires. Elle cite la base légale : « Les organismes d’habitations à loyer modéré perçoivent des locataires […] un supplément de loyer de solidarité en sus du loyer principal et des charges locatives dès lors qu’au cours du bail les ressources […] excèdent d’au moins 20 % les plafonds ». Malgré l’absence de mise en demeure détaillée pour l’enquête annuelle, la cour retient que « la bailleresse démontre le bienfondé de l’application du surloyer aux locataires intimés » en raison de son application continue depuis 2016 et de l’absence de contestation.
II – Valeur et portée de la solution
A – Le contrôle du commandement et la place du SLS
La solution concilie rigueur formelle et pragmatisme. En procédant à un tri des postes, le juge du fond évite qu’un commandement entaché de frais inopposables vicie irréversiblement la clause. La cour s’inscrit dans cette voie, mais poursuit la démonstration pour constater que la dette exigible demeure substantielle après neutralisation des frais de procédure. Ce raisonnement, centré sur l’exigibilité réelle, renforce l’efficacité de l’article 24 tout en préservant les droits du locataire contre les pénalités illicites.
L’acceptation du SLS suscite toutefois une discussion. La décision rappelle le mécanisme de l’article L. 441‑9 du code de la construction et de l’habitation, qui organise l’enquête annuelle et le « supplément de loyer » provisoire en cas de défaut de réponse, avec régularisation ultérieure. Elle souligne que « le trop-perçu de supplément de loyer est reversé au locataire dans les deux mois ». L’argument retenu tient à l’antériorité et à la régularité du SLS, et à la non‑contestation des intéressés. Cette approche, probatoire et concrète, peut être approuvée au regard du droit positif, sous réserve que le bailleur documente chaque période de référence. Elle rappelle aux bailleurs l’utilité d’un décompte distinct des frais et d’une traçabilité complète des courriers d’enquête.
B – Les critères d’octroi des délais et la rigueur attendue
La seconde branche porte sur la suspension des effets de la clause par délais de paiement. La cour constate des règlements postérieurs et leur insuffisance face à une dette en croissance continue. Elle relève l’absence d’éléments actuels sur les ressources et charges permettant d’apprécier un plan d’apurement crédible. Il en résulte un refus net : la formation déclare « DIT N’Y AVOIR LIEU à délais de paiement et suspension des effets de la clause résolutoire ». Cette motivation s’inscrit dans une ligne de fermeté lorsque les retards sont répétés et les éléments financiers lacunaires.
La portée pratique est claire. D’une part, les locataires doivent proposer des plans réalistes, étayés par des justificatifs contemporains, si l’effet suspensif est recherché. D’autre part, l’office du juge englobe le calibrage de l’indemnité d’occupation, calquée sur les loyers et charges, la cour précisant qu’« ils seront débiteurs d’une indemnité d’occupation d’un montant équivalent au montant des loyers qui auraient été dus ». L’arrêt consolide une méthode en deux temps : contrôle qualitatif du décompte, puis appréciation dynamique de la capacité d’apurement. Il incite enfin les bailleurs à bannir du commandement toute somme inopposable, sans renoncer à intégrer le SLS lorsqu’il est légalement dû et suffisamment justifié.