Par un arrêt en date du 2 avril 2025, une cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur les conséquences d’une annulation pour vice de forme d’un refus d’autorisation d’urbanisme. En l’espèce, une société de téléphonie mobile avait déposé une déclaration préalable en vue de l’installation d’un pylône sur le territoire d’une commune. Le maire s’était opposé à ce projet par un arrêté, conduisant la société à saisir le tribunal administratif de Melun. Par un jugement du 24 mai 2024, les premiers juges ont annulé la décision de refus et ont enjoint à la commune de délivrer une décision de non-opposition. La commune a alors interjeté appel de ce jugement. La question de droit qui se posait à la cour était de déterminer l’étendue des pouvoirs d’injonction du juge administratif lorsqu’une décision de refus d’urbanisme, bien que fondée sur le fond, est annulée pour un motif de légalité externe tenant à l’insuffisance de sa motivation. La cour administrative d’appel a confirmé l’annulation de la décision du maire pour insuffisance de motivation, mais a infirmé le jugement en ce qu’il prononçait une injonction de délivrer une autorisation, au motif que le refus était matériellement justifié par l’atteinte du projet au paysage.
La solution retenue par la cour réaffirme avec force l’exigence de motivation des décisions administratives (I), tout en préservant le pouvoir d’appréciation de l’administration lorsque sa décision est substantiellement fondée (II).
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I. La sanction réaffirmée de l’insuffisance de motivation d’un refus d’urbanisme
La cour administrative d’appel confirme la censure par les premiers juges de la décision municipale en se fondant sur une conception rigoureuse de l’obligation de motivation (A), ce qui entraîne logiquement l’annulation de l’acte pour vice de forme (B).
A. L’exigence formelle d’une motivation explicite en fait et en droit
L’arrêt rappelle que la motivation d’une décision de refus d’urbanisme doit permettre à son destinataire de comprendre les raisons précises qui la fondent. En l’espèce, l’arrêté du maire se contentait de viser de manière générale le code de l’urbanisme et le plan local d’urbanisme, sans préciser les dispositions sur lesquelles il se fondait pour justifier son opposition. La cour estime qu’une telle motivation, qui se borne à des références globales, ne satisfait pas aux exigences des articles L. 424-3 et A. 424-4 du code de l’urbanisme. Elle juge que la société pétitionnaire « n’a dès lors pas été mise à même de connaître précisément et immédiatement, à sa seule lecture, les normes fondant la décision de refus qui lui a été opposée ». Cette position souligne que la motivation ne doit pas être un simple exercice formel mais une garantie effective pour l’administré, lui permettant de contester la décision en pleine connaissance de cause. La clarté et la précision des motifs sont donc essentielles.
B. La conséquence logique de l’annulation pour vice de légalité externe
Le constat de l’insuffisance de motivation emporte l’annulation de la décision administrative. Ce vice de légalité externe prive l’acte de sa base légale formelle et justifie sa disparition de l’ordonnancement juridique. En confirmant sur ce point le jugement de première instance, la cour administrative d’appel applique une jurisprudence constante qui fait de l’obligation de motiver une garantie substantielle pour les administrés. L’annulation prononcée sur ce seul motif de légalité externe a pour effet de replacer les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l’édiction de l’acte annulé. La commune est ainsi tenue de réexaminer la demande de l’opérateur de téléphonie. Toutefois, la portée de cette annulation est limitée, car elle ne préjuge pas de la légalité du contenu même de la décision.
II. La préservation du pouvoir d’appréciation de l’administration
Si l’acte est annulé pour un motif de forme, la cour prend soin d’examiner le fond du dossier pour statuer sur la demande d’injonction. Elle valide ainsi l’appréciation portée par le maire sur l’atteinte au paysage (A), ce qui la conduit à refuser de prononcer une injonction de délivrer l’autorisation (B).
A. La validation du motif de fond tiré de l’atteinte au paysage
La cour procède à une analyse approfondie de la légalité interne de la décision, que les premiers juges avaient écartée. Elle examine si le maire a commis une erreur d’appréciation en considérant que le projet portait atteinte à la sauvegarde des paysages. Pour ce faire, elle évalue d’une part la qualité du site, situé en entrée de village et à proximité d’une église protégée, et d’autre part l’impact visuel du projet, un pylône de trente-six mètres de hauteur dans un environnement plat et ouvert. S’appuyant sur les pièces du dossier et sur l’avis de l’architecte des bâtiments de France, elle conclut que « le maire de la commune a pu sans erreur d’appréciation, compte tenu notamment de la configuration des lieux, de la situation en entrée de village et de la hauteur du pylône projeté, s’opposer à la déclaration de travaux de la société en raison de l’atteinte susceptible d’être portée à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ». L’appréciation de l’administration sur le fond du dossier est donc jugée correcte.
B. Le refus d’injonction comme conséquence de la légalité substantielle du refus
La conséquence de cette analyse est déterminante quant à l’étendue des pouvoirs du juge. Puisque le refus d’autorisation était justifié sur le fond, la cour juge que le tribunal administratif ne pouvait enjoindre à la commune de délivrer une décision de non-opposition. Une telle injonction aurait eu pour effet de contraindre l’administration à prendre une décision contraire à l’intérêt public qu’elle a la charge de défendre, en l’occurrence la protection des paysages. L’arrêt distingue ainsi clairement les conséquences d’une annulation pour vice de forme de celles d’une annulation pour vice de fond. Dans le premier cas, l’administration est simplement tenue de reprendre la procédure ; elle conserve son pouvoir d’appréciation et peut émettre une nouvelle décision de refus, à condition que celle-ci soit correctement motivée. La cour annule donc le jugement sur ce point, laissant à la commune la liberté de statuer à nouveau sur la déclaration préalable.