Cour d’appel de Rennes, le 3 septembre 2025, n°24/06040
La Cour d’appel de Rennes, par arrêt du 3 septembre 2025, statue sur l’efficacité d’un désistement d’appel en présence de demandes incidentes, dans un litige né d’un bail commercial. La décision confirme l’ordonnance de référé constatant la résiliation du bail, ordonnant l’expulsion et allouant une indemnité d’occupation, tout en fixant la créance locative au passif de la procédure collective.
Un bail commercial avait été conclu le 21 septembre 2023, assorti d’un loyer indexé et d’une clause résolutoire. Des loyers de décembre 2023, janvier et février 2024 étant demeurés impayés, un commandement de payer a été délivré le 2 mai 2024. Par ordonnance du 22 octobre 2024, le juge des référés a constaté la résiliation au 3 juin 2024, ordonné l’expulsion, condamné au paiement provisionnel des arriérés et de l’indemnité d’occupation, et statué sur des mesures accessoires.
Un appel a été interjeté le 5 novembre 2024, tandis qu’une procédure collective était ouverte puis convertie en liquidation, entraînant l’intervention du liquidateur. Celui‑ci a notifié un désistement d’appel par conclusions du 27 mai 2025. Entre‑temps, l’intimé avait conclu le 10 mars 2025 pour solliciter confirmation et fixation de la créance au passif. La clôture à bref délai est intervenue le 15 mai 2025, le dossier étant en délibéré lors du désistement.
La question de droit tenait à l’effet d’un désistement d’appel notifié en cours de délibéré lorsque l’intimé a formé des demandes incidentes. La cour vise les textes et rappelle que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires ». Elle ajoute que « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait, a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ». Elle précise, au regard de la temporalité procédurale, qu’« un désistement peut intervenir très tardivement en cours de délibéré (Civ.2e, 5.déc.2019, n°22.504) sans qu’il soit nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture ». Constatant des prétentions incidentes, elle tranche ainsi: « Ces demandes constituent des demandes incidentes de sorte qu’il ne peut être constaté le désistement d’appel ». La confirmation est donc prononcée, la créance étant fixée au passif à 10 450,26 euros, sans application de l’article 700, car « l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».
I. Le régime du désistement d’appel et son interaction avec les demandes incidentes
A. Le cadre textuel et l’admission du désistement en cours de délibéré La cour cite les articles 400 et 401 du code de procédure civile pour asseoir la validité de principe du désistement, tout en encadrant ses conditions d’efficacité. Le rappel est net: « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires ». La juridiction précise la temporalité, en retenant que « [il] peut intervenir très tardivement en cours de délibéré […] sans qu’il soit nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture ». La règle protège l’économie du procès et évite une réouverture inutile, sous réserve des hypothèses exigées par l’article 401.
B. L’obstacle constitué par les prétentions adverses qualifiées de demandes incidentes L’article 401 exige l’acceptation lorsque l’intimé a formé « un appel incident ou une demande incidente ». La cour constate que des conclusions adverses sollicitaient confirmation et fixation au passif, ce qui caractérise de véritables demandes incidentes. Elle en déduit, dans une formule décisive, que « Ces demandes constituent des demandes incidentes de sorte qu’il ne peut être constaté le désistement d’appel ». L’exigence d’acceptation n’étant pas satisfaite, l’effet extinctif unilatéral fait défaut, ce qui ouvre la voie à la confirmation et à la fixation de la créance.
Reste à apprécier la cohérence de cette solution et sa portée pratique, au regard du droit positif applicable aux baux commerciaux et aux procédures collectives.
II. Cohérence jurisprudentielle et portée pratique de la solution retenue
A. Une solution alignée sur la logique des textes et la protection des droits de la défense La référence au précédent de la deuxième chambre civile consolide l’idée qu’un désistement tardif demeure possible sans révoquer la clôture, ce que consacre l’énoncé: « sans qu’il soit nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture ». La solution préserve toutefois les droits de l’intimé lorsqu’il a pris des initiatives procédurales substantielles. Exiger l’acceptation en présence de demandes incidentes empêche une instrumentalisation du désistement pour neutraliser des prétentions pendantes et déjà plaidées de manière contradictoire.
B. Des effets concrets en matière locative et dans le contexte des procédures collectives La confirmation de la résiliation, de l’expulsion et des provisions consolide les effets de la clause résolutoire, tout en sécurisant l’indemnité d’occupation. La fixation de la créance au passif à 10 450,26 euros éclaire l’articulation entre contentieux locatif et réalisation des droits des créanciers, en privilégiant une clarification chiffrée utile aux opérations collectives. Le refus de l’allocation au titre de l’article 700, motivé par « l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile », tempère l’issue financière et illustre une appréciation mesurée des frais irrépétibles. L’ensemble dessine une ligne jurisprudentielle lisible: le désistement demeure un instrument de clôture rapide, mais il cède devant des demandes incidentes déjà engagées, afin de préserver la loyauté de l’instance et la stabilité des prétentions.
La Cour d’appel de Rennes, par arrêt du 3 septembre 2025, statue sur l’efficacité d’un désistement d’appel en présence de demandes incidentes, dans un litige né d’un bail commercial. La décision confirme l’ordonnance de référé constatant la résiliation du bail, ordonnant l’expulsion et allouant une indemnité d’occupation, tout en fixant la créance locative au passif de la procédure collective.
Un bail commercial avait été conclu le 21 septembre 2023, assorti d’un loyer indexé et d’une clause résolutoire. Des loyers de décembre 2023, janvier et février 2024 étant demeurés impayés, un commandement de payer a été délivré le 2 mai 2024. Par ordonnance du 22 octobre 2024, le juge des référés a constaté la résiliation au 3 juin 2024, ordonné l’expulsion, condamné au paiement provisionnel des arriérés et de l’indemnité d’occupation, et statué sur des mesures accessoires.
Un appel a été interjeté le 5 novembre 2024, tandis qu’une procédure collective était ouverte puis convertie en liquidation, entraînant l’intervention du liquidateur. Celui‑ci a notifié un désistement d’appel par conclusions du 27 mai 2025. Entre‑temps, l’intimé avait conclu le 10 mars 2025 pour solliciter confirmation et fixation de la créance au passif. La clôture à bref délai est intervenue le 15 mai 2025, le dossier étant en délibéré lors du désistement.
La question de droit tenait à l’effet d’un désistement d’appel notifié en cours de délibéré lorsque l’intimé a formé des demandes incidentes. La cour vise les textes et rappelle que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires ». Elle ajoute que « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait, a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ». Elle précise, au regard de la temporalité procédurale, qu’« un désistement peut intervenir très tardivement en cours de délibéré (Civ.2e, 5.déc.2019, n°22.504) sans qu’il soit nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture ». Constatant des prétentions incidentes, elle tranche ainsi: « Ces demandes constituent des demandes incidentes de sorte qu’il ne peut être constaté le désistement d’appel ». La confirmation est donc prononcée, la créance étant fixée au passif à 10 450,26 euros, sans application de l’article 700, car « l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».
I. Le régime du désistement d’appel et son interaction avec les demandes incidentes
A. Le cadre textuel et l’admission du désistement en cours de délibéré
La cour cite les articles 400 et 401 du code de procédure civile pour asseoir la validité de principe du désistement, tout en encadrant ses conditions d’efficacité. Le rappel est net: « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires ». La juridiction précise la temporalité, en retenant que « [il] peut intervenir très tardivement en cours de délibéré […] sans qu’il soit nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture ». La règle protège l’économie du procès et évite une réouverture inutile, sous réserve des hypothèses exigées par l’article 401.
B. L’obstacle constitué par les prétentions adverses qualifiées de demandes incidentes
L’article 401 exige l’acceptation lorsque l’intimé a formé « un appel incident ou une demande incidente ». La cour constate que des conclusions adverses sollicitaient confirmation et fixation au passif, ce qui caractérise de véritables demandes incidentes. Elle en déduit, dans une formule décisive, que « Ces demandes constituent des demandes incidentes de sorte qu’il ne peut être constaté le désistement d’appel ». L’exigence d’acceptation n’étant pas satisfaite, l’effet extinctif unilatéral fait défaut, ce qui ouvre la voie à la confirmation et à la fixation de la créance.
Reste à apprécier la cohérence de cette solution et sa portée pratique, au regard du droit positif applicable aux baux commerciaux et aux procédures collectives.
II. Cohérence jurisprudentielle et portée pratique de la solution retenue
A. Une solution alignée sur la logique des textes et la protection des droits de la défense
La référence au précédent de la deuxième chambre civile consolide l’idée qu’un désistement tardif demeure possible sans révoquer la clôture, ce que consacre l’énoncé: « sans qu’il soit nécessaire de révoquer l’ordonnance de clôture ». La solution préserve toutefois les droits de l’intimé lorsqu’il a pris des initiatives procédurales substantielles. Exiger l’acceptation en présence de demandes incidentes empêche une instrumentalisation du désistement pour neutraliser des prétentions pendantes et déjà plaidées de manière contradictoire.
B. Des effets concrets en matière locative et dans le contexte des procédures collectives
La confirmation de la résiliation, de l’expulsion et des provisions consolide les effets de la clause résolutoire, tout en sécurisant l’indemnité d’occupation. La fixation de la créance au passif à 10 450,26 euros éclaire l’articulation entre contentieux locatif et réalisation des droits des créanciers, en privilégiant une clarification chiffrée utile aux opérations collectives. Le refus de l’allocation au titre de l’article 700, motivé par « l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile », tempère l’issue financière et illustre une appréciation mesurée des frais irrépétibles. L’ensemble dessine une ligne jurisprudentielle lisible: le désistement demeure un instrument de clôture rapide, mais il cède devant des demandes incidentes déjà engagées, afin de préserver la loyauté de l’instance et la stabilité des prétentions.