Cour d’appel administrative de Toulouse, le 15 mai 2025, n°24TL00857

Par un arrêt en date du 15 mai 2025, la cour administrative d’appel de Marseille s’est prononcée sur la légalité du retrait d’un permis de construire. Cette décision offre un éclairage sur l’application des règles d’urbanisme relatives à la desserte des projets de construction et sur les limites de la notion d’adaptation mineure.

En l’espèce, un permis de construire avait été accordé le 27 mai 2021 pour la réalisation de huit maisons individuelles sur le territoire d’une commune. Ce permis fut ensuite transféré à une autre société. Le maire, estimant l’autorisation illégale au regard des règles de voirie du plan local d’urbanisme, a notifié au nouveau titulaire son intention de procéder au retrait de l’acte. Malgré les observations présentées par la société, le maire a retiré le permis de construire par un arrêté du 12 août 2021, soit dans le délai de trois mois imparti pour ce faire. La société a formé un recours gracieux, qui fut implicitement rejeté, puis a saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation de l’arrêté de retrait. Par un jugement du 27 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande. La société a alors interjeté appel de ce jugement, contestant tant sa régularité que son bien-fondé. Elle soutenait notamment que le projet ne constituait pas un lotissement, que la voie de desserte était suffisamment large et, subsidiairement, que le projet pouvait bénéficier d’une adaptation mineure.

Il était ainsi demandé aux juges d’appel de déterminer si le retrait du permis de construire était justifié par une méconnaissance des règles de desserte du plan local d’urbanisme. Plus précisément, la cour devait d’abord qualifier juridiquement le projet pour identifier la norme de voirie applicable, puis apprécier si la non-conformité de l’accès pouvait être tolérée au titre d’une adaptation mineure.

La cour administrative d’appel rejette la requête de la société. Elle confirme que, bien que le projet n’ait pas la nature d’un lotissement, il reste soumis à une exigence de desserte minimale de cinq mètres. Les juges estiment que la voie d’accès ne satisfait pas à cette prescription et que l’écart constaté ne peut être qualifié d’adaptation mineure, justifiant ainsi la légalité du retrait de l’autorisation d’urbanisme.

La décision de la cour s’articule autour d’une analyse rigoureuse des règles du plan local d’urbanisme, en précisant d’abord la qualification juridique du projet de construction pour en déduire la norme de desserte applicable (I), avant de procéder à un contrôle strict de la conformité de l’accès et de rejeter l’application de toute mesure dérogatoire (II).

I. La qualification du projet comme critère d’application de la règle de desserte

La cour administrative d’appel fonde son raisonnement sur une interprétation stricte des dispositions du plan local d’urbanisme. Elle écarte la qualification de lotissement avancée pour le projet (A), ce qui la conduit à appliquer la règle de droit commun relative à l’emprise des voies de desserte (B).

A. Le rejet de la qualification de lotissement

Le règlement du plan local d’urbanisme de la commune prévoyait des exigences de desserte différentes selon la nature de la construction. Une emprise de 7,50 mètres était requise pour les lotissements, tandis qu’une largeur de 5,00 mètres suffisait pour les « autres constructions ». La société requérante soutenait que son projet, portant sur la construction de huit maisons individuelles, ne constituait pas un lotissement. La cour valide cette analyse en se fondant sur la définition même de cette opération d’urbanisme.

Elle relève en effet que la demande de permis de construire visait la réalisation d’un ensemble de maisons « sans toutefois prévoir une division en propriété ou en jouissance du terrain d’assiette du projet ». Or, l’absence de division foncière est l’élément dirimant qui exclut la qualification de lotissement. En se tenant à une définition légale et jurisprudentielle constante, la cour confirme que la simple pluralité de constructions sur une même unité foncière ne suffit pas à caractériser un lotissement si aucune division n’est envisagée. Cette précision est essentielle, car elle détermine le cadre normatif applicable.

B. La soumission du projet à l’exigence d’une desserte de cinq mètres

Une fois la qualification de lotissement écartée, la cour applique par déduction la catégorie résiduelle prévue par le règlement local. Le projet relève ainsi des « autres constructions », pour lesquelles l’article UD 3 du règlement impose une voie de desserte présentant une « emprise minimale de 5,00 m ». Le raisonnement des juges est ici d’une grande clarté logique : la qualification juridique du projet est une étape indispensable qui conditionne l’application de la règle de droit pertinente.

En confirmant que le projet était soumis à cette exigence, la cour valide implicitement le motif de l’illégalité retenu par le maire pour justifier le retrait du permis de construire. La légalité de cet acte de retrait dépendait désormais uniquement de la question de savoir si la voie d’accès présentait ou non la largeur requise. La discussion se déplace alors du terrain de la qualification juridique à celui de l’appréciation matérielle de la conformité de la desserte.

II. L’appréciation stricte de la conformité de la desserte à la norme d’urbanisme

Après avoir fixé la règle applicable, la cour se livre à un contrôle concret et rigoureux de la conformité de la voie d’accès. Elle analyse de manière détaillée les éléments de preuve fournis (A), pour finalement conclure à l’impossibilité de recourir à la théorie des adaptations mineures (B).

A. Le contrôle concret de l’emprise de la voie d’accès

La société requérante produisait un procès-verbal de constat d’huissier pour démontrer que la voie de desserte atteignait bien la largeur de cinq mètres. La cour ne se contente pas des conclusions de l’acte et procède à sa propre analyse des éléments factuels, notamment des photographies annexées. Elle observe que, pour atteindre la mesure de cinq mètres, l’officier ministériel a dû intégrer « non seulement la bande de roulement proprement dite, mais également des accotements non goudronnés et présentant de larges ornières ».

Ce faisant, la cour rappelle que l’emprise d’une voie doit s’apprécier au regard de sa praticabilité effective et sécurisée pour les véhicules, y compris ceux des services de secours. Des accotements instables ou encombrés ne sauraient être pris en compte pour satisfaire à la norme réglementaire. De plus, les juges relèvent que, même en intégrant ces parties, « le chemin présente une largeur sensiblement inférieure à 5 mètres entre certains des points de mesure ». Cette appréciation souveraine des faits, fondée sur une analyse minutieuse des pièces du dossier, conduit la cour à conclure que la voie de desserte ne répond pas à l’exigence d’emprise minimale.

B. Le refus d’admettre une adaptation mineure

À titre subsidiaire, la société requérante invoquait la possibilité d’une adaptation mineure, prévue tant par le code de l’urbanisme que par le règlement local. Cette disposition permet de déroger à une règle d’urbanisme si l’écart est faible et justifié par des contraintes particulières. Cependant, la cour rejette fermement cette argumentation.

Elle constate que l’écart par rapport à la norme de 5 mètres est d’au moins 10 % sur une portion de la voie, et atteint même 20 % en de nombreux points sur une « longueur cumulée significative ». Pour les juges, un tel déficit ne peut être regardé comme revêtant « un caractère mineur ». La décision illustre ainsi la portée limitée de cette exception : une adaptation mineure ne peut avoir pour effet de dénaturer la règle ou de compromettre les objectifs de sécurité et de salubrité qu’elle poursuit. L’importance et la répétition de l’écart par rapport à la norme interdisaient toute dérogation. Le permis de construire étant bien illégal et le retrait étant intervenu dans le délai légal, le maire était fondé à le prononcer.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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