Cour d’appel de Paris, le 11 septembre 2025, n°23/06529
Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris statue sur un litige locatif articulé autour de la prescription triennale et de l’office de la juridiction d’appel. Le contrat de bail d’habitation date de 1994. Un solde provient principalement d’une régularisation de charges 2015 imputée au 31 décembre 2017, constamment contestée par les locataires. Un commandement de payer a été délivré en 2020. En 2022, les locataires ont saisi le juge, tandis que le bailleur a formé, en défense, une demande en paiement actualisée jusqu’en 2025.
Par jugement du 13 février 2023, le juge des contentieux de la protection de Lagny‑sur‑Marne a déclaré prescrite la demande en restitution des locataires, mais a accueilli la demande reconventionnelle du bailleur et prononcé une condamnation. Les locataires ont interjeté appel. Ils sollicitaient l’irrecevabilité de l’action en paiement du bailleur en raison de la prescription triennale. Le bailleur soutenait l’absence de prescription, invoquant l’imputation des paiements sur la dette la plus ancienne.
Deux questions se dégagent. D’abord, l’étendue de la saisine de la cour à la lumière de l’article 954 du code de procédure civile, s’agissant de prétentions non reprises au dispositif d’appel. Ensuite, la portée de l’article 7‑1 de la loi du 6 juillet 1989 combiné aux règles d’imputation des paiements et à l’interruption par demande en justice. La cour confirme l’irrecevabilité des prétentions d’appel dépourvues de dispositif, puis déclare prescrite l’action en paiement du bailleur pour l’arriéré antérieur au 28 novembre 2019, date de sa première demande en justice.
I – L’office de la cour et l’exigence du dispositif
A – Le principe directeur issu de l’article 954 CPC
Le cadre normatif est net. Le texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions du dispositif, lesquelles doivent être explicites et récapitulées. La décision le rappelle en des termes précis : « la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante sanctionnant l’insuffisance d’un simple appel à infirmation, fût‑il argumenté, pour saisir la cour du fond des prétentions (2e Civ., 5 déc. 2013, n° 12‑23.611 ; 2e Civ., 23 févr. 2017, n° 16‑12.288 ; 1re Civ., 17 mars 2016, n° 14‑27.168 ; 2e Civ., 10 déc. 2020, n° 19‑21.187 ; 2e Civ., 4 févr. 2021, n° 19‑23.615).
Cette rigueur, énoncée avec constance, sert l’objectif de clarté de la saisine et sécurise le périmètre du litige en appel. Elle impose aux appelants une discipline rédactionnelle, sous peine d’irrecevabilité implicite des chefs non visés dans le dispositif d’appel.
B – L’application aux prétentions omises et ses enseignements pratiques
En l’espèce, les appelants demandaient l’infirmation « en toutes ses dispositions », mais n’avaient pas repris, au dispositif, la restitution de 313,79 euros et la demande indemnitaire. La cour constate alors que « la demande d’infirmation ne suffit pas à émettre une prétention sur le fond des demandes qui ont été tranchées et que les moyens développés à l’appui des demandes d’infirmation ne tiennent pas lieu de prétentions ». Dès lors, elle confirme les chefs ayant déclaré prescrite la restitution et débouté la demande de dommages et intérêts.
La portée pratique est claire. La sanction n’est pas de pure forme. Elle verrouille la saisine et empêche de rouvrir des demandes non expressément formulées. La décision, classique, prévient les dérives d’une motivation sans dispositif correspondant, et rappelle l’impératif d’une structuration soignée des conclusions d’appel.
II – Prescription triennale et imputation des paiements
A – Les principes combinés et leur articulation
L’article 7‑1 de la loi du 6 juillet 1989 fixe un délai triennal pour les actions dérivant d’un bail d’habitation. L’article 2241 du code civil précise que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». Les règles d’imputation, prévues par l’article 1342‑10 du code civil, organisent prioritairement l’affectation des paiements entre dettes échues, intérêt du débiteur, antériorité, puis proportion.
Toutefois, deux garde‑fous jurisprudentiels s’imposent. D’une part, « Le juge ne peut toutefois imputer les versements sur les échéances les plus anciennes sans rechercher si, compte tenu du montant de ces versements, le locataire n’avait pas entendu les imputer sur les échéances expressément visées dans les lettres de réclamation du bailleur » (Civ. 1re, 16 mai 2006, n° 04‑19.738). D’autre part, « les règles d’imputation des paiements ne font pas obstacle à la prescription » (Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 20‑11.106). L’imputation gère l’affectation comptable des règlements ; elle ne suspend ni ne reporte le cours du délai.
B – La solution retenue et sa portée contentieuse
La première demande en justice du bailleur date du 28 novembre 2022. Sont donc prescrites les créances antérieures au 28 novembre 2019. L’origine du solde remontait principalement à la régularisation 2015 imputée au 31 décembre 2017, régulièrement contestée et demeurée impayée. Les décomptes établissaient, en outre, que le bailleur affectait les paiements aux échéances courantes, non au solde antérieur.
Dans ces conditions, la cour constate l’absence de preuve d’un règlement des dettes les plus anciennes et l’inopérance d’une imputation pour contrarier l’acquis de la prescription. Conformément au principe selon lequel « les règles d’imputation des paiements ne font pas obstacle à la prescription », l’action en paiement portant un arriéré antérieur au 28 novembre 2019 est déclarée irrecevable. La condamnation prononcée en première instance est infirmée, les dépens étant mis à la charge du bailleur, sans allocation au titre de l’article 700.
La portée est double. Sur le fond, la comptabilité du bailleur ne saurait pallier l’inaction procédurale au‑delà de trois ans, spécialement lorsque les régularisations anciennes demeurent contestées. Sur la méthode, la décision confirme un partage net entre l’imputation, simple technique d’affectation, et la prescription, mécanisme extinctif autonome dont le point d’interruption ressort exclusivement d’un acte procédural.
Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris statue sur un litige locatif articulé autour de la prescription triennale et de l’office de la juridiction d’appel. Le contrat de bail d’habitation date de 1994. Un solde provient principalement d’une régularisation de charges 2015 imputée au 31 décembre 2017, constamment contestée par les locataires. Un commandement de payer a été délivré en 2020. En 2022, les locataires ont saisi le juge, tandis que le bailleur a formé, en défense, une demande en paiement actualisée jusqu’en 2025.
Par jugement du 13 février 2023, le juge des contentieux de la protection de Lagny‑sur‑Marne a déclaré prescrite la demande en restitution des locataires, mais a accueilli la demande reconventionnelle du bailleur et prononcé une condamnation. Les locataires ont interjeté appel. Ils sollicitaient l’irrecevabilité de l’action en paiement du bailleur en raison de la prescription triennale. Le bailleur soutenait l’absence de prescription, invoquant l’imputation des paiements sur la dette la plus ancienne.
Deux questions se dégagent. D’abord, l’étendue de la saisine de la cour à la lumière de l’article 954 du code de procédure civile, s’agissant de prétentions non reprises au dispositif d’appel. Ensuite, la portée de l’article 7‑1 de la loi du 6 juillet 1989 combiné aux règles d’imputation des paiements et à l’interruption par demande en justice. La cour confirme l’irrecevabilité des prétentions d’appel dépourvues de dispositif, puis déclare prescrite l’action en paiement du bailleur pour l’arriéré antérieur au 28 novembre 2019, date de sa première demande en justice.
I – L’office de la cour et l’exigence du dispositif
A – Le principe directeur issu de l’article 954 CPC
Le cadre normatif est net. Le texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions du dispositif, lesquelles doivent être explicites et récapitulées. La décision le rappelle en des termes précis : « la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante sanctionnant l’insuffisance d’un simple appel à infirmation, fût‑il argumenté, pour saisir la cour du fond des prétentions (2e Civ., 5 déc. 2013, n° 12‑23.611 ; 2e Civ., 23 févr. 2017, n° 16‑12.288 ; 1re Civ., 17 mars 2016, n° 14‑27.168 ; 2e Civ., 10 déc. 2020, n° 19‑21.187 ; 2e Civ., 4 févr. 2021, n° 19‑23.615).
Cette rigueur, énoncée avec constance, sert l’objectif de clarté de la saisine et sécurise le périmètre du litige en appel. Elle impose aux appelants une discipline rédactionnelle, sous peine d’irrecevabilité implicite des chefs non visés dans le dispositif d’appel.
B – L’application aux prétentions omises et ses enseignements pratiques
En l’espèce, les appelants demandaient l’infirmation « en toutes ses dispositions », mais n’avaient pas repris, au dispositif, la restitution de 313,79 euros et la demande indemnitaire. La cour constate alors que « la demande d’infirmation ne suffit pas à émettre une prétention sur le fond des demandes qui ont été tranchées et que les moyens développés à l’appui des demandes d’infirmation ne tiennent pas lieu de prétentions ». Dès lors, elle confirme les chefs ayant déclaré prescrite la restitution et débouté la demande de dommages et intérêts.
La portée pratique est claire. La sanction n’est pas de pure forme. Elle verrouille la saisine et empêche de rouvrir des demandes non expressément formulées. La décision, classique, prévient les dérives d’une motivation sans dispositif correspondant, et rappelle l’impératif d’une structuration soignée des conclusions d’appel.
II – Prescription triennale et imputation des paiements
A – Les principes combinés et leur articulation
L’article 7‑1 de la loi du 6 juillet 1989 fixe un délai triennal pour les actions dérivant d’un bail d’habitation. L’article 2241 du code civil précise que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». Les règles d’imputation, prévues par l’article 1342‑10 du code civil, organisent prioritairement l’affectation des paiements entre dettes échues, intérêt du débiteur, antériorité, puis proportion.
Toutefois, deux garde‑fous jurisprudentiels s’imposent. D’une part, « Le juge ne peut toutefois imputer les versements sur les échéances les plus anciennes sans rechercher si, compte tenu du montant de ces versements, le locataire n’avait pas entendu les imputer sur les échéances expressément visées dans les lettres de réclamation du bailleur » (Civ. 1re, 16 mai 2006, n° 04‑19.738). D’autre part, « les règles d’imputation des paiements ne font pas obstacle à la prescription » (Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 20‑11.106). L’imputation gère l’affectation comptable des règlements ; elle ne suspend ni ne reporte le cours du délai.
B – La solution retenue et sa portée contentieuse
La première demande en justice du bailleur date du 28 novembre 2022. Sont donc prescrites les créances antérieures au 28 novembre 2019. L’origine du solde remontait principalement à la régularisation 2015 imputée au 31 décembre 2017, régulièrement contestée et demeurée impayée. Les décomptes établissaient, en outre, que le bailleur affectait les paiements aux échéances courantes, non au solde antérieur.
Dans ces conditions, la cour constate l’absence de preuve d’un règlement des dettes les plus anciennes et l’inopérance d’une imputation pour contrarier l’acquis de la prescription. Conformément au principe selon lequel « les règles d’imputation des paiements ne font pas obstacle à la prescription », l’action en paiement portant un arriéré antérieur au 28 novembre 2019 est déclarée irrecevable. La condamnation prononcée en première instance est infirmée, les dépens étant mis à la charge du bailleur, sans allocation au titre de l’article 700.
La portée est double. Sur le fond, la comptabilité du bailleur ne saurait pallier l’inaction procédurale au‑delà de trois ans, spécialement lorsque les régularisations anciennes demeurent contestées. Sur la méthode, la décision confirme un partage net entre l’imputation, simple technique d’affectation, et la prescription, mécanisme extinctif autonome dont le point d’interruption ressort exclusivement d’un acte procédural.