Cour d’appel de Besançon, le 7 août 2025, n°24/01534
Cour d’appel de Besançon, 7 août 2025. La juridiction statue, en matière de bail d’habitation, sur l’octroi de délais de paiement et la suspension des effets d’une clause résolutoire. L’affaire naît d’impayés ayant entraîné un commandement de payer puis l’acquisition de la clause résolutoire, quelques mois après la conclusion d’un bail comportant un loyer et des charges modérés.
Le juge des contentieux de la protection, par décision du 29 août 2024, a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, ordonné la libération des lieux et condamné le locataire au paiement d’une indemnité d’occupation et d’arriérés. En appel, l’instance est circonscrite à la demande de délais et à la suspension de la clause, comme l’énonce la juridiction: « A titre liminaire, la cour observe que l’appelant a indiqué expressément limiter son appel à l’octroi de délais de paiement et à la suspension de la clause résolutoire ».
L’appelant soutient avoir repris le paiement du loyer courant et sollicite un échelonnement sur trois années, en invoquant des revenus mensuels suffisants. L’intimé s’y oppose en exposant l’insuffisance des règlements et l’augmentation du solde dû. La question posée tient à l’articulation des articles 24, V et VII, de la loi du 6 juillet 1989, et 1343-5 du code civil: le locataire est-il « en situation de régler sa dette locative » au sens du texte spécial, conditionnant l’octroi de délais et la suspension de la clause résolutoire?
La cour refuse les délais et confirme la décision entreprise, relevant que les justificatifs de revenus actuels font défaut et que le paiement du loyer courant n’a pas été intégralement repris. Elle motive par une appréciation économique précise, retenant notamment que « Ce reste à vivre, dont l’actualité n’est pas attestée, est manifestement insuffisant ». Et d’ajouter, de manière décisive: « A défaut de caractériser les conditions lui permettant de solliciter utilement des délais de paiement, même sur trois années, ainsi qu’une suspension des effets de la clause résolutoire, » les demandes doivent être rejetées.
I. Le sens de la décision: conditions légales et mise en œuvre factuelle
A. Le cadre normatif des délais et la suspension de la clause La cour rappelle d’abord la source générale du pouvoir d’échéancier: « L’article 1343-5 du code civil autorise le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. » Le texte précise aussi l’effet protecteur de la mesure: « La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. » Ces principes encadrent l’office du juge, en conciliant l’intérêt du créancier et la capacité du débiteur.
La loi spéciale renforce l’outil en matière locative. La cour cite que « le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, […] au locataire en situation de régler sa dette locative. » Elle ajoute l’effet propre à la clause résolutoire: « Aux termes du VII du même article, pendant le cours des délais accordés par le juge […] les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. » Le pouvoir juridictionnel demeure ainsi conditionné par la crédibilité d’un apurement, dont la preuve incombe au débiteur.
B. L’appréciation souveraine de la capacité d’apurement La cour contrôle concrètement la situation financière présentée, en examinant les justificatifs produits, l’ampleur de l’aide au logement, la reprise effective du loyer courant, et un calcul de reste à vivre. Elle relève l’absence de revenus récents probants et l’insuffisante régularisation des échéances postérieures à septembre, ce qui exclut tout scénario réaliste d’apurement sur trois ans.
L’analyse s’ancre dans deux éléments de fait: la persistance d’impayés après le rappel d’allocation et l’antériorité des difficultés. La juridiction note que « les impayés de loyer ont d’ailleurs débuté au mois d’août 2023 », ce qui atteste une fragilité durable. Dès lors, la condition légale tenant à la « situation de régler » n’est pas satisfaite, et la demande de délais se heurte à l’exigence de viabilité, préalable au déclenchement de la suspension de la clause.
II. Valeur et portée de la solution: cohérence de l’office du juge et enseignements pratiques
A. La cohérence au regard de l’office légal du juge La décision s’inscrit dans l’équilibre recherché par les textes. D’une part, la faculté d’agir « même d’office » confère au juge un rôle actif de vérification, comme le rappelle le texte spécial sur la dette locative. D’autre part, l’outil de protection n’est pas automatique: il suppose des éléments vérifiés et récents, garantissant un apurement sans aggraver la dette. En cela, la solution respecte l’esprit d’une modulation calibrée, protectrice mais conditionnelle.
La cour s’assure que le bénéfice des délais n’entrave pas indûment le droit du bailleur à l’exécution. Elle ne mobilise la suspension qu’en cas de crédibilité avérée du plan de remboursement. Ce lien de cause à effet prolonge la logique de l’article 1343-5 et se combine avec la loi de 1989, en assignant à la suspension une fonction d’accompagnement, non de neutralisation, d’une clause résolutoire déjà acquise.
B. Les conséquences pratiques pour le contentieux locatif Trois enseignements se dégagent. Premièrement, la preuve des ressources doit être actuelle, stable et documentée, faute de quoi l’appréciation d’« être en situation de régler » demeure défavorable. Deuxièmement, la reprise intégrale et durable du loyer courant est déterminante, car elle conditionne la crédibilité de l’apurement des arriérés. Troisièmement, le calcul du reste à vivre doit apparaître sérieux, fondé sur des flux réellement disponibles après loyer et charges.
La citation selon laquelle « Ce reste à vivre, dont l’actualité n’est pas attestée, est manifestement insuffisant » fixe un standard de rationalité économique. Elle incite le débiteur à présenter un budget consolidé et le créancier à produire des relevés circonstanciés. La solution, en confirmant le refus des délais, rappelle que la suspension de la clause n’est ni un droit ni une faveur, mais la conséquence d’un plan d’apurement crédible et immédiatement opérationnel.
Cour d’appel de Besançon, 7 août 2025. La juridiction statue, en matière de bail d’habitation, sur l’octroi de délais de paiement et la suspension des effets d’une clause résolutoire. L’affaire naît d’impayés ayant entraîné un commandement de payer puis l’acquisition de la clause résolutoire, quelques mois après la conclusion d’un bail comportant un loyer et des charges modérés.
Le juge des contentieux de la protection, par décision du 29 août 2024, a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, ordonné la libération des lieux et condamné le locataire au paiement d’une indemnité d’occupation et d’arriérés. En appel, l’instance est circonscrite à la demande de délais et à la suspension de la clause, comme l’énonce la juridiction: « A titre liminaire, la cour observe que l’appelant a indiqué expressément limiter son appel à l’octroi de délais de paiement et à la suspension de la clause résolutoire ».
L’appelant soutient avoir repris le paiement du loyer courant et sollicite un échelonnement sur trois années, en invoquant des revenus mensuels suffisants. L’intimé s’y oppose en exposant l’insuffisance des règlements et l’augmentation du solde dû. La question posée tient à l’articulation des articles 24, V et VII, de la loi du 6 juillet 1989, et 1343-5 du code civil: le locataire est-il « en situation de régler sa dette locative » au sens du texte spécial, conditionnant l’octroi de délais et la suspension de la clause résolutoire?
La cour refuse les délais et confirme la décision entreprise, relevant que les justificatifs de revenus actuels font défaut et que le paiement du loyer courant n’a pas été intégralement repris. Elle motive par une appréciation économique précise, retenant notamment que « Ce reste à vivre, dont l’actualité n’est pas attestée, est manifestement insuffisant ». Et d’ajouter, de manière décisive: « A défaut de caractériser les conditions lui permettant de solliciter utilement des délais de paiement, même sur trois années, ainsi qu’une suspension des effets de la clause résolutoire, » les demandes doivent être rejetées.
I. Le sens de la décision: conditions légales et mise en œuvre factuelle
A. Le cadre normatif des délais et la suspension de la clause
La cour rappelle d’abord la source générale du pouvoir d’échéancier: « L’article 1343-5 du code civil autorise le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. » Le texte précise aussi l’effet protecteur de la mesure: « La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. » Ces principes encadrent l’office du juge, en conciliant l’intérêt du créancier et la capacité du débiteur.
La loi spéciale renforce l’outil en matière locative. La cour cite que « le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, […] au locataire en situation de régler sa dette locative. » Elle ajoute l’effet propre à la clause résolutoire: « Aux termes du VII du même article, pendant le cours des délais accordés par le juge […] les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. » Le pouvoir juridictionnel demeure ainsi conditionné par la crédibilité d’un apurement, dont la preuve incombe au débiteur.
B. L’appréciation souveraine de la capacité d’apurement
La cour contrôle concrètement la situation financière présentée, en examinant les justificatifs produits, l’ampleur de l’aide au logement, la reprise effective du loyer courant, et un calcul de reste à vivre. Elle relève l’absence de revenus récents probants et l’insuffisante régularisation des échéances postérieures à septembre, ce qui exclut tout scénario réaliste d’apurement sur trois ans.
L’analyse s’ancre dans deux éléments de fait: la persistance d’impayés après le rappel d’allocation et l’antériorité des difficultés. La juridiction note que « les impayés de loyer ont d’ailleurs débuté au mois d’août 2023 », ce qui atteste une fragilité durable. Dès lors, la condition légale tenant à la « situation de régler » n’est pas satisfaite, et la demande de délais se heurte à l’exigence de viabilité, préalable au déclenchement de la suspension de la clause.
II. Valeur et portée de la solution: cohérence de l’office du juge et enseignements pratiques
A. La cohérence au regard de l’office légal du juge
La décision s’inscrit dans l’équilibre recherché par les textes. D’une part, la faculté d’agir « même d’office » confère au juge un rôle actif de vérification, comme le rappelle le texte spécial sur la dette locative. D’autre part, l’outil de protection n’est pas automatique: il suppose des éléments vérifiés et récents, garantissant un apurement sans aggraver la dette. En cela, la solution respecte l’esprit d’une modulation calibrée, protectrice mais conditionnelle.
La cour s’assure que le bénéfice des délais n’entrave pas indûment le droit du bailleur à l’exécution. Elle ne mobilise la suspension qu’en cas de crédibilité avérée du plan de remboursement. Ce lien de cause à effet prolonge la logique de l’article 1343-5 et se combine avec la loi de 1989, en assignant à la suspension une fonction d’accompagnement, non de neutralisation, d’une clause résolutoire déjà acquise.
B. Les conséquences pratiques pour le contentieux locatif
Trois enseignements se dégagent. Premièrement, la preuve des ressources doit être actuelle, stable et documentée, faute de quoi l’appréciation d’« être en situation de régler » demeure défavorable. Deuxièmement, la reprise intégrale et durable du loyer courant est déterminante, car elle conditionne la crédibilité de l’apurement des arriérés. Troisièmement, le calcul du reste à vivre doit apparaître sérieux, fondé sur des flux réellement disponibles après loyer et charges.
La citation selon laquelle « Ce reste à vivre, dont l’actualité n’est pas attestée, est manifestement insuffisant » fixe un standard de rationalité économique. Elle incite le débiteur à présenter un budget consolidé et le créancier à produire des relevés circonstanciés. La solution, en confirmant le refus des délais, rappelle que la suspension de la clause n’est ni un droit ni une faveur, mais la conséquence d’un plan d’apurement crédible et immédiatement opérationnel.