Par un arrêt en date du 11 mars 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux a statué sur la légalité de la révision d’un plan local d’urbanisme communal. Cette décision offre l’occasion de préciser le régime procédural applicable à la contestation d’une mesure de régularisation prise sur le fondement de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. Elle illustre également le contrôle exercé par le juge administratif sur les choix de classement opérés par les auteurs d’un document d’urbanisme.
Un particulier a contesté la délibération approuvant la révision du plan local d’urbanisme d’une commune. Par un jugement avant dire droit du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau a identifié une illégalité dans la procédure d’adoption et, en application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, a sursis à statuer en accordant à la commune un délai pour régulariser ce vice. La commune a alors adopté une nouvelle délibération le 10 juillet 2023. Le requérant a, d’une part, fait appel du jugement du tribunal administratif et, d’autre part, a formé une nouvelle requête dirigée spécifiquement contre l’acte de régularisation. Saisie des deux procédures, la cour administrative d’appel de Bordeaux a dû se prononcer sur la recevabilité de l’action intentée contre la mesure de régularisation, ainsi que sur le bien-fondé des critiques de légalité interne formées à l’encontre de la délibération initiale.
Il convenait donc de déterminer si la contestation d’une mesure de régularisation, adoptée en exécution d’un jugement de sursis à statuer, doit s’exercer au sein de l’instance initiale ou peut faire l’objet d’une requête distincte. Par ailleurs, se posait la question de savoir si le classement de parcelles en zone urbaine, en vue de l’accueil de nouvelles habitations, était entaché d’une incohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables ou d’une erreur manifeste d’appréciation.
La cour administrative d’appel a jugé que la contestation de la mesure de régularisation ne peut être formée que dans le cadre de l’instance ayant donné lieu au jugement avant dire droit, rendant ainsi irrecevable toute requête distincte. Sur le fond, elle a estimé que le classement litigieux ne révélait ni une incohérence avec les orientations du projet d’aménagement et de développement durables, ni une erreur manifeste d’appréciation, confirmant ainsi l’appréciation des premiers juges sur ces points.
La décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux consacre une interprétation stricte des modalités de contestation d’un acte de régularisation (I), avant de procéder à une application classique du contrôle de la légalité des choix de zonage (II).
I. Le cadre procédural strict de la contestation de la mesure de régularisation
La cour rappelle que la contestation d’un acte de régularisation pris en application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme est enserrée dans des conditions de recevabilité précises. Elle juge en effet irrecevable une requête autonome formée contre cet acte (A), ce qui consacre une voie de droit exclusive au sein de l’instance initiale (B).
A. L’irrecevabilité de la requête autonome contre l’acte de régularisation
La juridiction d’appel fonde sa décision sur une lecture rigoureuse des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. Ce mécanisme permet au juge de ne pas annuler immédiatement un document d’urbanisme entaché d’un vice régularisable, en offrant à l’administration la possibilité de le corriger. La cour précise que le contrôle de cette correction doit s’effectuer dans la procédure déjà engagée. Elle affirme ainsi que « les requérants partie à l’instance ayant donné lieu à un jugement avant dire droit sur le fondement de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme ne peuvent contester la légalité de la mesure de régularisation que dans le cadre de la même instance ».
En conséquence, la formation d’un recours distinct et indépendant contre la délibération de régularisation est proscrite. Une telle action est considérée comme manifestement irrecevable. Cette solution garantit que l’appréciation de la régularisation effective du vice initial demeure de la compétence du juge qui a ordonné la mesure. L’instance, simplement suspendue par le sursis à statuer, est destinée à se poursuivre après l’intervention de l’acte de régularisation, afin que le juge puisse statuer définitivement sur la demande d’annulation originelle.
B. La consécration d’une voie de droit exclusive au sein de l’instance initiale
En fermant la porte à un recours indépendant, la décision renforce la logique de l’article L. 600-9, qui vise une bonne administration de la justice et un traitement efficace du contentieux de l’urbanisme. Permettre une seconde requête reviendrait à créer des instances parallèles, avec le risque de décisions contradictoires et un allongement des délais de procédure. La cour souligne que cette règle s’applique y compris lorsque le requérant a, par ailleurs, formé un appel contre le jugement avant dire droit.
L’arrêt précise également le périmètre des moyens pouvant être soulevés lors de la contestation de l’acte de régularisation au sein de l’instance pendante. Les parties peuvent invoquer des vices propres à cet acte, dits de légalité externe, et soutenir qu’il ne corrige pas l’illégalité constatée. En revanche, elles ne peuvent « soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux », sauf si ces derniers sont fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation elle-même. Cette limitation des moyens invocables confirme la nature spécifique de cette phase procédurale, centrée sur la seule question de la régularisation du vice initial.
II. La confirmation de la légalité du classement en zone urbaine
Après avoir tranché la question de procédure, la cour examine les moyens de légalité interne soulevés contre la délibération initiale, qu’elle écarte successivement. Elle juge qu’il n’existe pas d’incohérence entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durables (A), pas plus qu’une erreur manifeste d’appréciation dans le choix de zonage (B).
A. L’absence d’incohérence du règlement avec le projet d’aménagement et de développement durables
Le requérant soutenait que le classement de certaines parcelles en zone urbaine (UC) était incohérent avec l’objectif de maintien des espaces agricoles inscrit dans le projet d’aménagement et de développement durables (PADD). La cour rejette cette argumentation en appliquant sa méthode de contrôle habituelle. Elle rappelle qu’il lui « appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD ».
En l’espèce, elle constate que si le PADD vise bien à protéger l’activité agricole, il poursuit également un objectif de « programmer l’évolution urbaine et l’accueil des nouveaux arrivants », chiffré par des besoins en logements. Le secteur classé en zone UC étant identifié comme une enveloppe urbaine et répondant à cet objectif de densification, la cour estime que le choix opéré ne révèle pas une incohérence, mais procède d’un arbitrage entre des orientations qui ne sont pas nécessairement exclusives les unes des autres. Le règlement n’entre donc pas en contradiction avec l’économie générale du PADD.
B. Le rejet de l’erreur manifeste d’appréciation dans le choix de zonage
Le requérant arguait également que le classement des parcelles litigieuses en zone urbaine était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. La cour rappelle à ce titre que les auteurs d’un plan local d’urbanisme disposent d’un large pouvoir pour déterminer le parti d’aménagement à retenir. Le contrôle du juge se limite par conséquent à sanctionner les erreurs qui, par leur évidence et leur gravité, ne sauraient être admises.
La cour constate que les parcelles en question sont situées à proximité d’un secteur déjà bâti et desservi, ce qui correspond à la définition de la zone UC prévue par le règlement du plan. Dès lors, le classement opéré par la commune apparaît justifié au regard de la situation existante et du parti d’aménagement retenu. Le fait que certaines personnes publiques associées aient émis un avis défavorable à cette urbanisation n’est pas de nature, à lui seul, à caractériser une erreur manifeste. Le juge administratif confirme ainsi que de tels avis ne lient pas l’autorité compétente, qui demeure libre de son choix dès lors que celui-ci n’est pas manifestement erroné.