Cour d’appel administrative de Lyon, le 18 février 2025, n°23LY00714

Par un arrêt rendu le 18 février 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur la légalité du classement de parcelles en zone agricole dans le cadre de la révision d’un plan local d’urbanisme. En l’espèce, un propriétaire contestait la décision du conseil municipal d’une commune de classer deux de ses parcelles non bâties en zone agricole, arguant que celles-ci se situaient dans une partie déjà urbanisée du territoire communal et étaient dépourvues de potentiel agronomique. Le requérant estimait ce classement contraire aux orientations du projet d’aménagement et de développement durables et entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté sa demande par un jugement du 29 décembre 2022. Le propriétaire a interjeté appel de ce jugement, maintenant ses prétentions devant la cour administrative d’appel de Lyon. La question de droit posée à la cour était de savoir si le classement en zone agricole de parcelles, intégrées à un secteur faiblement urbanisé et dépourvues de potentiel agricole avéré, pouvait être considéré comme légal au regard de sa cohérence avec le parti d’urbanisme global défini par la commune. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant le jugement de première instance. Elle a jugé que le classement litigieux n’était entaché ni d’une méconnaissance des dispositions du code de l’urbanisme, ni d’une erreur manifeste d’appréciation. Pour ce faire, elle a estimé que le classement des parcelles correspondait à la fois à leur situation géographique et au parti d’urbanisme retenu par la commune, visant notamment à maîtriser le développement urbain et à préserver les espaces agricoles et naturels.

Le juge administratif opère ainsi une appréciation de la légalité du classement en zone agricole en se fondant sur la cohérence de ce dernier avec le projet global de la commune (I), confirmant par là même le caractère restreint de son contrôle sur les choix d’aménagement opérés par l’autorité locale (II).

I. La justification du classement en zone agricole au regard du parti d’urbanisme

La cour administrative d’appel fonde sa décision sur une analyse détaillée de la conformité du classement des parcelles aux objectifs généraux du plan local d’urbanisme (A) et sur une prise en compte de l’intégration de ces parcelles dans un contexte géographique plus large (B).

A. L’appréciation de la cohérence du classement avec les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables

La juridiction d’appel rappelle que les auteurs d’un plan local d’urbanisme disposent d’une liberté pour déterminer le parti d’aménagement du territoire communal. Dans le cas présent, la commune avait clairement identifié ses enjeux, consistant à lutter contre l’étalement urbain et la régression des surfaces agricoles. Le projet d’aménagement et de développement durables (PADD) visait en conséquence à « assurer un développement urbain maîtrisé » et à « préserver et valoriser le cadre de vie communal ». C’est à l’aune de ces orientations générales que la cour évalue la légalité du classement des parcelles litigieuses. Elle constate que le choix de les classer en zone A est « cohérent avec les orientations n° 3 de l’axe 1 visant à ‘Modérer la consommation foncière’ et nos 1 et 4 de l’axe n° 2 du PADD, relatives à la protection et la valorisation des caractéristiques paysagères ». Cette approche démontre que la légalité d’un classement ne s’évalue pas de manière isolée, mais au regard de sa contribution à la réalisation du projet de territoire. La protection des terres agricoles devient alors un outil au service d’une politique plus large de maîtrise de l’urbanisation.

B. La prise en compte de la situation des parcelles au sein d’un secteur plus large

Le requérant soutenait que ses parcelles se situaient dans une partie urbanisée de la commune. La cour écarte cet argument en procédant à une analyse concrète de leur localisation. Elle relève que les terrains, bien que proches d’un axe routier, sont situés « au lieudit ‘Salsinge-la-fin’, distant de plus d’un kilomètre du centre bourg ». Ce secteur est décrit comme « faiblement urbanisé » et ne correspondant pas à une zone de densification prioritaire. La cour précise que les parcelles « ne constituent pas une dent creuse, ni ne sont enclavées, et font partie intégrante de la zone agricole dans laquelle elles s’inscrivent ». Ce faisant, elle refuse de considérer les parcelles comme une entité autonome et les replace dans leur environnement immédiat, qui est celui d’un espace agricole plus vaste. La décision souligne ainsi que l’appréciation du caractère d’une zone ne peut se limiter à la seule situation des parcelles contestées, mais doit englober le secteur dans son ensemble, renforçant la vision globale de la planification urbanistique.

La validation du classement par le juge au nom de la cohérence du projet communal illustre la portée limitée de son contrôle sur les décisions d’urbanisme, qui demeure circonscrit à l’erreur manifeste.

II. La confirmation du contrôle restreint du juge sur les choix d’urbanisme

L’arrêt confirme le principe selon lequel le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint en matière de zonage. Cette position se traduit par le rejet de l’argument technique fondé sur les qualités intrinsèques du sol (A) et par la réaffirmation du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité compétente (B).

A. Le rejet de l’argument tiré de l’absence de potentiel agronomique des terres

L’un des arguments principaux du requérant reposait sur l’absence de vocation agricole de ses terrains, attestée par un rapport d’expertise. La cour neutralise cet argument en affirmant que le classement en zone A demeure justifié « alors même qu’elles n’auraient, ainsi que le soutient M. A… en produisant un rapport d’expertise, pas de vocation ou de potentiel agronomique ou de valeur agricole particulière ». Cette affirmation est essentielle car elle signifie que la définition d’une zone agricole au sens de l’article R. 151-22 du code de l’urbanisme ne repose pas exclusivement sur le critère du « potentiel agronomique, biologique ou économique des terres ». La finalité de protection peut découler d’autres considérations, telles que la contribution de l’espace à la structure paysagère, à la lutte contre le mitage ou à la préservation de continuités écologiques, les parcelles étant ici « repérées comme supportant des éléments de la trame verte à préserver ». La protection de la zone agricole dépasse ainsi la seule fonction productive pour englober des objectifs environnementaux et paysagers.

B. L’illustration du pouvoir d’appréciation de l’autorité locale en matière de zonage

En définitive, cet arrêt constitue une application classique de la théorie de l’erreur manifeste d’appréciation. La cour rappelle que l’appréciation des auteurs d’un PLU « ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle est entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ». En validant un classement qui pouvait paraître discutable au regard de la seule qualité agronomique des sols, la cour confirme qu’elle ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l’administration. Tant que le choix de zonage n’est pas manifestement incohérent, illogique ou fondé sur des éléments erronés, il relève du pouvoir discrétionnaire de la commune. Le juge se borne à vérifier que le parti d’aménagement est cohérent et que la décision de classement n’est pas une aberration. En l’espèce, le choix de la commune s’inscrivait dans une logique de planification globale et réfléchie, ce qui a suffi à le soustraire à la censure du juge.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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