Cour d’appel de Lyon, le 2 septembre 2025, n°23/07024

Cour d’appel de Lyon, 2 septembre 2025, 1ère chambre civile B. Sur appel d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 19 juillet 2023, la cour se prononce sur la restitution d’un dépôt de garantie versé à l’occasion d’une promesse de vente immobilière soumise à condition suspensive d’obtention de prêt, ainsi que sur plusieurs demandes accessoires en dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les faits tiennent à la conclusion d’une promesse portant sur trois lots, au versement d’un séquestre, puis à la défaillance de la condition de financement à l’échéance contractuelle. Les acquéreurs ont sollicité la restitution des fonds, le promettant s’y étant opposé en invoquant un manquement à leurs obligations contractuelles.

La procédure a d’abord conduit à la condamnation du promettant à restituer le dépôt, à verser des dommages-intérêts symboliques, et à supporter les dépens et frais irrépétibles. L’appel a été limité à certains chefs, notamment la restitution du séquestre et les accessoires, tandis que les acquéreurs ont sollicité confirmation, intérêts à compter de la mise en demeure, et une majoration au titre de l’article 700. La question juridique principale tient à la mise en œuvre de la condition suspensive d’obtention de prêt et à la charge de la preuve gouvernant la restitution du dépôt, avec en toile de fond l’étendue de l’effet dévolutif de l’appel et le régime de l’appel abusif. La cour confirme la restitution au vu des diligences accomplies, rappelle la rigueur de la dévolution liée à l’acte d’appel, et rejette l’allégation d’abus.

I. Le sens de la décision en matière de condition suspensive d’obtention de prêt

A. La défaillance de la condition suspensive et la caducité de la promesse
La cour rappelle d’abord l’échéance contractuelle de la condition de financement et constate l’absence d’octroi du prêt dans le délai. L’énoncé décisif est sans ambiguïté: « il n’est pas contesté que le prêt n’a pas été obtenu par les acquéreurs avant le 15 février 2021, de sorte qu’à cette date, la condition suspensive étant défaillie, la promesse de vente est devenue caduque ; ». La caducité intervient de plein droit en vertu de la stipulation, en cohérence avec l’autonomie de la volonté consacrée par l’article 1103 du code civil.

Cette qualification emporte l’extinction corrélative des obligations principales nées de la promesse, sauf stipulation dérogatoire expresse. Elle ouvre la question connexe de la restitution du dépôt séquestré, laquelle dépend de l’imputabilité éventuelle de la défaillance aux bénéficiaires. La cour ne s’écarte pas des lignes classiques de la jurisprudence sur les conditions suspensives, privilégiant l’analyse des diligences accomplies pour apprécier l’absence de faute causale des acquéreurs.

B. La restitution du dépôt et la charge de la preuve des diligences
Le principe directeur est clairement rappelé par un motif de portée générale: « pour obtenir la restitution du dépôt de garantie, les acquéreurs doivent justifier que cette condition n’est pas défaillie de leur fait ; ». La cour examine alors les éléments versés aux débats, retient la célérité des échanges avec l’établissement prêteur, la transmission prompte des pièces, et des relances antérieures à l’échéance du délai.

L’obligation d’information du promettant sur l’issue du financement, quoiqu’existante, ne se confond pas avec la cause de la défaillance. La cour souligne qu’un éventuel manquement d’information n’était pas assorti d’une clause privant les acquéreurs de la restitution du séquestre. Elle en déduit que la condition a failli sans faute de leur part, de sorte que la restitution s’impose, avec intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure. La solution, sobre, articule la rigueur du mécanisme suspensif avec une appréciation concrète et proportionnée des diligences requises.

II. La valeur et la portée: effet dévolutif de l’appel et régime de l’abus

A. La rigueur de l’effet dévolutif centré sur l’acte d’appel
La cour rappelle les textes de procédure civile dans leur rédaction applicable et isole la règle opératoire: « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ». Elle ajoute, dans une formule limpide, que « Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. ». L’articulation entre l’article 562 et les exigences de l’article 901, 4°, conduit ici à constater l’absence de dévolution sur le chef rejetant la demande indemnitaire du promettant.

La conséquence est nette: faute d’avoir expressément critiqué ce chef dans la déclaration d’appel, la cour n’en est pas saisie. La méthode est classique mais ferme. Elle rappelle aux praticiens la centralité de l’acte d’appel pour circonscrire l’office du juge d’appel, hors indivisibilité ou demande d’annulation. La portée pratique est réelle, car elle impose une vigilance rédactionnelle sur la désignation des chefs critiqués.

B. La résistance, l’appel abusif et l’indemnisation accessoire
S’agissant de la demande de dommages-intérêts pour appel abusif, la cour reprend le critère traditionnel et exigeant: « le droit d’exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable ». L’énoncé, constant, élève le seuil probatoire afin de protéger l’accès au juge et les voies de recours.

En l’espèce, l’absence d’éléments caractérisant une telle intention ou légèreté conduit au rejet de la demande pour abus. En revanche, la résistance initiale à la restitution a généré un préjudice moral distinct, déjà retenu en première instance, dont la confirmation s’impose. Enfin, l’application de l’article 700 du code de procédure civile en appel, au bénéfice des acquéreurs, s’inscrit dans la logique de la solution et de la charge des dépens supportés par la partie perdante. L’ensemble dessine une décision mesurée, conjuguant pédagogie procédurale et pragmatisme indemnitaire, sans rompre l’équilibre entre droit d’agir et sanction des résistances injustifiées.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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