Un requérant a saisi le tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable, émise le 14 juin 2019 par un maire, concernant l’installation d’une antenne-relais de téléphonie mobile. Par un premier jugement du 22 décembre 2022, le tribunal a identifié une méconnaissance des articles L. 111-4 et L. 111-5 du code de l’urbanisme et a sursis à statuer afin de permettre une régularisation. En l’absence de toute mesure de régularisation, le tribunal a, par un second jugement du 19 juin 2023, annulé la décision contestée. La commune et l’opérateur de téléphonie mobile ont interjeté appel de ces deux jugements. Les appelants soutenaient principalement que le projet était conforme aux dispositions du code de l’urbanisme, tandis que l’intimé, par la voie de l’appel incident, concluait au rejet des requêtes et à l’annulation de la décision de non-opposition pour d’autres motifs. Il revenait donc à la cour administrative d’appel de déterminer si une installation technique de faible emprise, telle qu’une antenne-relais, est incompatible avec une activité agricole ou pastorale au sens de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme, justifiant ainsi l’annulation prononcée par les premiers juges. Par un arrêt du 22 janvier 2025, la cour administrative d’appel annule les jugements du tribunal administratif et rejette la demande du requérant de première instance. Elle estime que le projet, constituant un équipement collectif, n’est pas incompatible avec une activité agricole, pastorale ou forestière, et qu’en conséquence, l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n’était pas requis. Saisie par l’effet dévolutif de l’appel, la cour examine ensuite l’ensemble des autres moyens soulevés et les écarte tous, validant ainsi la décision de non-opposition initiale.
La solution retenue par la cour administrative d’appel repose sur une appréciation pragmatique de la compatibilité d’un équipement collectif avec son environnement rural (I), ce qui la conduit à exercer un contrôle complet mais mesuré sur l’insertion globale du projet (II).
I. L’appréciation de la compatibilité du projet avec sa zone d’implantation
La cour infirme le raisonnement des premiers juges en adoptant une interprétation souple de la condition de compatibilité avec l’activité agricole (A), ce qui neutralise par voie de conséquence l’obligation de saisine de la commission spécialisée (B).
A. La redéfinition de la compatibilité avec l’activité agricole
La décision commentée s’articule autour de l’exception prévue au 2° de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme, qui autorise, en dehors des parties urbanisées d’une commune, « Les constructions et installations nécessaires (…) à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées ». Le tribunal administratif avait estimé cette condition non remplie. La cour, pour sa part, procède à une analyse concrète de l’impact du projet. Elle relève que l’installation, bien que haute de trente mètres, ne présente qu’une « emprise limitée par rapport à la superficie du terrain supportant l’assiette du projet ». Le juge d’appel prend en considération non seulement l’emprise au sol de la dalle technique, mais aussi le contexte spécifique, notamment la présence d’une usine de potabilisation et de drains souterrains. De ces éléments factuels, la cour déduit que le caractère agricole du terrain n’est pas établi et que, en tout état de cause, l’installation « n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière ». Cette approche se distingue par son pragmatisme, privilégiant l’impact réel et limité du projet sur la capacité résiduelle du terrain à supporter une activité agricole, plutôt qu’une application stricte du principe d’inconstructibilité.
B. L’exclusion consécutive de l’avis de la commission départementale
La seconde illégalité retenue par le tribunal administratif, et écartée par la cour, découlait logiquement de la première. L’article L. 111-5 du code de l’urbanisme impose la saisine pour avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers pour tout projet ayant pour « conséquence une réduction des surfaces (…) sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole ». La cour administrative d’appel, ayant établi au préalable que l’installation n’était pas incompatible avec une telle activité, en conclut mécaniquement qu’elle n’entraîne pas la réduction d’un espace agricole protégé au sens de cet article. Elle juge ainsi que « la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ne devait pas être préalablement saisie pour avis ». Le raisonnement est d’une parfaite cohérence juridique : la condition de déclenchement de la consultation n’étant pas remplie, l’absence de celle-ci ne peut vicier la procédure. La cour censure donc le second motif d’annulation retenu par les premiers juges, ce qui l’oblige, par l’effet dévolutif de l’appel, à se pencher sur l’ensemble des autres moyens soulevés par le requérant initial.
II. La confirmation de la régularité de l’autorisation au regard des autres règles d’urbanisme
Après avoir écarté les motifs d’annulation du tribunal, la cour examine la légalité de l’acte au regard des autres normes applicables, qu’il s’agisse du champ d’application de la déclaration préalable (A) ou de l’insertion du projet dans son environnement et son paysage (B).
A. La juste application du régime de la déclaration préalable
Le requérant soutenait que le projet, en raison de ses caractéristiques, aurait dû faire l’objet d’un permis de construire et non d’une simple déclaration préalable. La cour se livre à une exégèse approfondie des articles R. 421-2 et R. 421-9 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue du décret du 10 décembre 2018. Elle rappelle l’articulation entre ces textes, qui soumettent à déclaration préalable les antennes-relais de plus de douze mètres de hauteur dont les locaux techniques présentent une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés. La cour précise un point technique essentiel : « seules la surface de plancher et l’emprise au sol des locaux et installations techniques doivent être prises en compte, et non l’emprise au sol des pylônes ». Le projet en l’espèce, avec sa dalle technique de dix-huit mètres carrés, relevait bien du j) de l’article R. 421-9, le seuil étant fixé à vingt mètres carrés. Cette clarification méthodologique permet de valider le choix de la procédure de déclaration préalable et d’écarter les moyens relatifs à une fraude au permis de construire. De même, la cour rejette l’applicabilité des articles R. 111-16 et R. 111-17 du même code, relatifs aux distances d’implantation, au motif que ces dispositions « ne sont pas opposables à l’édification d’installations d’équipements collectifs tels des antennes de radiotéléphonies », car elles ne concernent que les « bâtiments ».
B. Le contrôle de l’insertion paysagère et environnementale du projet
Le requérant invoquait enfin l’atteinte que le projet porterait aux paysages et à l’environnement, en violation notamment de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme. La cour rappelle sa méthode de contrôle en deux temps : l’appréciation de la qualité du site, puis l’évaluation de l’impact du projet. Sur le premier point, elle minimise la sensibilité du lieu, jugeant qu’il ne « revêt un intérêt paysager particulier », malgré sa situation au sein d’un parc naturel régional et à proximité de sites classés. Cette appréciation souveraine des faits, qui peut paraître sévère, démontre la marge de manœuvre du juge dans l’évaluation de la qualité d’un paysage. Sur le second point, la cour note que le pylône est conçu en treillis pour « limiter l’impact visuel » et que les classements en zones protégées (Natura 2000, ZNIEFF) sont « sans incidence sur l’appréciation de l’insertion paysagère ». En écartant également les prescriptions du schéma de cohérence territoriale, jugées soit non directement opposables aux tiers, soit non applicables au projet, la cour confirme sa tendance à ne sanctionner que les atteintes les plus manifestes et caractérisées à l’environnement ou au paysage, adoptant une posture de contrôle restreint face à des projets d’infrastructure jugés d’intérêt collectif.