Juge des référés du Conseil d’État, le 16 janvier 2025, n°500493

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 16 janvier 2025, une ordonnance rappelant les limites strictes de la compétence administrative. Un particulier a sollicité la suspension de décisions prises par un juge de l’exécution dans un litige relatif à des saisies immobilières. Le requérant invoquait l’urgence de sa situation financière et une atteinte disproportionnée à son droit de propriété pour justifier cette mesure de référé. Il a porté son action directement devant la haute juridiction administrative afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution des décisions judiciaires contestées. La question posée au juge consistait à déterminer si la juridiction administrative peut contrôler des actes relevant de l’exercice de la fonction juridictionnelle judiciaire. Le Conseil d’État rejette la requête en précisant qu’il « n’appartient pas à la juridiction administrative de connaître d’une telle requête ». Cette décision permet d’analyser l’étanchéité absolue entre les ordres juridictionnels avant d’étudier la célérité du traitement des demandes manifestement irrégulières.

I. L’étanchéité absolue entre les fonctions juridictionnelle et administrative

A. Le refus de contrôler les actes de la fonction juridictionnelle

Le juge rappelle que les actes juridictionnels échappent par nature au contrôle de l’ordre administratif, contrairement aux simples mesures d’organisation du service public. Cette distinction classique interdit au juge administratif de suspendre une décision rendue par une autorité judiciaire dans l’exercice de son pouvoir de juger. L’ordonnance souligne qu’il ne peut être question de « suspendre l’exécution des décisions rendues par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes ». Le litige se rattache exclusivement à la sphère judiciaire puisque les mesures contestées découlent directement de l’application du droit privé des saisies. Une telle solution protège l’indépendance de l’autorité judiciaire en évitant toute immixtion de la juridiction administrative dans le cours d’un procès civil.

B. La confirmation de la compétence judiciaire en matière d’exécution

Les décisions du juge de l’exécution constituent le prolongement direct de la fonction de juger dévolue aux tribunaux de l’ordre judiciaire de droit commun. Le Conseil d’État confirme ici que la nature du litige principal détermine la compétence du juge des référés saisi en premier et dernier ressort. L’acte contesté concerne des procédures civiles d’exécution qui ne sauraient être regardées comme des décisions administratives au sens du code de justice administrative. En affirmant que le litige « met en cause des mesures relevant de l’exercice de la fonction juridictionnelle », le juge administratif écarte toute possibilité de recours. Cette position constante assure la sécurité juridique en prévenant les tentatives de contournement des voies de recours ordinaires par le biais du référé.

II. L’efficacité procédurale du rejet pour incompétence manifeste

A. Les conditions de saisine du juge des référés du Conseil d’État

La saisine directe du Conseil d’État sur le fondement de l’urgence suppose que le litige principal relève de sa compétence spécifique de premier ressort. L’article L. 521-1 du code de justice administrative exige la preuve d’un doute sérieux quant à la légalité d’une décision administrative préalable. Or, le requérant visait des actes judiciaires, ce qui rendait sa demande structurellement incompatible avec les règles de compétence de la haute juridiction. Le juge précise que sa compétence est conditionnée par le ressort du « litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure ». Le non-respect de cette règle fondamentale de répartition des compétences entraîne une irrecevabilité radicale que le magistrat doit soulever sans délai.

B. Le recours à la procédure de rejet sans instruction

L’usage de l’article L. 522-3 du code de justice administrative permet d’écarter rapidement les requêtes dont l’incompétence administrative apparaît comme flagrante au dossier. Le juge peut rejeter par ordonnance motivée toute demande qui « ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative » sans audience préalable. Cette procédure de tri garantit une bonne administration de la justice en évitant l’encombrement du rôle par des dossiers manifestement voués à l’échec. L’ordonnance du 16 janvier 2025 illustre cette volonté de clore promptement des instances qui méconnaissent les fondements constitutionnels de la dualité des ordres. La décision clôt ainsi définitivement un débat juridique qui ne pouvait prospérer devant le juge administratif pour des raisons de compétence.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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