Cour de justice de l’Union européenne, le 18 octobre 2012, n°C-234/11

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée le 18 octobre 2012 sur les conditions de régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée. Une société exploitant une centrale thermique a acquis un complexe immobilier comprenant plusieurs bâtiments industriels dont l’achat initial avait permis la déduction de la taxe. L’entreprise a entrepris la démolition d’une partie des édifices afin de construire des installations de production plus modernes et performantes. L’administration fiscale a considéré que cette destruction volontaire imposait une régularisation de la taxe initialement déduite par le précédent propriétaire des lieux. Un recours a été formé devant l’Administrativen sad Varna qui a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction de l’Union. Les juges devaient déterminer si la démolition d’un actif en vue de sa modernisation constitue une modification des éléments déterminant la somme déduite. La Cour répond par la négative en estimant que le lien direct entre l’acquisition et l’activité économique n’est pas rompu.

I. La continuité du lien entre l’acquisition de l’actif et l’activité taxable

A. La préservation du lien direct malgré la démolition matérielle

La Cour rappelle que l’utilisation faite des biens détermine l’étendue de la déduction initiale ainsi que celle des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes. La destruction de structures vétustes en vue de leur remplacement par des bâtiments plus modernes « ne rompent aucunement le lien direct existant » avec l’activité économique. L’acquisition des immeubles puis leur destruction pour modernisation forment une suite d’opérations liées ayant pour seul objet l’accomplissement de futures opérations taxables.

B. L’absence de modification des éléments déterminant la déduction

L’article 185 de la directive impose une régularisation seulement lorsque des modifications interviennent postérieurement à la déclaration initiale de la taxe sur la valeur ajoutée. La juridiction considère que le remplacement de bâtiments ayant la même finalité de production ne constitue pas une modification au sens de la législation européenne. Cette solution s’impose particulièrement quand les déchets issus de la démolition sont revendus et donnent eux-mêmes lieu à la perception d’une taxe en aval.

II. La consécration du principe de neutralité fiscale pour les investissements

A. La protection du droit à déduction de l’opérateur économique

Le système commun de taxe vise à « soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques ». L’ajustement fiscal ne saurait être exigé dès lors que l’assujetti conserve l’intention d’utiliser le terrain pour réaliser des livraisons ouvrant droit à déduction. La neutralité fiscale garantit que la charge pèse uniquement sur le consommateur final et non sur les entreprises participant au processus de production.

B. La limitation des obligations de régularisation aux changements d’affectation

Les règles de régularisation cherchent à assurer une relation étroite entre le droit à déduction et l’utilisation effective des biens pour des opérations taxées. La Cour rejette une interprétation stricte de la destruction physique qui ignorerait la finalité économique globale poursuivie par l’assujetti au cours de ses travaux. Cette décision limite les prérogatives des administrations nationales souhaitant imposer des régularisations automatiques en cas de modification matérielle des actifs immobilisés de l’entreprise.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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