Cour d’appel de Montpellier, le 3 juillet 2025, n°24/03742
La résiliation d’un bail d’habitation peut résulter de plusieurs manquements du locataire à ses obligations contractuelles. Parmi ces manquements, le défaut d’assurance contre les risques locatifs constitue une cause autonome de mise en œuvre de la clause résolutoire, distincte du défaut de paiement des loyers. La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 3 juillet 2025, apporte des précisions utiles sur l’articulation de ces différentes causes de résiliation et sur le régime des charges locatives récupérables.
En l’espèce, un logement situé dans les Pyrénées-Orientales avait été donné à bail le 29 mai 2008 moyennant un loyer mensuel de 550 euros outre 30 euros de provisions sur charges. Le locataire initial étant décédé le 29 janvier 2023, son fils avait sollicité l’application de la clause du bail lui permettant de se maintenir dans les lieux. La bailleresse lui avait délivré, le 16 août 2023, deux commandements visant la clause résolutoire : l’un de payer une somme de 2 943,98 euros au titre des loyers impayés, l’autre de justifier de la souscription d’une assurance contre les risques locatifs. Faute de régularisation, elle l’avait assigné en référé aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et obtenir son expulsion.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan, statuant en référé le 5 juillet 2024, avait constaté la résiliation du bail, condamné le locataire à payer une provision de 7 570 euros au titre de l’arriéré locatif et ordonné son expulsion. Le locataire avait interjeté appel, contestant notamment le montant des charges récupérables qu’il estimait injustifiées à hauteur de 5 052 euros. Il invoquait en outre sa situation précaire pour solliciter des délais de paiement. La bailleresse formait appel incident aux fins de voir actualiser le montant de la dette locative.
La question posée à la cour était double. Il s’agissait de déterminer si la clause résolutoire avait valablement produit ses effets au titre du défaut d’assurance, et si les charges locatives appelées par la bailleresse étaient récupérables sur le locataire.
La cour d’appel de Montpellier confirme pour l’essentiel l’ordonnance déférée. Elle retient que « M. [S] n’a pas rempli son obligation d’assurer le bien loué et n’en a pas justifié pendant la période ouverte par le commandement, de sorte que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 17 septembre 2023 ». Elle précise que « la résiliation du bail étant acquise au titre du non-respect de l’obligation d’assurance du locataire, il n’y a pas lieu de statuer sur celle relative au paiement du loyer et des charges ». Concernant les charges contestées, la cour relève qu’une régularisation avait fait l’objet d’un accord tacite et condamne le locataire à payer la somme provisionnelle de 10 270 euros.
Cette décision invite à examiner successivement l’autonomie de la clause résolutoire pour défaut d’assurance (I) et le régime de la preuve des charges locatives récupérables (II).
I. L’autonomie de la clause résolutoire pour défaut d’assurance
L’arrêt commenté illustre la dualité des causes de résiliation du bail d’habitation (A) et les conséquences procédurales de leur autonomie (B).
A. La dualité des causes de résiliation du bail d’habitation
L’article 7 g de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire de s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur. Cette obligation se distingue de celle, énoncée à l’article 7 a de la même loi, de payer le loyer et les charges aux termes convenus. La cour rappelle que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ».
La particularité de la présente espèce tenait à ce que deux commandements avaient été délivrés simultanément, visant deux manquements distincts du locataire. La bailleresse pouvait donc se prévaloir de deux causes autonomes de résiliation. La cour relève que « l’attestation d’assurance, en date du 5 octobre 2024 émanant de la société Acheel, indique que le logement était assuré pour la période du 8 octobre 2024 au 7 octobre 2025 et démontre que le logement n’était pas assuré à la date du commandement ». Le locataire avait certes régularisé sa situation, mais plus d’un an après l’expiration du délai d’un mois ouvert par le commandement.
Cette dualité des causes de résiliation offre au bailleur une garantie renforcée. Le défaut d’assurance, plus facile à établir puisqu’il suffit de constater l’absence d’attestation dans le délai imparti, peut suffire à fonder la résiliation indépendamment de tout débat sur l’existence ou le montant de la dette locative.
B. Les conséquences procédurales de l’autonomie des causes de résiliation
L’autonomie des causes de résiliation emporte une conséquence procédurale importante que la cour énonce avec clarté : « la résiliation du bail étant acquise au titre du non-respect de l’obligation d’assurance du locataire, il n’y a pas lieu de statuer sur celle relative au paiement du loyer et des charges ». Cette formule traduit une économie des moyens qui dispense le juge d’examiner la seconde cause de résiliation dès lors que la première est établie.
Cette solution présente un intérêt pratique considérable. Le défaut d’assurance constitue un manquement objectif dont la preuve est aisée : il suffit de constater l’absence de production d’une attestation valable dans le délai d’un mois suivant le commandement. Le locataire ne peut utilement contester ce manquement qu’en rapportant la preuve qu’il était assuré à la date du commandement et qu’il a justifié de cette assurance dans le délai requis.
La cour qualifie l’occupation postérieure à la résiliation de « trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser sur le fondement de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile ». Cette qualification justifie la compétence du juge des référés pour ordonner l’expulsion sans qu’une contestation sérieuse puisse être opposée. Le locataire qui n’a pas régularisé sa situation d’assurance dans le délai légal ne dispose d’aucun moyen de défense efficace sur ce terrain.
II. Le régime de la preuve des charges locatives récupérables
La contestation des charges locatives par le locataire posait la question de leur justification (A) et de l’opposabilité de la régularisation intervenue avec le précédent locataire (B).
A. L’exigence de justification des charges récupérables
L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 soumet les charges récupérables à une exigence de justification. La cour rappelle que « les provisions versées par le locataire ne constituent pas un règlement forfaitaire des charges, mais une avance provisoire à valoir sur le montant des dépenses acquittées et justifiées par le bailleur ». Le locataire contestait devoir une somme de 5 052 euros au titre de charges qu’il estimait injustifiées, faisant valoir que l’eau provenait d’un forage et qu’aucun relevé de consommation électrique de la pompe n’avait été produit.
La cour écarte cette contestation en relevant que « la somme de 9 euros par mois, au titre des charges régularisées pour l’eau, concerne l’entretien de la pompe, et non sa consommation électrique, ainsi que celui de la fosse septique ». Elle admet que « s’agissant d’une charge récupérable, si aucune facture d’entretien n’est versée aux débats », une régularisation antérieure avait fait l’objet d’un échange avec le précédent locataire. La cour précise également que le locataire « ne démontre pas que celui-ci doive être partagé avec d’autres occupants » s’agissant de la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères.
Cette solution illustre la charge de la preuve en matière de charges locatives. Si le bailleur doit en principe justifier des charges qu’il appelle, le locataire qui les conteste doit démontrer leur caractère injustifié ou excessif. La simple affirmation selon laquelle les charges seraient indues ne suffit pas à renverser la présomption résultant d’une régularisation antérieurement acceptée.
B. L’opposabilité de la régularisation au locataire successeur
La situation était rendue plus complexe par le changement de locataire intervenu au décès du preneur initial. Le fils avait succédé à son père dans le bail en application d’une clause contractuelle. La cour relève que « la régularisation des charges effectuée en décembre 2022 concerne les années 2020 à 2022 » et qu’« elle a été portée à la connaissance des deux preneurs successifs, M. [S] l’ayant tacitement acceptée, en s’acquittant du montant minoré à laquelle elle a donné lieu en mars et avril 2023 ».
Cette acceptation tacite résultait du paiement par le nouveau locataire du loyer minoré convenu dans le cadre de la régularisation. La cour en déduit que « cette charge locative, qui n’a pas été sollicitée à titre de provision pour l’année 2024, lui incombe ». Elle ajoute que « M. [S] ne conteste pas la réalité d’un tel accord » et que « sa qualité d’ayant droit n’étant pas contestée et aucune prescription n’étant régulièrement soulevée », la demande de déduction doit être rejetée.
La solution retenue apparaît cohérente avec le mécanisme de la continuation du bail au profit des personnes mentionnées à l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989. Le successeur dans le bail est tenu par les accords intervenus avec le bailleur, qu’il les ait expressément acceptés ou qu’il les ait tacitement ratifiés par son comportement ultérieur. L’exécution du contrat aux conditions convenues lors de la régularisation vaut approbation de celle-ci et prive le nouveau locataire de la faculté de la remettre en cause.
La résiliation d’un bail d’habitation peut résulter de plusieurs manquements du locataire à ses obligations contractuelles. Parmi ces manquements, le défaut d’assurance contre les risques locatifs constitue une cause autonome de mise en œuvre de la clause résolutoire, distincte du défaut de paiement des loyers. La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 3 juillet 2025, apporte des précisions utiles sur l’articulation de ces différentes causes de résiliation et sur le régime des charges locatives récupérables.
En l’espèce, un logement situé dans les Pyrénées-Orientales avait été donné à bail le 29 mai 2008 moyennant un loyer mensuel de 550 euros outre 30 euros de provisions sur charges. Le locataire initial étant décédé le 29 janvier 2023, son fils avait sollicité l’application de la clause du bail lui permettant de se maintenir dans les lieux. La bailleresse lui avait délivré, le 16 août 2023, deux commandements visant la clause résolutoire : l’un de payer une somme de 2 943,98 euros au titre des loyers impayés, l’autre de justifier de la souscription d’une assurance contre les risques locatifs. Faute de régularisation, elle l’avait assigné en référé aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et obtenir son expulsion.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan, statuant en référé le 5 juillet 2024, avait constaté la résiliation du bail, condamné le locataire à payer une provision de 7 570 euros au titre de l’arriéré locatif et ordonné son expulsion. Le locataire avait interjeté appel, contestant notamment le montant des charges récupérables qu’il estimait injustifiées à hauteur de 5 052 euros. Il invoquait en outre sa situation précaire pour solliciter des délais de paiement. La bailleresse formait appel incident aux fins de voir actualiser le montant de la dette locative.
La question posée à la cour était double. Il s’agissait de déterminer si la clause résolutoire avait valablement produit ses effets au titre du défaut d’assurance, et si les charges locatives appelées par la bailleresse étaient récupérables sur le locataire.
La cour d’appel de Montpellier confirme pour l’essentiel l’ordonnance déférée. Elle retient que « M. [S] n’a pas rempli son obligation d’assurer le bien loué et n’en a pas justifié pendant la période ouverte par le commandement, de sorte que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 17 septembre 2023 ». Elle précise que « la résiliation du bail étant acquise au titre du non-respect de l’obligation d’assurance du locataire, il n’y a pas lieu de statuer sur celle relative au paiement du loyer et des charges ». Concernant les charges contestées, la cour relève qu’une régularisation avait fait l’objet d’un accord tacite et condamne le locataire à payer la somme provisionnelle de 10 270 euros.
Cette décision invite à examiner successivement l’autonomie de la clause résolutoire pour défaut d’assurance (I) et le régime de la preuve des charges locatives récupérables (II).
I. L’autonomie de la clause résolutoire pour défaut d’assurance
L’arrêt commenté illustre la dualité des causes de résiliation du bail d’habitation (A) et les conséquences procédurales de leur autonomie (B).
A. La dualité des causes de résiliation du bail d’habitation
L’article 7 g de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire de s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur. Cette obligation se distingue de celle, énoncée à l’article 7 a de la même loi, de payer le loyer et les charges aux termes convenus. La cour rappelle que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ».
La particularité de la présente espèce tenait à ce que deux commandements avaient été délivrés simultanément, visant deux manquements distincts du locataire. La bailleresse pouvait donc se prévaloir de deux causes autonomes de résiliation. La cour relève que « l’attestation d’assurance, en date du 5 octobre 2024 émanant de la société Acheel, indique que le logement était assuré pour la période du 8 octobre 2024 au 7 octobre 2025 et démontre que le logement n’était pas assuré à la date du commandement ». Le locataire avait certes régularisé sa situation, mais plus d’un an après l’expiration du délai d’un mois ouvert par le commandement.
Cette dualité des causes de résiliation offre au bailleur une garantie renforcée. Le défaut d’assurance, plus facile à établir puisqu’il suffit de constater l’absence d’attestation dans le délai imparti, peut suffire à fonder la résiliation indépendamment de tout débat sur l’existence ou le montant de la dette locative.
B. Les conséquences procédurales de l’autonomie des causes de résiliation
L’autonomie des causes de résiliation emporte une conséquence procédurale importante que la cour énonce avec clarté : « la résiliation du bail étant acquise au titre du non-respect de l’obligation d’assurance du locataire, il n’y a pas lieu de statuer sur celle relative au paiement du loyer et des charges ». Cette formule traduit une économie des moyens qui dispense le juge d’examiner la seconde cause de résiliation dès lors que la première est établie.
Cette solution présente un intérêt pratique considérable. Le défaut d’assurance constitue un manquement objectif dont la preuve est aisée : il suffit de constater l’absence de production d’une attestation valable dans le délai d’un mois suivant le commandement. Le locataire ne peut utilement contester ce manquement qu’en rapportant la preuve qu’il était assuré à la date du commandement et qu’il a justifié de cette assurance dans le délai requis.
La cour qualifie l’occupation postérieure à la résiliation de « trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser sur le fondement de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile ». Cette qualification justifie la compétence du juge des référés pour ordonner l’expulsion sans qu’une contestation sérieuse puisse être opposée. Le locataire qui n’a pas régularisé sa situation d’assurance dans le délai légal ne dispose d’aucun moyen de défense efficace sur ce terrain.
II. Le régime de la preuve des charges locatives récupérables
La contestation des charges locatives par le locataire posait la question de leur justification (A) et de l’opposabilité de la régularisation intervenue avec le précédent locataire (B).
A. L’exigence de justification des charges récupérables
L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 soumet les charges récupérables à une exigence de justification. La cour rappelle que « les provisions versées par le locataire ne constituent pas un règlement forfaitaire des charges, mais une avance provisoire à valoir sur le montant des dépenses acquittées et justifiées par le bailleur ». Le locataire contestait devoir une somme de 5 052 euros au titre de charges qu’il estimait injustifiées, faisant valoir que l’eau provenait d’un forage et qu’aucun relevé de consommation électrique de la pompe n’avait été produit.
La cour écarte cette contestation en relevant que « la somme de 9 euros par mois, au titre des charges régularisées pour l’eau, concerne l’entretien de la pompe, et non sa consommation électrique, ainsi que celui de la fosse septique ». Elle admet que « s’agissant d’une charge récupérable, si aucune facture d’entretien n’est versée aux débats », une régularisation antérieure avait fait l’objet d’un échange avec le précédent locataire. La cour précise également que le locataire « ne démontre pas que celui-ci doive être partagé avec d’autres occupants » s’agissant de la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères.
Cette solution illustre la charge de la preuve en matière de charges locatives. Si le bailleur doit en principe justifier des charges qu’il appelle, le locataire qui les conteste doit démontrer leur caractère injustifié ou excessif. La simple affirmation selon laquelle les charges seraient indues ne suffit pas à renverser la présomption résultant d’une régularisation antérieurement acceptée.
B. L’opposabilité de la régularisation au locataire successeur
La situation était rendue plus complexe par le changement de locataire intervenu au décès du preneur initial. Le fils avait succédé à son père dans le bail en application d’une clause contractuelle. La cour relève que « la régularisation des charges effectuée en décembre 2022 concerne les années 2020 à 2022 » et qu’« elle a été portée à la connaissance des deux preneurs successifs, M. [S] l’ayant tacitement acceptée, en s’acquittant du montant minoré à laquelle elle a donné lieu en mars et avril 2023 ».
Cette acceptation tacite résultait du paiement par le nouveau locataire du loyer minoré convenu dans le cadre de la régularisation. La cour en déduit que « cette charge locative, qui n’a pas été sollicitée à titre de provision pour l’année 2024, lui incombe ». Elle ajoute que « M. [S] ne conteste pas la réalité d’un tel accord » et que « sa qualité d’ayant droit n’étant pas contestée et aucune prescription n’étant régulièrement soulevée », la demande de déduction doit être rejetée.
La solution retenue apparaît cohérente avec le mécanisme de la continuation du bail au profit des personnes mentionnées à l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989. Le successeur dans le bail est tenu par les accords intervenus avec le bailleur, qu’il les ait expressément acceptés ou qu’il les ait tacitement ratifiés par son comportement ultérieur. L’exécution du contrat aux conditions convenues lors de la régularisation vaut approbation de celle-ci et prive le nouveau locataire de la faculté de la remettre en cause.