La Cour administrative d’appel de Versailles, par une décision du 7 février 2025, précise les conditions d’exercice du recours pour excès de pouvoir contre les actes domaniaux. Le litige porte sur une délibération d’un établissement public de recherche autorisant la cession de plusieurs parcelles foncières à des sociétés de construction immobilière. L’appelant sollicitait l’annulation de cet acte devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, lequel a rejeté sa demande par une ordonnance rendue le 6 juillet 2023. Le requérant invoquait notamment sa qualité de voisin direct et son appartenance à une association syndicale autorisée chargée de l’aménagement du secteur géographique concerné. La juridiction d’appel devait déterminer si ces qualités confèrent un intérêt personnel, direct et certain contre une décision de vente ne valant pas autorisation de construire. Les juges confirment l’irrecevabilité du recours en soulignant que l’acte attaqué ne modifie pas par lui-même la situation matérielle ou juridique du requérant.
I. La reconnaissance conditionnée de l’intérêt à agir du voisin
A. L’exclusion du standing fondé sur la proximité géographique L’appelant invoquait sa qualité de riverain immédiat pour contester la vente de terrains destinés à la réalisation ultérieure d’un vaste programme de logements résidentiels. La juridiction estime toutefois que « la qualité de voisin des parcelles objet de la vente autorisée par la délibération litigieuse ne confère pas un intérêt donnant qualité pour contester ». Cette solution repose sur la distinction nécessaire entre l’acte autorisant la cession immobilière et les autorisations d’urbanisme permettant la réalisation effective des travaux. La délibération se borne à organiser le transfert de propriété sans emporter par elle-même de conséquences directes sur les conditions locales d’occupation du sol.
B. L’exigence d’une lésion directe par l’acte contesté L’intérêt à agir s’apprécie au regard des effets juridiques réels de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant lors du dépôt du recours. La Cour souligne que la délibération « n’a pas pour effet, en elle-même, d’autoriser la construction de ces ouvrages » dont l’appelant redoutait pourtant les nuisances potentielles. Le membre d’une association syndicale autorisée ne justifie pas davantage d’un intérêt suffisant en invoquant une modification théorique de l’équilibre des voix internes. Le juge exige la démonstration d’un « impact de cette modification sur sa propre situation », écartant ainsi les griefs trop incertains ou paraissant purement hypothétiques.
II. La mise en œuvre rigoureuse des pouvoirs d’ordonnance du juge
A. La caractérisation d’une irrecevabilité manifeste et irrémédiable Le président de la formation de jugement peut rejeter par ordonnance les requêtes manifestement irrecevables en vertu de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. Les magistrats considèrent que le défaut d’intérêt à agir de l’appelant constituait une lacune fondamentale empêchant tout examen au fond de l’affaire au principal. Cette irrecevabilité est jugée manifeste car le lien entre l’acte de gestion privée du domaine et les intérêts du voisin paraît manifestement trop lointain. La décision s’inscrit ainsi dans une volonté de célérité procédurale face à des recours dépourvus de chances réelles de succès en raison de leur fragilité.
B. L’absence d’obligation de régularisation préalable du recours La juridiction administrative n’est tenue d’inviter à régulariser une requête que si l’irrecevabilité est susceptible d’être effectivement couverte après l’expiration du délai de recours. Dans cette espèce, le défaut de qualité pour agir résultait de la situation objective du requérant et ne pouvait faire l’objet d’aucune correction matérielle. La Cour confirme donc que le premier juge n’était pas tenu d’inviter à régulariser une demande « dont l’irrecevabilité n’était pas susceptible d’être couverte ». Cette rigueur procédurale garantit la sécurité juridique des transactions immobilières opérées par les personnes publiques contre les contestations nées de simples inquiétudes de voisinage.