La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu le 31 décembre 2024 une décision relative à la recevabilité d’un appel en matière contractuelle. Un contrat de travaux pour la construction d’un groupe scolaire avait été conclu entre une société et une commune en mai 2018. À la suite du placement de l’entreprise en redressement judiciaire, l’administrateur a décidé de ne pas poursuivre l’exécution du marché public. La commune a alors prononcé la résiliation du contrat et notifié un décompte de résiliation que la société a contesté.
Le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande tendant à la fixation du solde du décompte général par un jugement du 18 mai 2022. La juridiction de première instance avait retenu l’irrecevabilité de la demande de l’entreprise en raison de la tardiveté de sa saisine. La société a interjeté appel de ce jugement pour obtenir l’annulation de la décision et le paiement des sommes qu’elle estimait dues. Au cours de l’instance d’appel, la société a été placée en liquidation judiciaire, entraînant le retrait de son avocat initialement constitué.
La question posée à la Cour administrative d’appel porte sur la régularité de la procédure lorsque les mandataires liquidateurs ne régularisent pas la requête. Il s’agit de déterminer si le défaut de constitution d’avocat après une invitation du juge entraîne nécessairement l’irrecevabilité de la requête d’appel. La Cour juge que « la requête n’ayant pas été régularisée par la constitution d’un avocat dans le délai imparti, est, dès lors, irrecevable ». L’examen de cette solution conduit à analyser l’exigence du ministère d’avocat puis la rigueur de la sanction procédurale appliquée.
I. L’exigence impérative de la représentation par ministère d’avocat
A. Le champ d’application de la représentation obligatoire en appel
Le code de justice administrative impose que les appels soient présentés par l’un des mandataires mentionnés à l’article R. 431-2 du même code. Cette règle s’applique impérativement dès lors que les conclusions de la demande tendent au paiement d’une somme d’argent dans un litige contractuel. La Cour souligne que « les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d’appel doivent être présentés, à peine d’irrecevabilité » par un avocat. Cette exigence de forme est une condition de validité de la saisine du juge d’appel pour garantir la qualité des échanges.
L’assistance d’un professionnel du droit permet d’assurer la clarté des prétentions financières et le respect des règles complexes de la comptabilité publique. Le juge administratif vérifie systématiquement cette condition dès l’enregistrement de la requête ou lors des changements intervenant dans la situation juridique des parties. La méconnaissance de cette règle de représentation forcée expose le requérant à une fin de non-recevoir d’ordre public que le juge doit soulever.
B. La rupture du mandat liée à l’ouverture d’une procédure collective
L’ouverture d’une liquidation judiciaire modifie profondément la conduite de l’instance et la capacité d’agir des organes de la procédure collective. Dans cette affaire, l’avocat initial a informé la cour administrative d’appel qu’il n’intervenait plus pour le compte de la société en liquidation. Il a précisé que « les liquidateurs judiciaires ne lui avaient pas donné mandat pour poursuivre la procédure » engagée avant le changement de statut. Cette situation crée une carence dans la représentation obligatoire de la partie requérante qui doit être impérativement comblée par les nouveaux mandataires.
Le dessaisissement du débiteur au profit des liquidateurs judiciaires impose à ces derniers de reprendre l’instance ou de mandater un avocat pour ce faire. Le juge ne peut ignorer cette rupture de représentation et doit s’assurer que l’instance demeure portée par un conseil régulièrement désigné par les liquidateurs. L’inaction des organes de la liquidation judiciaire place la requête dans une situation précaire que seule une intervention formelle peut corriger.
II. La sanction procédurale de l’absence de régularisation du litige
A. La mise en œuvre du mécanisme de l’invitation à régulariser
Le juge administratif dispose du pouvoir, sur le fondement de l’article R. 612-1, d’inviter les parties à corriger les vices de forme de leur requête. La Cour a ainsi adressé des courriers aux mandataires liquidateurs de la société pour les inviter à régulariser la situation dans un délai précis. Cette mesure d’instruction vise à concilier le droit au recours effectif avec le respect des règles formelles de la procédure administrative contentieuse. Le juge offre ainsi une dernière chance au requérant de maintenir son action en justice malgré les évolutions de sa situation juridique.
L’invitation à régulariser doit être explicite et mentionner clairement le délai imparti ainsi que les conséquences attachées à l’absence de réponse des parties. La Cour a constaté que les liquidateurs avaient bien reçu les courriers de la juridiction mais n’avaient pas procédé à la désignation d’un avocat. Cette diligence du juge constitue une étape nécessaire avant toute décision de rejet pour une irrecevabilité qui n’est pas d’emblée manifeste ou irrémédiable.
B. Le constat définitif de l’irrecevabilité pour défaut de constitution d’avocat
Le silence ou l’inaction des mandataires après l’expiration du délai fixé par le juge entraîne le rejet automatique et définitif de la requête d’appel. La Cour administrative d’appel de Toulouse applique strictement cette sanction en relevant que « la requête n’ayant pas été régularisée » dans le délai de vingt et un jours. L’irrecevabilité devient alors absolue, interdisant au juge d’examiner le bien-fondé des moyens soulevés contre le jugement de première instance. Cette rigueur procédurale assure la sécurité juridique et évite la prolongation inutile d’instances dont la régularité formelle n’est plus assurée.
La solution retenue confirme que les liquidateurs judiciaires doivent faire preuve d’une vigilance particulière dans le suivi des procédures contentieuses intéressant la masse des créanciers. Le défaut de régularisation ferme définitivement la voie de l’appel et rend définitif le jugement du tribunal administratif rejetant les demandes indemnitaires. La neutralité du juge s’exprime ici par le constat objectif d’une carence que les parties n’ont pas su ou voulu combler utilement.