Par un arrêt rendu le 24 juin 2025, la cour administrative d’appel de Toulouse précise les limites de l’obligation de signalement incombant au préfet. Le tribunal d’instance de Carcassonne avait ordonné, le 2 novembre 2015, l’expulsion d’une occupante occupant sans titre une maison située à Alet-les-Bains. Cette décision fut confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 19 décembre 2019 avant toute demande de force publique. La requérante contestait le refus de dénoncer au procureur des faits de recel successoral et sollicitait l’indemnisation de ses préjudices moraux et matériels. Le tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté ses conclusions le 13 juin 2023, elle a interjeté appel contre ces deux jugements. La juridiction devait déterminer si l’administration doit signaler des litiges privés et si l’expulsion forcée constituait une faute de nature indemnitaire. Le juge confirme la légalité de l’abstention préfectorale concernant le signalement pénal (I) et valide l’octroi de la force publique pour l’expulsion (II).
**I. La légalité de l’abstention préfectorale au regard de l’obligation de signalement pénal**
**A. L’interprétation restrictive de l’obligation issue de l’article 40 du code de procédure pénale**
L’article 40 du code de procédure pénale impose aux agents publics de signaler les crimes ou délits constatés durant leur service habituel. La cour administrative d’appel de Toulouse précise que cette obligation suppose des faits « suffisamment établis » par l’autorité administrative saisie de la demande. Ce signalement s’impose seulement si les faits portent une « atteinte suffisamment caractérisée » aux intérêts dont l’administration doit normalement assurer la sauvegarde. Le juge limite ainsi la portée de cette dénonciation aux infractions interférant directement avec les missions régaliennes ou administratives de l’État.
**B. L’absence de faits caractérisés portant atteinte aux missions de l’autorité administrative**
L’administration n’est pas tenue de s’immiscer dans les querelles privées étrangères à ses prérogatives de police ou de gestion du domaine. Les éléments transmis au préfet décrivaient exclusivement un contexte successoral tendu ayant déjà fait l’objet de plusieurs décisions devant le juge civil. Le magistrat estime que ces griefs « se rapportent à un litige civil entre deux personnes privées » sans constituer une menace pour l’ordre public. Dès lors, l’autorité préfectorale n’a commis aucune erreur d’appréciation en s’abstenant de saisir le parquet pour des faits purement patrimoniaux. Cette distinction entre ordre public et intérêts privés fonde également l’analyse du juge concernant l’octroi nécessaire du concours de la force publique.
**II. La régularité du concours de la force publique face au droit à l’exécution des décisions de justice**
**A. La primauté de l’exécution des titres exécutoires en l’absence de risques exceptionnels**
L’État doit prêter son concours à l’exécution des titres exécutoires sauf si des raisons impérieuses d’ordre public s’y opposent formellement. Selon la cour, « l’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires » en toute circonstance. Le juge vérifie si l’expulsion ne porte pas une « atteinte à la dignité de la personne humaine » compte tenu de faits nouveaux. Aucun risque manifeste de trouble à l’ordre public n’était ici caractérisé par la présence prolongée de l’occupante dans les lieux sans titre.
**B. L’inefficience des litiges de droit privé sur la responsabilité de l’État**
Les difficultés financières nées du partage successoral ne constituent pas des circonstances de nature à faire obstacle à une mesure d’expulsion ordonnée. La décision contestée ne présente aucune « illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l’État » envers la personne évincée par la force. L’absence de faute administrative écarte toute prétention indemnitaire relative aux préjudices matériels et moraux invoqués par la requérante devant la juridiction. La cour rejette donc l’ensemble des requêtes en confirmant la position adoptée initialement par les premiers juges dans leurs deux jugements attaqués.