La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 21 janvier 2025, un arrêt relatif à la régularisation d’un ouvrage public constitué par une voie communale. Le préfet a déclaré d’utilité publique le projet d’aménagement d’une portion de chemin et a désigné les parcelles devant être cédées par leur propriétaire. Ce dernier a contesté ces décisions en invoquant notamment l’absence d’utilité publique globale du projet et une discordance géographique entre les actes administratifs successifs. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d’annulation par un jugement du 27 décembre 2022, provoquant ainsi l’appel de l’administré devant la juridiction supérieure. Le requérant soutient que l’expropriation est illégale car elle ne porte que sur une fraction de la voie et ne mentionne pas tous les terrains concernés. Le juge administratif devait déterminer si l’utilité publique peut se limiter à une section d’ouvrage et si l’arrêté de cessibilité doit obligatoirement être exhaustif. La Cour confirme la légalité de la procédure en soulignant l’utilité propre de la portion de voirie et la liberté de l’administration dans l’exécution foncière. L’examen de cette décision conduit à analyser la reconnaissance de l’utilité publique d’un projet segmenté avant d’étudier le régime juridique de l’arrêté de cessibilité.
I. L’affirmation de l’utilité publique d’un aménagement routier segmenté
A. La reconnaissance de l’intérêt général attaché à une portion de voie Les juges considèrent que l’utilité publique d’un projet s’apprécie au regard de la portion spécifiquement visée par la déclaration préfectorale de travaux. Le juge administratif précise que « la circonstance que la déclaration d’utilité publique ne porte pas sur l’intégralité du chemin… ne fait pas obstacle à l’utilité propre ». Cette approche permet à l’administration de scinder des projets complexes en plusieurs phases opérationnelles sans compromettre la base légale de l’expropriation. La portion litigieuse dessert des constructions et un secteur destiné à l’aménagement résidentiel, justifiant ainsi pleinement la finalité d’intérêt général poursuivie. Cette solution témoigne d’une appréciation concrète des besoins locaux plutôt que d’une exigence théorique d’exhaustivité du tracé dès le stade initial.
B. La mise en œuvre souveraine du contrôle du bilan par le juge Le juge d’appel rappelle les trois étapes du contrôle de l’utilité publique en vérifiant la finalité, l’absence d’alternative et l’équilibre des coûts. L’arrêt souligne qu’il incombe au requérant d’établir que le projet pourrait être réalisé sans expropriation ou qu’il présente des inconvénients manifestement excessifs. En l’espèce, le propriétaire n’apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause l’opportunité financière ou sociale de cette opération de voirie. La juridiction écarte ainsi le moyen tiré de l’absence d’utilité publique en relevant que les atteintes à la propriété ne paraissent pas disproportionnées. La validité intrinsèque de l’utilité publique étant confirmée, il convient désormais d’envisager la régularité de la désignation des parcelles soumises à l’expropriation.
II. La souplesse du périmètre de l’arrêté de cessibilité au stade opérationnel
A. Le respect de la concordance spatiale avec l’acte déclaratif d’utilité L’arrêt précise que le juge doit s’assurer que les parcelles mentionnées dans l’acte de cessibilité sont bien incluses dans le périmètre de l’expropriation. En l’occurrence, les terrains visés correspondent précisément à ceux qui furent identifiés lors de la phase préalable de l’enquête publique et de la déclaration. Le juge écarte l’exception d’illégalité soulevée contre la déclaration d’utilité publique en rappelant que la validité de l’acte initial conditionne celle de l’acte subséquent. La concordance est établie puisque les parcelles cadastrées appartiennent bien à l’aire géographique définie par l’autorité préfectorale dans son arrêté de janvier 2020. Cette conformité spatiale garantit la protection des propriétaires contre toute extension arbitraire du périmètre d’expropriation par l’autorité administrative compétente.
B. L’absence d’obligation d’énumération exhaustive des parcelles à exproprier La Cour pose un principe important en affirmant qu’un arrêté de cessibilité n’est pas tenu de lister l’intégralité des biens mentionnés dans la déclaration. Le juge affirme qu’« aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général n’impose que l’arrêté de cessibilité mentionne la totalité des biens immeubles ». Cette latitude permet à la personne publique d’adapter son calendrier d’acquisition foncière en fonction de l’avancement réel des travaux ou des nécessités budgétaires. L’expropriant peut donc procéder par arrêtés de cessibilité successifs sans entacher de nullité la procédure menée contre un propriétaire foncier spécifiquement désigné. La portée de cet arrêt réside dans la confirmation d’une gestion souple de la phase opérationnelle de l’expropriation pour cause d’utilité publique.