La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 17 juillet 2025, apporte des précisions majeures sur le régime juridique des autorisations éoliennes. Le litige porte sur la légalité d’un arrêté préfectoral délivrant une autorisation environnementale pour l’exploitation de six aérogénérateurs sur le territoire d’une commune occitane. Cette décision s’inscrit dans un contexte de transition énergétique où la protection de la biodiversité se confronte au développement des infrastructures de production d’électricité renouvelable.
L’administration préfectorale a délivré, le 28 février 2020, une autorisation valant dérogation au titre des espèces protégées et autorisation de défrichement à une société pétitionnaire. Les requérants ont saisi la juridiction administrative d’une demande d’annulation, laquelle fut rejetée en première instance par la Cour administrative d’appel de Toulouse le 8 décembre 2022. Le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi, a annulé cet arrêt le 18 avril 2024 et a renvoyé l’affaire devant la même cour d’appel. Les requérants soutiennent notamment que le dossier d’enquête publique était incomplet et que l’étude d’impact présentait des lacunes sur le volet paysager et écologique.
La juridiction doit déterminer si les insuffisances alléguées du dossier de demande sont de nature à entacher d’illégalité l’acte administratif contesté. Elle s’interroge également sur l’application de la présomption de raison impérative d’intérêt public majeur issue de la législation récente sur les énergies renouvelables. La Cour administrative d’appel de Toulouse rejette la requête en considérant que les irrégularités procédurales n’ont pas nui à l’information du public. Elle valide l’existence d’un intérêt public majeur pour le projet, dont la puissance prévisionnelle dépasse les seuils réglementaires fixés par le code de l’énergie.
L’analyse de cette décision commande d’examiner d’abord la rigueur du contrôle exercé sur la régularité formelle de l’autorisation, avant d’étudier la consécration de l’intérêt public majeur du projet.
I. L’exigence de régularité formelle et la complétude des évaluations environnementales
A. La portée limitée des vices de procédure sur la validité de l’autorisation
Le juge administratif rappelle que les obligations relatives à la composition du dossier de demande relèvent de règles de procédure spécifiques au plein contentieux. Selon la formation de jugement, « les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure… que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ». Cette approche pragmatique permet de sauver des actes administratifs dont les lacunes n’ont pas exercé d’influence déterminante sur le sens de la décision finale.
L’absence de certains avis techniques au dossier d’enquête publique ne constitue pas systématiquement un vice de nature à entraîner l’annulation de l’arrêté attaqué. Dans cette affaire, l’avis favorable d’une direction de l’aviation civile était acquis bien que non joint physiquement au dossier soumis à la consultation populaire. La Cour considère que cette omission n’a privé le public d’aucune garantie fondamentale dès lors que le sens de l’avis était connu et favorable. Cette solution illustre la volonté du juge de ne pas sanctionner des irrégularités purement formelles sans incidence concrète sur la participation citoyenne.
B. L’appréciation souveraine du juge sur la suffisance de l’étude d’impact
L’étude d’impact doit être proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone affectée par les travaux et à l’importance des aménagements projetés par le pétitionnaire. Les requérants contestaient la qualité des photomontages et l’analyse des effets cumulés du parc éolien avec les installations industrielles déjà existantes dans l’environnement proche. La Cour administrative d’appel de Toulouse écarte ces critiques en soulignant que le dossier comportait trente-huit documents photographiques permettant une appréciation réelle des impacts visuels.
Le volet écologique de l’étude est également jugé suffisant malgré les critiques portant sur le recensement des espèces de chiroptères et de l’avifaune migratrice. Le juge estime que la méthodologie suivie pour l’inventaire des espèces protégées ne présente pas de lacunes susceptibles d’avoir faussé l’appréciation de l’autorité préfectorale. Les mesures d’évitement et de réduction proposées, telles que le bridage des machines, garantissent le maintien des populations dans un état de conservation favorable. La validation de ces études techniques conditionne l’examen de la nécessité de la dérogation environnementale au regard des objectifs de transition énergétique.
II. La consécration d’une présomption d’intérêt public majeur pour les projets renouvelables
A. L’application d’un régime probatoire simplifié au titre de l’intérêt public
La décision commentée fait une application rigoureuse de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables sur le territoire national. Désormais, certains projets sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur dès lors qu’ils satisfont à des conditions de puissance totale installée. La Cour administrative d’appel de Toulouse précise que cette « présomption… présente, pour cette reconnaissance, un caractère irréfragable pour les projets d’installations auxquels elle s’applique qui satisfont aux critères édictés ».
Cette qualification juridique simplifie considérablement la tâche du pétitionnaire qui n’a plus à démontrer au cas par cas l’utilité sociale et économique de son projet. Pour le parc éolien en cause, la puissance prévisionnelle de 21,6 mégawatts excède largement le seuil de 9 mégawatts fixé par le pouvoir réglementaire national. La Cour écarte l’exception d’inconstitutionnalité soulevée contre le décret d’application en jugeant que le législateur a valablement pu faciliter la reconnaissance de cet intérêt public. La présomption ainsi établie permet de satisfaire à l’une des conditions cumulatives posées par le code de l’environnement pour déroger à la protection des espèces.
B. La conciliation du développement énergétique avec la préservation du patrimoine local
La reconnaissance d’un intérêt public majeur ne dispense toutefois pas le projet du respect des règles d’urbanisme et de la protection des paysages remarquables. Les requérants invoquaient une méconnaissance du règlement du plan local d’urbanisme qui impose une intégration paysagère soignée pour les constructions d’intérêt collectif liées aux réseaux. La Cour rejette ce moyen en constatant que l’implantation des turbines minimise les covisibilités avec les massifs montagneux classés au titre du patrimoine naturel national.
L’absence de risque avéré d’incendie de forêt et le respect des seuils d’émergence acoustique confirment la légalité de l’autorisation délivrée par l’autorité préfectorale départementale. Le juge du plein contentieux administratif s’assure que les mesures de compensation, comme la création d’îlots de sénescence, équilibrent les atteintes inévitables portées à la biodiversité locale. Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Toulouse du 17 juillet 2025 stabilise ainsi la situation juridique d’un projet industriel contesté depuis plusieurs années. La solution retenue favorise l’atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie tout en maintenant un contrôle effectif sur les garanties environnementales minimales.