Par un arrêt rendu le 2 avril 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise les conditions de légalité d’un refus de raccordement. Une société, propriétaire d’une ancienne usine, souhaite transformer les bâtiments existants en dix-sept logements destinés à l’habitation humaine. Elle sollicite le raccordement de son bien immobilier au réseau public d’adduction d’eau potable par l’installation de plusieurs compteurs individuels. Le maire de la commune concernée émet un avis défavorable à cette demande de branchement le 17 décembre 2020.
Saisi d’une demande d’annulation, le tribunal administratif de Melun rejette la requête par un jugement rendu le 27 juin 2024. La société requérante soutient que la décision est dépourvue de motivation et méconnaît l’égalité d’accès au service public de l’eau. La commune fait valoir qu’elle se trouvait en situation de compétence liée pour refuser l’accès aux réseaux de distribution. Le juge d’appel doit déterminer si l’irrégularité d’une construction impose mécaniquement le rejet d’une demande de raccordement aux réseaux publics.
La juridiction écarte la compétence liée en raison de l’atteinte potentielle portée aux droits fondamentaux garantis par les conventions internationales. Le juge d’appel écarte d’abord la compétence liée de l’autorité municipale (I), avant de censurer l’absence de motivation de l’acte administratif (II).
I. L’exclusion d’une compétence liée par l’exigence d’un contrôle de proportionnalité
A. L’application conditionnée de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme
L’administration invoque les dispositions législatives interdisant le raccordement définitif des bâtiments dont la transformation n’a pas été autorisée. Le texte prévoit que les installations soumises à autorisation « ne peuvent […] être raccordées définitivement » en l’absence d’un agrément préalable. La commune estime que l’absence de permis de construire pour la création des logements l’obligeait à rejeter la demande de la société. Le juge précise toutefois que le maire ne se trouve pas, dans cette hypothèse, en situation de compétence strictement liée.
Cette interprétation permet de concilier le respect des règles d’urbanisme avec la protection des droits individuels fondamentaux des administrés. L’examen de la conformité aux normes d’urbanisme s’efface donc devant la nécessité d’apprécier la situation personnelle de l’administré.
B. La protection du droit au respect de la vie privée et familiale
Le refus de raccordement constitue une « ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale ». La Cour administrative d’appel de Paris s’appuie sur l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme pour justifier cet examen. Il appartient à l’autorité municipale de s’assurer que l’ingérence est « proportionnée au but légitime poursuivi » par la mesure de police.
L’administration doit ainsi pondérer l’intérêt général lié à l’ordre public avec les besoins élémentaires des occupants des locaux concernés. L’existence d’un tel contrôle de proportionnalité exclut l’argument tiré d’une obligation de refus s’imposant au pouvoir de police.
II. La sanction procédurale d’un refus de raccordement insuffisamment motivé
A. La qualification de mesure de police imposant une motivation formelle
La décision administrative refusant le branchement aux réseaux présente le caractère d’une mesure de police de l’urbanisme soumise à motivation. Les dispositions du code des relations entre le public et l’administration imposent d’énoncer les considérations de droit et de fait. En l’espèce, le maire s’est « borné à émettre un avis défavorable » sans préciser les motifs justifiant son opposition.
L’absence de mention des éléments juridiques empêche le pétitionnaire de comprendre les raisons exactes du rejet de sa sollicitation. Ce manquement formel constitue une illégalité externe qui justifie, à elle seule, l’annulation de l’acte administratif par le juge. La sanction du défaut de motivation impose à l’administration de reprendre le traitement de la demande de raccordement.
B. La portée de l’annulation et l’obligation de réexamen de la demande
L’annulation du refus n’implique pas l’obligation pour la commune de délivrer immédiatement un avis favorable au raccordement sollicité. Le juge enjoint seulement à l’autorité compétente de procéder au « réexamen de la demande » dans un délai de trois mois. Cette injonction laisse à la municipalité la possibilité de motiver légalement un nouveau refus après une analyse concrète de la situation.
La solution retenue confirme la rigueur du contrôle exercé sur les décisions affectant les conditions d’existence décentes des justiciables. La Cour administrative d’appel de Paris renforce ainsi les garanties procédurales dont bénéficient les usagers face aux prérogatives de puissance publique.