Cour d’appel administrative de Marseille, le 19 juin 2025, n°24MA00940

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 19 juin 2025, un arrêt précisant le régime de retrait des décisions de non-opposition. Un syndicat dépose une déclaration préalable afin d’installer des barrières motorisées aux accès d’un parc de stationnement situé sur une parcelle déterminée. L’administration ne manifeste aucune opposition initiale, laissant ainsi naître une décision tacite au profit du pétitionnaire. Le maire décide ultérieurement de retirer cette décision et de s’opposer aux travaux par deux arrêtés distincts. L’autorité municipale invoque l’absence de qualité de propriétaire du déclarant pour justifier cette mesure de retrait. Le tribunal administratif de Toulon annule ces décisions par un jugement du 23 février 2024. La commune interjette alors appel devant la juridiction supérieure. Elle s’appuie sur un jugement du tribunal judiciaire de Draguignan rendu le 25 octobre 2023. Cette décision civile reconnaît à la commune la propriété de la parcelle par l’effet de la prescription acquisitive. Le litige porte sur l’influence d’une reconnaissance rétroactive de propriété sur la légalité d’une autorisation d’urbanisme. La Cour confirme la solution des premiers juges et rejette la requête de la collectivité. La légalité de l’acte s’apprécie au moment de son édiction sans égard pour les changements de propriété ultérieurs.

I. La primauté de l’apparence de propriété lors de l’instruction de la demande

L’arrêt souligne l’absence d’obligation pour l’administration de vérifier la validité du titre de propriété lors de l’examen d’une déclaration préalable.

A. Le principe de la déclaration de qualité du pétitionnaire

Le code de l’urbanisme prévoit que les demandes d’autorisation sont présentées par les propriétaires ou des personnes attestant être autorisées par eux. La Cour rappelle que les autorisations doivent seulement comporter « l’attestation du pétitionnaire qu’il remplit les conditions définies à l’article R. 423-1 ». Cette règle simplifie considérablement la procédure administrative en reposant sur la présomption de sincérité du déclarant. L’autorité compétente n’a pas à vérifier la validité de cette attestation lors de l’instruction de la demande d’utilisation du sol. Elle accorde l’autorisation sous réserve du droit des tiers sans trancher les litiges relatifs à la propriété privée. Le juge administratif préserve ainsi la fluidité des autorisations en limitant les investigations foncières de la puissance publique.

B. Les limites restreintes au contrôle de la qualité pour agir

Le contrôle de l’administration ne s’exerce qu’en cas de fraude ou d’informations manifestes dont elle dispose au moment de statuer. La Cour précise que l’autorité doit s’opposer si elle dispose « d’informations de nature à établir son caractère frauduleux ». Cette opposition est également nécessaire si des éléments font apparaître « que le pétitionnaire ne dispose (…) d’aucun droit ». Cette situation suppose que l’information soit disponible sans mesure d’instruction complémentaire de la part des services instructeurs. En l’espèce, aucune manœuvre frauduleuse n’est alléguée contre le syndicat au moment du dépôt de sa déclaration. Le pétitionnaire disposait d’un titre de propriété apparent lors de l’instruction de son dossier de travaux. L’administration ne peut donc pas remettre en cause la qualité du déclarant sans preuve d’une tromperie caractérisée.

II. L’indifférence de la perte rétroactive de la qualité de propriétaire sur la légalité de l’acte

La solution repose sur une distinction stricte entre la légalité de l’acte au moment de son édiction et son exécution matérielle.

A. L’appréciation de la légalité au jour de la décision

La légalité d’une décision administrative s’apprécie souverainement à la date de son intervention par l’autorité compétente. La Cour affirme que la perte de qualité de propriétaire après la décision « n’est pas par elle-même de nature à l’entacher d’illégalité ». Cette règle s’applique même si la perte de qualité intervient à titre rétroactif par l’effet d’une décision judiciaire. Le juge civil a certes reconnu la prescription acquisitive au profit de la commune après la naissance de la décision de non-opposition. Toutefois, cette reconnaissance judiciaire tardive ne saurait vicier rétroactivement l’acte administratif initialement régulier. L’administration est tenue de respecter le délai de retrait de trois mois pour les décisions créatrices de droits. Le retrait fondé sur une circonstance juridique postérieure demeure donc entaché d’une erreur de droit.

B. L’étanchéité entre la validité de l’autorisation et les obstacles à son exécution

L’autorisation d’urbanisme demeure valable même si son bénéficiaire se trouve dans l’impossibilité juridique d’exécuter les travaux autorisés. La commune soutient que le syndicat ne pourra pas procéder à l’installation des barrières motorisées suite au jugement civil. La Cour écarte cet argument car cette difficulté relève exclusivement de l’exécution de la décision de non-opposition tacite. Cette circonstance matérielle n’a « pas d’incidence sur sa légalité » interne ou externe au regard des règles d’urbanisme. L’acte administratif ne confère aucun droit de passage ou de construction si le titre civil vient à disparaître. Le pétitionnaire assume seul les risques liés à l’éviction de son droit de propriété par un tiers. La séparation des contentieux administratif et civil garantit ainsi la sécurité juridique des actes administratifs individuels.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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