Le Conseil constitutionnel a rendu, le 12 mars 2020, une décision relative à l’encadrement des implantations commerciales situées en zone périphérique. Une association a contesté la constitutionnalité de dispositions législatives imposant aux porteurs de projets une évaluation de leur impact sur les centres-villes. La requérante soutenait que l’obligation de justifier l’absence de friches disponibles portait une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre. Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 13 décembre 2019 afin de vérifier la régularité du code de commerce. Les dispositions incriminées poursuivraient selon l’association un but purement économique de protection des commerçants déjà installés au détriment des nouveaux entrants. Le problème juridique réside dans la conciliation entre la liberté constitutionnelle d’entreprendre et les impératifs publics d’aménagement du territoire. Les Sages considèrent que le législateur a valablement entendu « lutter contre le déclin des centres-villes » par des critères d’évaluation globaux. Cette analyse permet de comprendre la validité du motif d’intérêt général avant d’examiner la proportionnalité des restrictions imposées.
I. La reconnaissance d’un motif d’intérêt général fondé sur la revitalisation urbaine
A. La lutte contre le déclin commercial des centres-villes Le législateur a entendu renforcer le contrôle des commissions d’aménagement commercial sur la répartition territoriale des surfaces pour favoriser un meilleur équilibre. Cette volonté s’inscrit dans une politique globale visant à « lutter contre le déclin des centres-villes », objectif jugé conforme à l’intérêt général. La liberté d’entreprendre, découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789, n’est pas absolue et peut subir des limitations nécessaires. Le Conseil constitutionnel valide l’intégration de préoccupations urbanistiques et sociales dans le processus d’autorisation administrative préalable aux ouvertures de magasins.
B. L’intégration de critères d’aménagement du territoire Les dispositions critiquées prévoient que la commission prend en considération « la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial ». Cette exigence oblige le pétitionnaire à produire une analyse d’impact évaluant les effets sur l’animation et le développement économique local. Ces critères complètent les objectifs classiques de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme mentionnés à l’article L. 750-1 du code de commerce. La décision souligne que ces mesures visent à assurer un rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en zone urbaine dense.
II. La préservation de la liberté d’entreprendre par un contrôle de proportionnalité
A. Le caractère non absolu des critères de refus Le Conseil constitutionnel précise que ces nouvelles exigences « se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l’appréciation globale des effets du projet ». L’autorisation ne peut être refusée que si le projet « compromet la réalisation » des objectifs d’aménagement fixés par la loi. La présence d’une friche disponible en centre-ville n’interdit pas systématiquement l’implantation en périphérie si d’autres motifs justifient le choix du site. Le demandeur conserve la possibilité de faire valoir les contraintes techniques ou commerciales rendant les friches existantes inadaptées à son exploitation.
B. La portée d’un examen global par l’administration L’atteinte à la liberté d’entreprendre est jugée proportionnée car la commission départementale doit effectuer une balance entre les différents critères légaux. Les dispositions relatives à l’emploi et à la vacance commerciale ne constituent pas des barrières infranchissables mais des outils d’aide à la décision. Le juge administratif exerce un contrôle sur ces appréciations pour éviter tout arbitraire ou protectionnisme économique injustifié dans le secteur commercial. Cette solution consacre une vision de l’urbanisme commercial où l’intérêt collectif de la cité prévaut sur les intérêts particuliers des investisseurs.