Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juin 2018 par des parlementaires d’un recours dirigé contre la loi relative à la protection du secret des affaires. Ce texte transpose en droit interne la directive européenne du 8 juin 2016 visant à protéger les savoir-faire et informations commerciales non divulgués. Les parlementaires requérants contestaient plusieurs articles du code de commerce introduits par cette réforme législative pour assurer la sécurité juridique des entreprises. Ils invoquaient notamment une méconnaissance de la liberté d’expression, de la liberté d’entreprendre et du principe de participation des travailleurs au sein des sociétés. La question centrale posée aux juges résidait dans la conciliation entre la protection de la confidentialité économique et le respect des droits fondamentaux constitutionnels. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 26 juillet 2018 sous le numéro 2018-768 DC. Il a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution sous certaines réserves d’interprétation et limites de contrôle.

I. L’encadrement du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition

A. La réaffirmation de l’exigence constitutionnelle de transposition

Le juge constitutionnel rappelle que la transposition d’une directive résulte d’une exigence fondée sur l’article 88-1 de la Constitution française. Cette obligation constitutionnelle limite l’étendue du contrôle exercé par les sages sur les dispositions législatives tirant les conséquences nécessaires de normes européennes. « La transposition d’une directive ou l’adaptation du droit interne à un règlement ne sauraient aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ». Cette formulation souligne la primauté de la Constitution nationale tout en reconnaissant la spécificité de l’ordre juridique de l’Union européenne.

B. L’immunité juridictionnelle des dispositions inconditionnelles et précises

Le Conseil refuse de contrôler la conformité de l’article L. 151-1 du code de commerce au regard de la liberté d’expression. Il estime que cette disposition se limite à reproduire les critères inconditionnels et précis définis par l’article 2 de la directive européenne précitée. « En l’absence de mise en cause d’une telle règle ou d’un tel principe, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution ». Cette position renforce l’efficacité du droit européen en évitant des censures nationales sur des points déjà arbitrés au niveau de l’Union.

II. La conciliation entre protection des secrets et libertés fondamentales

A. La proportionnalité des mesures de protection et des exceptions

La définition du secret des affaires repose sur trois critères cumulatifs dont le caractère raisonnable des mesures de protection mises en œuvre. Les requérants craignaient que cette exigence ne pénalise les structures économiques ne disposant pas de moyens techniques ou juridiques sophistiqués. Le juge précise que le législateur a prévu une appréciation des circonstances tenant compte des moyens réels dont dispose chaque entreprise concernée. « Le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour l’exercice de l’une des finalités ». Cette souplesse assure la validité constitutionnelle du dispositif face au grief de méconnaissance de la liberté d’entreprendre.

B. La garantie spécifique des droits des lanceurs d’alerte et des salariés

L’article L. 151-8 prévoit des dérogations essentielles pour les personnes révélant de bonne foi des activités illégales ou des comportements répréhensibles d’intérêt général. Cette exception bénéficie tant aux personnes physiques définies par la loi du 9 décembre 2016 qu’à toute autre personne agissant dans ces conditions. Le principe de participation des travailleurs est également préservé puisque les représentants du personnel conservent l’accès aux informations nécessaires à leur mission. « L’information obtenue ou divulguée légalement dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation peut être utilisée aux mêmes fins ». La décision confirme que le secret ne peut servir de bouclier contre la transparence nécessaire au bon fonctionnement d’une société démocratique.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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