Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 juillet 2011, une décision relative à la conformité de l’article 274 du code civil à la Constitution. Un justiciable a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité lors d’un litige portant sur l’exécution d’une prestation compensatoire. Le requérant contestait la faculté pour le juge aux affaires familiales d’ordonner l’attribution forcée d’un bien immobilier au profit de son conjoint. Cette mesure porterait selon lui une atteinte excessive au droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La question posée consistait à déterminer si une cession forcée pour le paiement d’une dette civile constituait une privation de propriété interdite. Les sages ont jugé la disposition conforme sous réserve d’interprétation stricte quant à la subsidiarité de cette modalité d’exécution particulière. L’analyse portera d’abord sur la qualification juridique de l’atteinte avant d’étudier les conditions de la conciliation opérée par le juge constitutionnel.
I. La qualification juridique de l’atteinte au droit de propriété
A. L’exclusion de la privation de propriété au sens de l’article 17
Le Conseil constitutionnel écarte d’abord l’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 pour privilégier le cadre général de l’article 2. Il considère que l’attribution forcée « n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 » car elle constitue une modalité de paiement. La décision précise que cette mesure tend à assurer la conciliation entre les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs de l’obligation. Le transfert de propriété résulte ici d’une dette judiciairement constatée et non d’une nécessité publique imposée par la puissance administrative. Les juges soulignent que l’exécution forcée sur les biens du débiteur participe de l’effectivité des créances civiles et commerciales légalement établies. Cette qualification juridique permet d’éviter la rigueur de la juste et préalable indemnité exigée pour les cas d’expropriation publique.
B. L’encadrement des limites à l’exercice du droit de propriété
L’atteinte est examinée sous l’angle des restrictions apportées à l’exercice de la propriété, conformément aux principes de l’article 2 de la Déclaration. Le Conseil rappelle que ces limites « doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi » par le législateur. Le juge constitutionnel vérifie que le législateur a respecté un équilibre raisonnable entre les prérogatives du propriétaire et les intérêts des tiers. Cette approche permet de valider le principe de la cession forcée tout en soumettant sa validité à la finalité sociale du divorce. La légitimité de la mesure dépend directement de l’objectif de protection attaché au règlement des conséquences financières de la séparation.
II. La conciliation proportionnée entre droit de propriété et protection du conjoint
A. La légitimité de l’objectif d’intérêt général poursuivi
Le législateur a entendu faciliter la constitution d’un capital pour régler définitivement les effets pécuniaires résultant de la séparation des époux. L’objectif est de « garantir la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorisée » après la rupture du lien matrimonial. La volonté de limiter les contentieux postérieurs au prononcé du divorce constitue un motif d’intérêt général suffisant pour justifier une telle mesure. Cette finalité sociale permet d’autoriser une atteinte au patrimoine du débiteur afin d’assurer l’effectivité immédiate du versement de la prestation due. L’attribution d’un bien en propriété permet en effet d’éteindre la dette sans dépendre de la solvabilité future de l’intéressé.
B. Le caractère subsidiaire de l’attribution forcée du bien
Le Conseil constitutionnel assortit sa déclaration de conformité d’une réserve impérative limitant le pouvoir d’appréciation du juge aux affaires familiales. L’atteinte n’est proportionnée que si elle constitue une « modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital » selon les termes du juge. Le magistrat peut ordonner la cession seulement si le versement d’une somme d’argent n’apparaît pas suffisant pour garantir le paiement intégral. Cette exigence de subsidiarité protège le droit de propriété en imposant une hiérarchie stricte entre les différents modes d’exécution de la créance. Le respect de la Constitution dépend désormais de la démonstration par le juge du fond de l’insuffisance des autres garanties de paiement.