Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 22 septembre 2010, se prononce sur la conformité de dispositions relatives aux cessions gratuites de terrains. À l’occasion d’un litige administratif, une partie conteste l’obligation de céder gratuitement une fraction de sa propriété foncière aux autorités publiques locales. Cette exigence intervient lors de la délivrance d’un permis de construire pour la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces de construction.

La question prioritaire de constitutionnalité est transmise par le Conseil d’État afin de vérifier la validité de l’article litigieux du code de l’urbanisme. La requérante soutient que l’absence d’indemnisation pour cette cession forcée méconnaît les principes fondamentaux régissant la propriété et les libertés publiques constitutionnelles. Le problème juridique porte sur la capacité du législateur à déléguer aux communes un pouvoir d’appréciation étendu sans définir les garanties nécessaires.

Le Conseil constitutionnel censure la disposition car le législateur n’a pas épuisé sa propre compétence pour encadrer cette atteinte au droit de propriété. Cette analyse impose d’étudier d’abord le constat d’une méconnaissance de la compétence législative puis d’envisager la protection rigoureuse du droit de propriété.

I. Le constat d’une méconnaissance de la compétence législative

A. L’insuffisance du cadre légal des cessions

Le législateur permettait d’imposer aux constructeurs des « cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics » sans plus de précision. Cette rédaction laissait à l’administration un « plus large pouvoir d’appréciation » sur l’application de la contrainte sans fixer de limites matérielles claires. L’imprécision de la loi concernant la destination des terrains cédés rendait la mesure arbitraire et imprévisible pour les bénéficiaires des autorisations d’urbanisme.

B. La sanction de l’incompétence négative

L’incompétence négative est soulevée lorsque le législateur ne détermine pas suffisamment les règles dont la Constitution lui a confié la définition exclusive. En l’espèce, le juge constitutionnel rappelle que « la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété » conformément à l’article 34. Le défaut d’encadrement législatif des usages publics affectés aux terrains constitue ici un manquement direct à cette obligation de compétence législative intégrale.

II. La protection rigoureuse du droit de propriété

A. La méconnaissance des garanties constitutionnelles

La décision réaffirme la valeur fondamentale de l’article 17 de la Déclaration de 1789 protégeant la propriété comme un « droit inviolable et sacré ». L’absence d’une « juste et préalable indemnité » pour le propriétaire lésé par la cession gratuite contrevient frontalement aux exigences de ce texte constitutionnel. Aucune disposition législative n’instituait de garanties suffisantes pour prévenir une spoliation injustifiée au profit de la collectivité publique sans contrepartie financière réelle.

B. La portée de l’abrogation de la norme

La déclaration d’inconstitutionnalité entraîne l’abrogation immédiate du texte, privant ainsi les autorités locales de la possibilité d’exiger de telles contributions gratuites. Cette sanction peut être invoquée dans toutes les instances en cours dont l’issue dépend de l’application de ces dispositions désormais frappées d’invalidité. Le juge constitutionnel impose ainsi au Parlement de redéfinir un cadre respectueux des équilibres entre les nécessités de l’aménagement et les libertés individuelles.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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