Par une décision rendue le 7 mai 2025, le Conseil d’État précise les modalités d’application du dispositif de maintien de la valeur locative des immobilisations industrielles. Ce litige concerne la détermination de la base d’imposition à la taxe foncière après une restructuration complexe impliquant un apport d’actifs suivi d’une cession.
Une société a conclu un contrat pour céder son activité de production à un tiers acquéreur n’appartenant pas à son groupe d’origine. Pour les besoins de cette opération, elle a d’abord apporté ses établissements industriels à une filiale dédiée avant de céder immédiatement ses titres.
La société requérante a sollicitée la réduction de ses cotisations foncières devant le tribunal administratif de Marseille au titre des années deux mille quatorze à deux mille dix-huit. Par trois jugements du 22 mars 2024, cette juridiction a rejeté les demandes tendant à l’application d’un abattement sur la valeur locative des immeubles.
Le tribunal administratif estimait que le premier apport entre sociétés liées constituait une opération distincte justifiant légalement le maintien intégral de l’évaluation fiscale précédente. Le Conseil d’État doit déterminer si une succession d’opérations planifiées pour aboutir à une cession externe doit être qualifiée d’opération unique par l’administration.
La Haute Juridiction censure le raisonnement des premiers juges en affirmant que ces étapes forment un tout indivisible pour l’application de la règle de droit. La solution retenue considère que les actes s’inscrivent dans une opération globale de cession d’établissement entre deux entreprises non liées au sens du code.
I. L’identification d’une opération globale de cession d’établissement
A. La prééminence de la finalité économique de la restructuration
Le Conseil d’État s’attache à la finalité de l’opération en relevant que les étapes successives s’inscrivaient nécessairement dans le cadre d’une cession à un tiers. Le traité d’apport prévoyait expressément que la transmission des actifs était réalisée pour les besoins exclusifs de la vente ultérieure de la branche d’activité industrielle.
Cette interprétation repose sur l’existence d’un contrat de cession initial liant l’ensemble du processus de restructuration à une volonté unique de transfert de propriété. Les juges soulignent que l’apport à une filiale intermédiaire ne constituait qu’une modalité technique préalable et indispensable à la réalisation effective de la vente globale.
B. La censure de la décomposition artificielle des étapes juridiques
En jugeant que l’apport et la cession constituaient deux opérations distinctes, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de qualification juridique des faits. La Haute Juridiction estime que ces actes « doivent être analysés comme une opération unique de cession d’établissement » au sens de l’article 1518 B du code.
L’analyse globale l’emporte sur l’approche segmentée des étapes contractuelles afin de garantir une application de la loi fiscale conforme à la réalité des transferts. Cette qualification unitaire permet d’écarter les conséquences fiscales qui auraient résulté d’une simple transmission interne au groupe sans changement de contrôle final de l’activité.
II. Le régime du plancher de valeur locative applicable à la cession
A. L’exclusion du maintien intégral de la valeur d’imposition
Le régime d’exception imposant le maintien à cent pour cent de la valeur locative ne s’applique qu’en présence d’un contrôle direct ou indirect entre entreprises. Puisque l’opération finale concerne deux entités non liées, le juge écarte les dispositions restrictives prévues aux onzième et douzième alinéas de l’article 1518 B précité.
L’absence de lien de dépendance entre le cédant initial et l’acquéreur final justifie que l’on ne puisse pas figer indéfiniment la valeur locative des immobilisations. Le Conseil d’État refuse de pénaliser la société pour une organisation juridique intermédiaire n’ayant pas modifié la nature foncière de l’opération de cession externe.
B. La consécration du seuil légal des quatre cinquièmes
Dès lors que la cession intervient entre deux entreprises indépendantes, la valeur locative ne peut être inférieure « aux quatre cinquièmes de son montant avant l’opération ». Ce plancher de protection s’applique à l’ensemble des établissements industriels directement concernés par la cession dès lors que leur valeur était déjà régulièrement imposée.
Le Conseil d’État règle l’affaire au fond en accordant la décharge partielle des impositions excédant ce plancher légal pour les exercices fiscaux en litige. Cette décision harmonise le traitement fiscal des restructurations complexes en privilégiant la situation juridique finale des parties par rapport aux étapes techniques de réalisation.