2ème chambre du Conseil d’État, le 22 juillet 2025, n°500890

Le Conseil d’État a rendu, le 22 juillet 2025, une décision portant sur la suspension d’une opposition à une déclaration préalable de travaux de téléphonie. Par un arrêté du 6 septembre 2024, le maire d’une commune s’est opposé à l’implantation d’un pylône et d’antennes relais sur son territoire. La société pétitionnaire a sollicité la suspension de cet acte devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice sur le fondement de l’urgence. Par une ordonnance n° 2406922 du 9 janvier 2025, ce magistrat a rejeté la requête en estimant que la condition d’urgence n’était pas satisfaite. La requérante soutient devant la juridiction suprême que cette appréciation est entachée d’une erreur de droit quant à l’existence d’une solution technique alternative. Le Conseil d’État devait décider si la possibilité d’un autre emplacement permet d’écarter l’urgence malgré l’intérêt public attaché à la couverture du réseau. La haute juridiction censure l’ordonnance attaquée et rappelle que l’urgence s’apprécie au regard du projet spécifique déposé par l’opérateur de téléphonie mobile.

I. Une conception protectrice de la condition d’urgence

A. L’erreur de droit relative à l’existence d’une solution alternative

Le Conseil d’État sanctionne la motivation du juge du fond qui reposait sur « l’éventualité d’une solution alternative que la société requérante n’entendait pas retenir ». Cette approche méconnaissait l’objet du litige qui portait exclusivement sur la légalité de l’opposition au projet précis faisant l’objet de la déclaration. La Haute Assemblée souligne que le juge des référés ne peut légalement substituer son appréciation de l’opportunité technique à celle choisie par l’opérateur économique. En fondant son refus d’urgence sur une hypothétique implantation différente, le magistrat a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son ordonnance.

B. La prééminence de l’intérêt public attaché à la couverture numérique

Statuant au fond, le juge considère que l’urgence « doit être, en l’espèce, regardée comme remplie » au regard de la situation concrète de la commune. Il invoque « l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile » et les engagements souscrits par l’opérateur. La circonstance, non contestée par la commune, que le territoire ne soit que partiellement couvert par le réseau de la requérante caractérise l’urgence. Cette solution confirme une jurisprudence établie privilégiant la célérité du déploiement des infrastructures numériques face aux obstacles administratifs locaux qui ralentissent l’intérêt général.

II. Un contrôle étroit de la légalité de l’opposition municipale

A. Le doute sérieux sur la méconnaissance des règles d’urbanisme

Le Conseil d’État identifie plusieurs moyens susceptibles de faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision d’opposition prise par le maire. Il écarte l’argumentation municipale fondée sur la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme relatives à la qualité architecturale, environnementale et paysagère. Les juges estiment que le projet de pylône ne porte pas une atteinte manifestement excessive aux sites ou aux paysages environnants au sens du règlement. Cette analyse limite la marge de manœuvre des autorités locales qui tentent d’utiliser des motifs esthétiques pour empêcher l’implantation d’équipements de communication électronique.

B. L’illégalité du motif tiré de la supériorité d’un projet alternatif

La décision censure également le motif par lequel le maire estimait « qu’un projet alternatif présentait des avantages supérieurs » à celui proposé par la société. Le juge réaffirme que le contrôle de l’administration se limite à la conformité du projet avec les règles d’urbanisme et non à son opportunité. L’existence d’un autre site possible ne permet pas légalement de s’opposer à une déclaration préalable si celle-ci respecte les prescriptions en vigueur. Le Conseil d’État enjoint donc à la commune de reprendre l’instruction du dossier initial afin de prendre une nouvelle décision sous un délai d’un mois.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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