Tribunal judiciaire de Montargis, le 19 juin 2025, n°25/00054

L’ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Montargis le 19 juin 2025 offre l’occasion d’examiner le mécanisme du désistement d’instance en matière de référé. Une société commerciale avait assigné une société civile immobilière devant le juge des référés. L’affaire, appelée une première fois le 15 mai 2025, avait fait l’objet d’un renvoi. À l’audience du 19 juin 2025, le demandeur a déclaré se désister de son instance. Le défendeur, régulièrement assigné, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

La procédure s’est déroulée de manière linéaire. La société demanderesse a introduit l’instance par acte du 25 avril 2025. Après un renvoi, elle a manifesté sa volonté de renoncer à poursuivre la procédure engagée. Le juge des référés a alors donné acte de ce désistement, constaté le dessaisissement de la juridiction et mis les dépens à la charge du demandeur. La décision a été rendue par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort.

La question posée au juge des référés était de déterminer les conditions et les effets du désistement d’instance unilatéralement déclaré par le demandeur, en l’absence du défendeur à l’audience.

Le juge a retenu que « le demandeur a déclaré se désister de son instance » et qu’il convenait de « constater son désistement ». Cette solution conduit à examiner les conditions du désistement d’instance en référé (I), avant d’en apprécier les effets procéduraux (II).

I. Les conditions du désistement d’instance en référé

Le désistement d’instance suppose une manifestation de volonté non équivoque du demandeur (A), dont la validité dépend de l’état de la procédure et de l’attitude du défendeur (B).

A. La manifestation de volonté du demandeur

Le désistement d’instance constitue un acte unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre la procédure qu’il a engagée. L’article 394 du Code de procédure civile dispose que le demandeur peut se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance. Cette faculté traduit le principe dispositif gouvernant le procès civil. Les parties demeurent maîtresses de l’instance qu’elles ont introduite.

En l’espèce, la société demanderesse a « déclaré se désister de son instance » à l’audience du 19 juin 2025. Cette déclaration orale devant le juge satisfait aux exigences de forme. Le désistement n’est soumis à aucun formalisme particulier. Il peut résulter d’une déclaration verbale à l’audience, consignée par le greffier. La volonté exprimée apparaît dépourvue d’ambiguïté. Le juge n’avait pas à rechercher les motifs de ce désistement, lesquels demeurent sans incidence sur sa validité.

B. L’absence d’acceptation requise du défendeur

L’article 395 du Code de procédure civile prévoit que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf lorsque celui-ci n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. Cette règle vise à protéger le défendeur qui aurait intérêt à obtenir une décision sur le fond, notamment pour bénéficier de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance relève que le défendeur était « non comparant, non représenté ». L’absence de comparution implique nécessairement l’absence de toute défense. Le désistement pouvait donc produire ses effets sans acceptation. Le juge a logiquement constaté le désistement sans avoir à recueillir l’assentiment de la partie défaillante. La procédure de référé, caractérisée par la célérité, se prête particulièrement à cette solution. La décision réputée contradictoire atteste que le défendeur avait été régulièrement convoqué mais n’avait pas jugé utile de se présenter.

II. Les effets procéduraux du désistement d’instance

Le désistement emporte dessaisissement du juge (A) et règlement de la charge des dépens (B).

A. Le dessaisissement de la juridiction

L’article 398 du Code de procédure civile énonce que le désistement d’instance éteint l’instance. Cette extinction opère ab initio. L’instance est réputée n’avoir jamais existé. Le juge perd tout pouvoir juridictionnel sur l’affaire. Il ne peut que constater ce dessaisissement, ce qui constitue une mesure d’administration judiciaire.

Le juge des référés de Montargis a expressément constaté « le dessaisissement de la juridiction ». Cette formule traduit fidèlement l’effet extinctif du désistement. L’ordonnance ne tranche aucune contestation au fond. Elle se borne à prendre acte d’une situation procédurale. Le désistement d’instance ne vaut pas désistement d’action. L’article 399 du Code de procédure civile rappelle que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action. La société demanderesse conserve la faculté d’introduire une nouvelle instance sur le même fondement. Cette distinction revêt une importance pratique considérable. Le litige sous-jacent demeure entier.

B. La charge des dépens

L’article 399 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de son auteur à payer les frais de l’instance éteinte. Cette règle procède d’une logique d’équité. Celui qui renonce à poursuivre une procédure qu’il a lui-même engagée doit en supporter les conséquences financières.

L’ordonnance « laisse les dépens à la charge de la partie demanderesse ». Cette solution constitue l’application pure et simple du texte. Aucune convention n’avait été conclue entre les parties, le défendeur n’ayant pas comparu. Les dépens comprennent notamment les frais d’acte d’huissier pour l’assignation. La charge financière demeure toutefois modeste au regard de la brièveté de la procédure. Un seul acte avait été signifié et une seule audience s’était tenue avant le renvoi. Le prononcé d’une décision réputée contradictoire exclut les frais de signification de l’ordonnance.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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