La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 4 juillet 2024, précise les modalités du contrôle de transparence des clauses contractuelles abusives. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels du secteur bancaire pour des clauses de taux plancher. Une association de consommateurs contestait la validité de ces stipulations insérées dans une multitude de contrats de prêt hypothécaire conclus sur plusieurs décennies. Saisi de l’affaire, le Tribunal suprême d’Espagne a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation de la directive 93/13. La question centrale portait sur la compatibilité d’un contrôle de transparence global avec l’exigence habituelle d’un examen des circonstances individuelles de chaque contrat. Le juge européen valide ce contrôle collectif en fondant son raisonnement sur la protection effective du consommateur et la similarité des stipulations contractuelles litigieuses. La solution repose sur la figure du consommateur moyen tout en précisant l’influence du temps sur la perception collective des engagements financiers souscrits.
I. L’admission d’un contrôle de transparence de nature collective
A. Le dépassement de l’exigence d’une analyse contractuelle individuelle
Le juge européen autorise l’examen de la transparence d’une clause au sein d’une action de groupe visant une pluralité d’établissements de crédit nationaux. Cette approche simplifie le contentieux de masse en évitant la multiplication de procédures individuelles portant sur des stipulations contractuelles identiques ou techniquement analogues. La Cour estime que les dispositions européennes « permettent à une juridiction nationale de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle ». L’efficacité de la protection des consommateurs justifie ainsi une appréciation globale lorsque les clauses litigieuses présentent une similitude suffisante pour le juge.
B. La consécration du standard du consommateur moyen comme référence unique
La décision confirme le recours à la figure du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, pour apprécier la clarté d’une stipulation. Ce standard abstrait permet de stabiliser le contrôle judiciaire dans le cadre d’actions collectives impliquant des milliers de rapports contractuels distincts et complexes. Le juge ne doit pas rechercher la perception subjective de chaque emprunteur mais l’intelligibilité objective de l’obligation financière souscrite par le public visé. Cette méthode garantit une égalité de traitement entre les justiciables tout en offrant une sécurité juridique nécessaire aux professionnels du secteur économique concerné.
II. L’encadrement temporel de l’appréciation du caractère abusif
A. La prise en compte de l’évolution de la perception sociale
L’intervention d’un événement objectif ou d’un fait notoire peut modifier la compréhension globale qu’a le public d’une modalité financière particulièrement technique ou inhabituelle. Le juge national dispose de la faculté d’intégrer ces changements de perception collective lorsqu’une clause a été utilisée pendant une période de temps très longue. Cette souplesse permet d’ajuster le standard du consommateur moyen à la réalité économique et à l’information disponible sur le marché au fil des ans. L’analyse doit néanmoins rester centrée sur la capacité réelle du public à mesurer les conséquences économiques découlant de l’application immédiate de la clause.
B. Le maintien de l’analyse au jour de la souscription du contrat
La Cour rappelle impérativement que la transparence s’apprécie de manière exclusive « au moment de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire » par les parties. Les informations obtenues postérieurement par le consommateur ne sauraient régulariser une clause initialement obscure ou trompeuse lors de la signature de l’acte de prêt. Cette règle fondamentale protège l’équilibre contractuel en figeant l’examen de la loyauté des professionnels à la date précise de l’échange des consentements éclairés. La portée de cet arrêt renforce ainsi l’effectivité du droit de la consommation tout en encadrant strictement les pouvoirs d’appréciation du juge national.