Cour de justice de l’Union européenne, le 27 septembre 2012, n°C-392/11

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 27 septembre 2012, une décision portant sur l’interprétation de la directive relative au système commun de taxe. Une société d’avocats a conclu un bail commercial pour l’occupation de bureaux à Londres, prévoyant le paiement de loyers et de charges locatives obligatoires. Ces charges comprenaient le chauffage, le nettoyage des parties communes et le gardiennage du bâtiment, sous peine de résiliation du bail en cas d’impayé. Le preneur a sollicité le remboursement de la taxe afférente à ces services, estimant qu’ils constituaient des opérations distinctes de la location immobilière exonérée. L’administration fiscale a rejeté cette demande en soutenant l’existence d’une prestation unique globale partageant le régime d’exonération de l’activité principale. Saisi du litige, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) du Royaume-Uni a décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour par voie de question préjudicielle. La juridiction de renvoi souhaite déterminer si la location d’un immeuble et les prestations liées doivent être analysées comme une opération unitaire. Les juges européens ont considéré que ces éléments forment une prestation globale lorsque le lien économique entre eux rend leur décomposition artificielle. L’étude de cette solution suppose d’analyser l’identification d’une prestation économique unique avant d’en envisager les conséquences sur le régime d’exonération.

I. L’identification d’une prestation économique unique par le juge européen

A. Le critère de l’indissociabilité des services liés à la location

La Cour rappelle que chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte, conformément au principe général d’autonomie des opérations fiscales. Néanmoins, elle précise qu’une opération doit être regardée comme unique lorsque plusieurs éléments sont « si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ». En l’espèce, l’obtention des services de chauffage ou de gardiennage ne semble pas constituer une fin en soi pour le locataire moyen de surfaces commerciales. Ces prestations représentent plutôt le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal de mise à disposition des locaux professionnels. Le contenu du bail constitue un indice important pour apprécier la raison économique globale poursuivie par les parties lors de la signature de la convention.

B. L’influence des clauses contractuelles sur la qualification fiscale

La décision souligne que la faculté de résiliation du bail pour défaut de paiement des charges constitue un indice fort militant pour l’unité de l’opération. Cette clause renforce le lien fonctionnel entre l’occupation du bien et les services fournis obligatoirement par le bailleur selon les stipulations contractuelles. À l’inverse, la possibilité théorique pour un tiers de fournir certains services ne permet pas d’écarter systématiquement la qualification de prestation unique complexe. La Cour affirme en effet que la faculté de fournir isolément des éléments d’une prestation est « inhérente au concept d’opération unique composée » sans en modifier la nature. Les conditions concrètes de mise en œuvre l’emportent ainsi sur les simples hypothèses juridiques de délégation des tâches de nettoyage ou de maintenance. La caractérisation de cette unité économique par le juge communautaire emporte des conséquences directes sur le régime fiscal applicable à l’opération.

II. Les conséquences du régime de la prestation unique sur l’exonération

A. L’alignement du sort fiscal des accessoires sur la prestation principale

Lorsqu’une opération comprend plusieurs éléments, les prestations accessoires doivent nécessairement partager le régime fiscal applicable à la prestation principale dont elles dépendent. La location de biens immeubles bénéficie d’une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, sauf exercice d’un droit d’option pour la taxation par l’assujetti. Puisque les services liés sont perçus comme des compléments indispensables à la location, ils entrent dans le champ d’application de cette même exonération générale. Cette solution évite une ventilation complexe et arbitraire des coûts qui altérerait la fonctionnalité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée. L’unité économique de l’opération commande alors une unité de traitement fiscal afin de respecter la cohérence globale de la consommation du service proposé.

B. La mission d’appréciation factuelle dévolue à la juridiction nationale

Il appartient souverainement au juge national de déterminer si l’assujetti fournit une prestation unique en fonction des circonstances particulières de chaque espèce soumise. La Cour de justice se limite à fournir les critères d’interprétation utiles sans procéder elle-même à la qualification définitive des faits du litige principal. Le tribunal devra vérifier si les opérations sont à ce point liées entre elles qu’elles doivent être regardées comme constituant une prestation unique de location. Dans l’hypothèse où certaines prestations seraient jugées indépendantes, une ventilation des charges globales deviendrait alors nécessaire pour distinguer la part soumise à la taxe. Cette répartition garantit que seul le service réellement autonome soit grevé de l’impôt tandis que les accessoires demeurent liés au sort de l’immeuble.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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