Cour de justice de l’Union européenne, le 17 décembre 2015, n°C-605/14

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 17 décembre 2015, se prononce sur l’interprétation du règlement concernant la compétence judiciaire. Ce litige concerne l’application de la compétence exclusive «en matière de droits réels immobiliers» pour une action en dissolution de copropriété indivise. Plusieurs personnes résidant en Finlande détiennent en commun la propriété de deux immeubles situés sur le territoire espagnol. Certaines copropriétaires sollicitent la désignation d’un mandataire pour vendre les biens afin de mettre fin au rapport de copropriété. Le tribunal de première instance de la Savonie méridionale se déclare compétent le 9 octobre 2012 et accueille la requête initiale. La cour d’appel de Finlande orientale annule cette décision le 7 mai 2013 en retenant la compétence exclusive des tribunaux espagnols. La Cour suprême de Finlande interroge alors la juridiction européenne sur la qualification juridique exacte de l’action engagée par les demanderesses. La question préjudicielle porte sur l’inclusion d’une dissolution de copropriété par vente forcée dans la catégorie des droits réels immobiliers. Le juge européen affirme que l’article 22, point 1, du règlement doit être interprété de manière à inclure une telle action. L’analyse de cette solution invite à examiner la qualification réelle de l’action avant d’étudier les justifications liées à la bonne administration de la justice.

**I. Une qualification fondée sur la nature réelle de l’action en dissolution**

**A. L’interprétation autonome et restrictive de la notion de droit réel**

L’expression «en matière de droits réels immobiliers» doit être déterminée de manière autonome au sein du droit de l’Union européenne. Cette disposition déroge au principe du domicile du défendeur et appelle une interprétation ne devant pas être «plus étendue que ne le requiert son objectif». En effet, la Cour refuse d’étendre ce for exceptionnel à l’ensemble des actions immobilières afin de garantir la sécurité juridique des parties.

**B. La reconnaissance d’une action tendant au transfert de la propriété**

La juridiction distingue le droit réel du droit personnel par son opposabilité absolue et son lien direct avec une chose corporelle. L’action en dissolution de l’indivision affecte l’étendue et la propriété même du bien immobilier situé sur le territoire d’un État membre. Ainsi, elle constitue une action tendant à «assurer aux titulaires de ces droits la protection des prérogatives qui sont attachées à leur titre».

La nature réelle de l’action étant établie, il convient d’apprécier les objectifs fonctionnels justifiant ce privilège de juridiction territoriale.

**II. Une solution guidée par l’objectif de bonne administration de la justice**

**A. La supériorité du for de situation de l’immeuble pour les vérifications matérielles**

Le tribunal de situation est «le mieux à même, compte tenu de la proximité, d’avoir une bonne connaissance des situations de fait». L’appréciation du caractère divisible d’un immeuble lors d’un partage nécessite une connaissance précise des configurations matérielles et des règles foncières locales. Toutefois, cette compétence exclusive garantit une bonne administration de la justice en confiant le litige au juge le plus proche des réalités matérielles.

**B. La portée de la décision sur la protection des prérogatives réelles**

Le transfert de propriété envisagé doit respecter les modalités de publicité foncière régies par la loi de l’État de situation du bien. L’existence d’un droit d’usage inscrit au registre foncier étranger impose la prise en compte des procédures spécifiques de cet État membre. Enfin, l’arrêt confirme la primauté du critère matériel pour les litiges susceptibles de produire des effets directs sur le statut juridique des immeubles.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture