La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 19 juin 2025, une décision relative au régime juridique des sections de commune et aux pouvoirs du juge de plein contentieux. Une exploitante agricole contestait le refus du maire de lui attribuer plusieurs parcelles pastorales dépendant d’une section de commune sur le fondement du code général des collectivités territoriales. Le tribunal administratif de Montpellier avait rejeté sa demande en 2022, estimant que le litige relevait du plein contentieux et que les moyens de légalité externe étaient inopérants. La requérante soutenait en appel que le maire était incompétent, que la décision manquait de motivation et que les conditions d’attribution étaient illégalement interprétées. La cour devait déterminer si le refus d’attribution pouvait être maintenu malgré l’illégalité du motif initial tiré de l’absence d’autorisation préalable d’exploiter. Les juges confirment la nature du litige, censurent le raisonnement de l’administration sur le droit rural, mais valident le rejet par une substitution de motifs.
I. La détermination du cadre juridique applicable à l’attribution des biens sectionnaux
A. L’affirmation de la compétence de pleine juridiction
La cour administrative d’appel de Toulouse confirme la solution des premiers juges quant à la nature du recours formé contre le refus d’attribution de parcelles. Elle rappelle avec fermeté que « les contestations qui peuvent s’élever au sujet du mode de partage ou de jouissance des biens communaux relèvent du plein contentieux ». Cette qualification juridique implique que le juge ne se borne pas à sanctionner l’illégalité de l’acte à sa date de signature. Il doit statuer sur l’existence même du droit de la requérante à obtenir l’usage des terres sollicitées au moment où il rend sa propre décision.
Cette office particulier du juge entraîne des conséquences directes sur la structure de l’argumentation que les parties peuvent utilement soulever devant la juridiction administrative. Puisque la demande tend à la reconnaissance d’un droit, les moyens relatifs aux vices propres de la décision administrative initiale deviennent inopérants pour le demandeur. La cour précise ainsi que les critiques portant sur « l’incompétence de l’auteur de la décision contestée et du défaut de motivation » ne peuvent pas entraîner l’annulation du refus. L’analyse se déplace donc nécessairement vers les conditions de fond fixées par le code général des collectivités territoriales pour l’accès aux biens de la section.
B. La censure de l’exigence d’une autorisation d’exploiter préalable
Le litige permet à la juridiction d’apporter une précision chronologique essentielle sur l’articulation entre le droit des sections de commune et le contrôle des structures agricoles. Le maire avait initialement fondé son refus sur le fait que la pétitionnaire n’avait pas encore obtenu l’autorisation d’exploiter prévue par le code rural. La cour juge que cette interprétation est erronée car les dispositions législatives « n’exigent pas que cette autorisation soit délivrée au pétitionnaire avant que l’autorité compétente ne choisisse l’attributaire ». L’administration ne peut donc pas exiger la production d’un tel document au stade de l’examen de la recevabilité de la demande de l’exploitant.
Cette solution préserve la logique de la procédure d’attribution en reportant la vérification de l’autorisation d’exploiter au moment de la conclusion effective du bail rural. Le juge souligne que le maire a « méconnu l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales » en imposant une condition prématurée qui ferait obstacle à toute installation nouvelle. L’illégalité du motif initial est ainsi clairement établie, ce qui devrait en principe conduire à l’annulation de la décision administrative contestée. La nature de plein contentieux du recours permet toutefois au juge d’exercer un pouvoir de régularisation a posteriori pour maintenir la solution de rejet.
II. La mise en œuvre de la substitution de motifs par le juge du plein contentieux
A. Les conditions procédurales du pouvoir de substitution
La décision illustre le mécanisme de la substitution de motifs, lequel permet au juge administratif de remplacer un fondement illégal par un fondement juridiquement correct. Cette faculté est subordonnée au respect de garanties strictes afin de ne pas léser les droits de la défense de la partie requérante. Le juge vérifie que l’autorité administrative a expressément sollicité cette substitution au cours de l’instruction et que « le demandeur a été mis en mesure de présenter ses observations ». En l’espèce, la commune avait fait valoir que l’intéressée ne justifiait pas de sa qualité de membre de la section.
L’exercice de ce pouvoir de substitution transforme le juge de la légalité en un véritable administrateur statuant sur le bien-fondé de la demande initiale. Cette technique permet de gagner en efficacité juridictionnelle en évitant une annulation qui serait suivie d’une nouvelle décision de rejet identique sur un autre fondement. La cour s’assure toutefois que cette opération ne prive pas la justiciable d’une « garantie procédurale liée au motif substitué », respectant ainsi l’équilibre entre célérité et protection. Une fois ces conditions remplies, le juge procède à l’examen minutieux de la situation géographique et matérielle de l’exploitation pour vérifier la qualité de l’attributaire.
B. La rigueur de l’identification de la qualité de membre de la section
La reconnaissance du droit à l’attribution prioritaire dépend de critères territoriaux stricts liés au domicile réel et à la présence de bâtiments d’exploitation sur le territoire. La cour opère une distinction nette entre le périmètre d’un hameau et celui, plus restreint ou différent, de la section de commune en tant que personne morale. Elle relève que les documents produits « ne suffisent pas à établir […] qu’elle aurait son domicile réel et fixe […] sur le territoire de la section de commune ». La simple mention d’une adresse faisant référence au nom de la section ne constitue pas une preuve suffisante.
L’analyse de la cour se fonde sur l’absence de concordance entre les parcelles utilisées par l’exploitante et celles appartenant officiellement au patrimoine de la section. Le juge refuse de se contenter d’attestations ou de certificats administratifs généraux pour valider la qualité de membre de la section de commune au sens du droit public. En constatant que la requérante ne remplit pas les conditions d’attribution prévues par la loi, la juridiction valide la décision de rejet malgré l’erreur de droit initiale. Ce faisant, elle rappelle que l’accès aux biens sectionnaux demeure un privilège strictement réservé aux habitants dont l’ancrage territorial est parfaitement démontré.