La Cour administrative d’appel de Toulouse a rendu une décision le 10 juin 2025 concernant les indemnités de résiliation d’un contrat de concession. Un syndicat mixte avait été chargé par une commune de la conception et de la gestion d’un camping pour une durée de quarante-cinq ans. Après avoir délégué l’exploitation à une société tierce, le concessionnaire a décidé de résilier prématurément la convention liant les deux personnes publiques. Le syndicat mixte a sollicité le versement d’une somme importante au titre d’une clause contractuelle prévoyant le remboursement forfaitaire des investissements réalisés. Le tribunal administratif a rejeté cette demande indemnitaire en première instance avant que le concessionnaire ne saisisse la juridiction d’appel pour obtenir satisfaction. Le juge devait déterminer si une clause prévoyant une indemnité forfaitaire de résiliation est licite lorsqu’elle déroge aux principes de calcul de la valeur nette comptable. La juridiction rejette la requête en considérant que les stipulations contractuelles sont illicites et que le préjudice réel lié aux biens de retour n’est pas établi. L’examen de la validité des clauses de rupture précédera l’étude des conditions de preuve nécessaires à l’indemnisation des investissements non amortis.
I. L’illicéité des stipulations contractuelles relatives aux modalités de rupture
A. La prohibition de la résiliation unilatérale pour un contrat de service public
Le juge administratif rappelle fermement qu’un cocontractant de l’administration ne dispose pas du droit de rompre unilatéralement ses engagements pour se soustraire à ses obligations. Selon l’arrêt, « le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution » malgré les éventuels manquements de l’autorité. Une exception est admise pour les contrats n’ayant pas pour objet l’exécution même du service public, sous réserve d’un préavis permettant à l’administration de s’y opposer. En l’espèce, la convention portait directement sur l’exploitation d’un service public de camping-caravaning, interdisant ainsi toute faculté de résiliation unilatérale au profit du concessionnaire. La clause contractuelle offrant ce pouvoir sans motif d’intérêt général est déclarée illicite car elle méconnaît les exigences fondamentales de continuité du service public délégué. L’irrégularité de cette stipulation contraint le juge à écarter le terrain contractuel pour statuer sur les droits à indemnité du syndicat mixte auteur de la rupture.
B. L’encadrement impératif du montant de l’indemnisation des biens de retour
Les parties à un contrat administratif peuvent déterminer les modalités d’indemnisation sous réserve de ne pas allouer une somme excédant le montant du préjudice réellement subi. La décision précise qu’une indemnité ne saurait constituer « une libéralité au détriment d’une personne publique » en couvrant des dépenses déjà amorties par l’exploitation passée. Le régime des biens de retour impose que l’indemnité soit égale à la valeur nette comptable inscrite au bilan ou résultant d’un amortissement sur la durée contractuelle. Si une dérogation conventionnelle est possible entre une personne publique et une personne privée, elle est strictement interdite lorsque le concessionnaire est lui-même une personne publique. La clause litigieuse prévoyait un remboursement indexé ne tenant compte ni de la réalité des investissements ni de leur durée d’amortissement effective par le délégataire. L’illicéité des règles d’indemnisation prévues par le contrat de concession conduit le juge à appliquer les règles générales régissant le retour des biens non amortis.
II. Le rejet de l’indemnisation faute de justification d’un préjudice certain
A. L’exigence de transparence comptable inhérente à la gestion déléguée
Le concessionnaire d’un service public est légalement tenu de produire chaque année un rapport comportant les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation. Cette obligation permet à l’autorité concédante de suivre les conditions d’exécution du service et de vérifier l’amortissement des investissements réalisés pour le compte de la collectivité. L’arrêt souligne que le syndicat mixte « était légalement tenu d’établir une comptabilité spécifique » nonobstant les évolutions des instructions comptables nationales intervenues durant l’exécution du contrat. L’impossibilité matérielle invoquée par l’appelant pour justifier l’absence de documents probants est écartée par la juridiction d’appel au regard de ces prescriptions législatives impératives. Le défaut de suivi comptable rigoureux durant vingt-huit années d’exécution empêche la détermination de la valeur nette comptable des biens de retour à la date de la résiliation. Cette carence dans la gestion administrative et budgétaire du service public prive le demandeur de la possibilité de démontrer l’existence d’une créance certaine et liquide.
B. L’absence de preuve du caractère non amorti des investissements réalisés
L’indemnisation des biens de retour suppose que le concessionnaire apporte la preuve de la consistance des immobilisations et du financement sur ses propres fonds de l’équipement. Le juge constate que le syndicat mixte ne produit aucun tableau d’amortissement détaillé ni aucun inventaire précis des biens nécessaires à l’exploitation du camping-caravaning en litige. Les documents versés au dossier sont jugés insuffisants car ils ne permettent pas de s’assurer que les investissements initiaux n’ont pas déjà été totalement amortis. Par ailleurs, la gestion du site avait été confiée à un tiers fermier dont les redevances versées au syndicat mixte ont contribué à la couverture des charges financières. La cour estime ainsi que « l’indemnisation réclamée par le concessionnaire doit être regardée comme excédant le montant du préjudice susceptible de naître de la résiliation » anticipée. Faute d’établir la réalité d’un préjudice financier lié au retour des biens dans le patrimoine communal, les prétentions indemnitaires du syndicat mixte sont intégralement rejetées. Cette solution confirme la protection du patrimoine des personnes publiques contre toute indemnisation forfaitaire déconnectée de la valeur comptable réelle des actifs de la concession.