Cour d’appel administrative de Paris, le 7 mars 2025, n°22PA04530

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 7 mars 2025, une décision relative au règlement financier d’un marché public de maîtrise d’œuvre. Une entité publique chargée de l’exploitation d’un aéroport a conclu un contrat avec un groupement solidaire d’entreprises pour des travaux de modernisation. Suite à la résiliation pour faute de ce marché, le maître d’ouvrage a notifié au mandataire un décompte général faisant apparaître un solde négatif substantiel.

Le mandataire a contesté cette somme devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui, par un jugement du 21 juillet 2022, a fait droit à sa demande. Les premiers juges ont estimé que le mandat de représentation avait cessé dès la résiliation, imposant une notification individuelle à chaque membre du groupement. Saisie par l’entité publique, la juridiction d’appel doit déterminer si la résiliation du contrat met fin au pouvoir de représentation du mandataire pour la notification du décompte.

La Cour administrative d’appel de Paris juge que « le mandataire de ce groupement demeure seul habilité à signer le décompte de résiliation » malgré la fin du contrat. Elle procède ensuite à l’évaluation précise des préjudices invoqués par le maître d’ouvrage au titre de la responsabilité contractuelle des constructeurs. L’analyse s’articulera autour de la persistance fonctionnelle du mandat de représentation (I) puis de l’exigence de rigueur dans l’administration des preuves des préjudices (II).

I. La persistance fonctionnelle du mandat de représentation du groupement

A. Le maintien du mandataire comme interlocuteur unique de la liquidation

La Cour administrative d’appel de Paris infirme la position du tribunal en rappelant que la résiliation ne rompt pas immédiatement tous les liens du groupement. Elle s’appuie sur le cahier des clauses administratives générales pour affirmer que les stipulations contractuelles relatives au mandataire survivent pour les besoins de la liquidation. En jugeant que « le mandataire de ce groupement demeure seul habilité à signer le décompte », la Cour privilégie la continuité des relations entre le maître d’ouvrage et ses cocontractants.

Cette solution permet d’éviter une atomisation des procédures de notification qui nuirait à la sécurité juridique et à la célérité du règlement financier des marchés. L’arrêt souligne que la fin de l’exécution des prestations n’entraîne pas l’extinction du pouvoir de représentation pour les actes nécessaires à l’établissement du décompte. Le mandataire conserve donc sa qualité d’interlocuteur privilégié pour recevoir les notifications et engager les éventuelles réclamations au nom de l’ensemble des membres solidaires.

B. L’interruption de la prescription par le recours à l’expertise judiciaire

La décision précise les modalités de calcul du délai de prescription quinquennal applicable aux actions en responsabilité contractuelle engagées par les personnes publiques. La Cour administrative d’appel de Paris rappelle que le point de départ se situe à la date à laquelle la victime a une connaissance certaine du dommage. En l’espèce, ce délai a été valablement interrompu par une demande de mesure d’instruction présentée devant le juge des référés avant l’expiration du délai.

La Cour affirme que la prescription est suspendue durant la réalisation de l’expertise et ne recommence à courir qu’à la date de remise du rapport définitif. Les juges considèrent que la créance n’était pas prescrite lors de la notification du décompte général, sécurisant ainsi les droits financiers du maître d’ouvrage. Cette interprétation rigoureuse du code civil garantit que le temps nécessaire à l’expertise technique ne soit pas préjudiciable à l’exercice effectif des actions en justice.

II. La rigueur dans l’administration des preuves des préjudices contractuels

A. La validation des pénalités au regard du cahier des clauses administratives

Le juge d’appel valide une partie des retenues financières opérées par l’entité publique en se fondant sur les stipulations du cahier des clauses particulières. Il constate que les pénalités de retard étaient contractuellement prévues et que leur matérialité est établie par les pièces jointes au décompte général. La Cour administrative d’appel de Paris rejette l’argumentation de la société mandataire qui ne remettait pas sérieusement en cause la réalité des manquements constatés.

L’arrêt confirme que les pénalités contractuelles ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice résultant des retards dans l’exécution des missions de maîtrise d’œuvre. La production d’une fiche détaillée mentionnant les dates et le nombre de jours de retard constitue une preuve suffisante en l’absence de contestation étayée. Cette approche renforce l’efficacité des clauses pénales destinées à assurer la discipline des intervenants dans la réalisation de grands projets d’infrastructure publique.

B. L’échec de l’imputation des pertes d’exploitation au groupement de maîtrise d’œuvre

La Cour administrative d’appel de Paris écarte cependant les demandes d’indemnisation relatives aux pertes d’exploitation et aux surcoûts d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Elle relève que le lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices financiers n’est pas établi avec une précision suffisante par le requérant. La Cour souligne que « la CCI de Nouvelle-Calédonie ne pouvait appliquer, au décompte général, une retenue » sans démontrer que les manquements n’étaient pas déjà couverts.

Le juge administratif exige une distinction claire entre les retards imputables au groupement et ceux résultant de circonstances antérieures ou de faits de tiers. En l’absence de preuve d’un lien direct entre les fautes spécifiques et la perte de recettes domaniales, la décharge de paiement doit être prononcée. Cette décision rappelle que la responsabilité contractuelle des constructeurs ne peut être engagée sans une démonstration rigoureuse de l’étendue réelle du dommage subi.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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