La Cour administrative d’appel de Paris, le 13 mars 2025, statue sur la légalité d’un sursis à statuer opposé à une demande de permis de construire. Une société civile immobilière a sollicité l’autorisation de réaliser deux immeubles de quinze logements sur une parcelle située dans un secteur pavillonnaire d’une commune. Le maire a décidé de surseoir à statuer pendant deux ans afin de ne pas compromettre l’élaboration du futur plan local d’urbanisme intercommunal. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête tendant à l’annulation de cet arrêté par un jugement rendu le 25 avril 2024. La requérante soutient en appel que son projet de taille modeste ne saurait compromettre la préservation globale de la zone concernée par le futur plan. La juridiction administrative doit déterminer si l’implantation de logements collectifs dans un quartier résidentiel justifie légalement l’usage du mécanisme exceptionnel du sursis à statuer. Les juges rejettent la requête en estimant que l’ampleur de l’opération contredit les orientations déjà débattues du projet d’aménagement et de développement durables. La validité de cette mesure repose sur la caractérisation d’une menace au projet de territoire ainsi que sur la hiérarchisation des motifs par le juge.
I. La caractérisation de l’atteinte aux orientations du futur plan local d’urbanisme
A. Le cadre juridique rigoureux du sursis à statuer en matière d’urbanisme
Le code de l’urbanisme autorise l’autorité compétente à surseoir à statuer sur les demandes susceptibles de compromettre l’exécution du futur plan local d’urbanisme. Cette prérogative s’exerce dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables au sein de l’organe délibérant. La jurisprudence précise qu’un tel sursis doit se fonder sur des « orientations ou de règles que le futur plan local d’urbanisme pourrait légalement prévoir ». Il convient également que l’opération envisagée soit « de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution » au regard de ces prévisions futures. La définition de ce cadre réglementaire permet d’évaluer la compatibilité matérielle du projet de construction avec les objectifs de préservation du quartier.
B. L’appréciation concrète du risque de compromission du tissu pavillonnaire existant
La juridiction administrative analyse concrètement les caractéristiques du projet pour vérifier son adéquation avec la volonté de « préserver le tissu pavillonnaire » du territoire communal. Les juges relèvent que l’opération prévoit la « démolition d’un pavillon individuel » pour implanter quinze logements collectifs répartis dans deux bâtiments s’élevant à deux niveaux. Le projet s’inscrit dans un secteur dont le futur zonage tend à la stricte protection des zones pavillonnaires existantes face à la densification urbaine. La Cour confirme ainsi que l’ampleur de la construction est « susceptible de compromettre l’exécution du futur plan local d’urbanisme intercommunal » en raison de son implantation.
II. La pérennisation de la décision par la hiérarchisation des motifs retenus
A. L’application implicite de la théorie du motif déterminant dans le contrôle juridictionnel
L’arrêté municipal contesté reposait initialement sur plusieurs motifs distincts relatifs à la densité urbaine et à la préservation des propriétés des sols vivants. La requérante contestait notamment l’objectif de favoriser les cœurs d’ilots végétalisés et d’assurer une meilleure infiltration des eaux de pluie sur la parcelle d’assiette. Le juge administratif estime cependant que l’administration « aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif » de la protection du quartier résidentiel. Cette solution repose sur la neutralisation d’un motif éventuellement erroné dès lors qu’un autre motif légal suffit à justifier le sens de la décision attaquée. La validation du motif principal assure la stabilité de la décision administrative tout en affirmant la primauté des choix d’aménagement sur les intérêts privés.
B. L’affirmation d’une politique de préservation de l’identité urbaine locale
L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris renforce le pouvoir de contrôle des autorités locales sur l’évolution du paysage urbain pendant les transitions réglementaires. La protection des zones pavillonnaires devient un impératif juridique opposable aux promoteurs immobiliers dès la définition des orientations générales du futur projet de territoire. Cette jurisprudence sécurise les décisions de sursis en validant une appréciation globale de la compatibilité des projets avec les ambitions politiques de conservation du cadre de vie. Elle rappelle enfin que le juge de l’excès de pouvoir privilégie l’efficacité de l’action administrative quand le motif principal demeure fondé en droit et en fait.