Cour d’appel administrative de Nantes, le 21 mars 2025, n°24NT00324

La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 21 mars 2025, une décision précisant les conditions de responsabilité d’une commune pour des dommages de travaux publics. Le litige portait sur l’effondrement d’un mur de clôture privé qui assurait également le soutènement d’une voie communale située en surplomb. Lors d’un violent orage reconnu comme catastrophe naturelle, l’ouvrage s’est partiellement écroulé dans le jardin des propriétaires riverains. Les victimes ont saisi le tribunal administratif de Caen afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices et la reconstruction de l’édifice par la collectivité. Par un jugement du 8 décembre 2023, les premiers juges ont accueilli ces demandes en ordonnant à la commune de réaliser les travaux nécessaires. La collectivité a alors interjeté appel de cette décision en contestant le lien de causalité et en invoquant la faute des propriétaires. Les juges d’appel devaient déterminer si un mur privé pouvait être qualifié d’ouvrage public et si les causes d’exonération étaient constituées. La juridiction confirme la qualification d’ouvrage public mais retient un partage de responsabilité en raison du manque d’entretien de la part des riverains.

I. La reconnaissance du caractère d’ouvrage public du mur de soutènement

A. L’application du critère fonctionnel de l’accessoire de la voirie

La Cour administrative d’appel de Nantes rappelle qu’un mur assurant le maintien d’une route constitue l’accessoire indispensable de cette infrastructure de transport. Selon les termes de l’arrêt, « un mur destiné à soutenir une voie publique, constitue l’accessoire de cette voie ». Cette utilité publique justifie que l’édifice soit traité comme un élément de la voirie communale pour déterminer les responsabilités encourues. L’expert judiciaire a d’ailleurs souligné que l’ouvrage servait de soutènement à la rue sur une hauteur totale de un mètre soixante-dix. La fonction de support technique prévaut ainsi sur toute autre considération pour établir la nature publique de la structure endommagée.

B. L’influence limitée du titre de propriété privée sur la qualification juridique

L’appartenance du mur à des particuliers ne fait pas obstacle à sa qualification d’ouvrage public car sa finalité commande sa nature juridique. Les juges précisent que ce caractère est acquis « alors même qu’il serait implanté sur le terrain de personnes privées » sans ambiguïté possible. Le statut de tiers des propriétaires vis-à-vis de l’ouvrage public permet alors l’application d’un régime de responsabilité sans faute protecteur. Ils ne sont donc pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial de leur préjudice en raison de la nature accidentelle du dommage. La preuve du lien de causalité entre les infiltrations provenant de la voie et l’effondrement suffit à engager la responsabilité communale.

II. Un régime de responsabilité sans faute tempéré par le comportement des victimes

A. L’éviction de la force majeure au profit du lien de causalité direct

L’argumentation de la collectivité reposant sur la violence de l’orage et la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est écartée par la juridiction administrative. Bien que ce phénomène climatique ait été l’élément déclencheur, les juges estiment qu’il ne constitue pas un cas de force majeure exonératoire. L’expert a relevé que l’effondrement résultait d’infiltrations « latentes répétées dans le temps » qui auraient provoqué la chute de l’ouvrage à long terme. La responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage est donc maintenue malgré le caractère exceptionnel des intempéries survenues le jour du sinistre. Cette solution privilégie l’analyse technique des causes structurelles du désordre sur l’événement météorologique ponctuel invoqué par la partie requérante.

B. L’atténuation de l’indemnisation par la reconnaissance d’une faute par omission

La responsabilité de la collectivité n’est toutefois pas entière car l’inaction des propriétaires a participé à la fragilisation globale de la maçonnerie ancienne. La Cour relève que les riverains « doivent être regardés comme ayant contribué par leur inaction à la réalisation du dommage » subi. Le défaut de signalement des désordres et l’absence d’entretien des joints ont permis aux eaux pluviales de s’infiltrer plus facilement dans l’édifice. Un partage de responsabilité est donc décidé à hauteur de dix pour cent à la charge des victimes pour ces négligences constatées. La commune demeure toutefois tenue d’exécuter les travaux de reconstruction sous le contrôle étroit de l’expertise judiciaire réalisée lors de la procédure.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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