Par un arrêt rendu le 24 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Marseille se prononce sur la liquidation d’une astreinte pour occupation illégale du domaine public. Une société a été condamnée à évacuer des installations situées sur le rivage dans un délai de six mois sous astreinte journalière par un premier jugement. Le tribunal administratif de Nice a ensuite liquidé cette somme à hauteur de trois cent mille euros après avoir constaté l’absence d’exécution des travaux de démolition. La société soutient que le premier juge a méconnu le principe du contradictoire en communiquant des pièces nouvelles seulement la veille de la tenue de l’audience. Le litige porte sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif ainsi que sur les motifs permettant de modérer le montant d’une astreinte. La juridiction d’appel doit déterminer si des difficultés techniques et l’opposition de tiers constituent des circonstances atténuantes justifiant une réduction de la sanction financière. La cour administrative d’appel de Marseille annule le jugement attaqué pour irrégularité procédurale avant de statuer elle-même sur la demande de liquidation par la voie de l’évocation. Elle décide de réduire significativement le montant de l’astreinte journalière en raison de la complexité réelle des opérations de démolition ordonnées par la juridiction initiale. Le juge administratif examine d’abord la régularité du jugement de première instance au regard des exigences de communication des pièces entre les parties au procès. Il convient d’étudier l’annulation du jugement pour méconnaissance du contradictoire (I) avant d’analyser la liquidation modérée de l’astreinte opérée par la cour (II).
I. L’annulation du jugement pour méconnaissance du principe du contradictoire
A. Le constat d’une communication tardive des pièces nouvelles
Le juge rappelle que les mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux propres à influencer l’issue du litige porté devant lui. En l’espèce, le tribunal administratif de Nice s’est fondé sur des documents produits par l’administration seulement quatre jours avant la tenue de l’audience publique. La cour relève que « la société requérante n’a pas eu communication de ces éléments en temps utile pour y répondre » valablement avant le délibéré. Cette transmission tardive vicie la procédure de première instance puisque la partie condamnée n’a pas pu organiser utilement sa défense devant le magistrat du tribunal. Le respect des droits de la défense impose que chaque partie puisse discuter les éléments de fait ou de droit soumis au juge pour sa décision. L’annulation du jugement du 9 avril 2024 est donc la conséquence directe de cette rupture de l’équilibre procédural entre l’autorité préfectorale et l’administré.
B. La mise en œuvre de la faculté d’évocation du litige
Après avoir annulé le jugement pour irrégularité, la cour administrative d’appel de Marseille choisit de statuer immédiatement sur la demande de liquidation de l’astreinte administrative. Cette procédure d’évocation permet de régler définitivement le litige sans renvoyer l’affaire devant les premiers juges, assurant ainsi une bonne administration de la justice. La juridiction d’appel dispose alors de la plénitude de compétence pour apprécier les faits et les arguments soulevés par les parties au dossier de l’affaire. Elle doit vérifier si l’injonction de remise en état des lieux a été respectée par la société propriétaire des ouvrages en cause dans le délai. L’examen des pièces du dossier permet d’établir de manière constante que les installations n’ont pas été démolies malgré l’expiration du délai imparti par l’injonction. La cour doit alors se prononcer sur les obstacles invoqués par la requérante pour justifier son inertie prolongée durant plusieurs années d’occupation du rivage.
II. La liquidation modérée de l’astreinte face aux obstacles à l’exécution
A. L’absence de force majeure malgré la complexité technique
La société invoque l’impossibilité technique de réaliser les travaux de démolition en raison d’un risque grave pour la solidité d’un mur de soutènement voisin. Les rapports d’expertise confirment que la destruction de la terrasse est complexe mais qu’elle demeure réalisable par la mise en œuvre de techniques de construction adaptées. La cour estime que « la démolition de l’ouvrage dans les règles de l’art, bien que complexe, est techniquement possible » selon les conclusions des études géotechniques. L’argument tiré de la force majeure est écarté car l’événement n’est ni irrésistible ni insurmontable pour un professionnel averti des travaux de bâtiment. La requérante ne peut donc pas se prévaloir d’une impossibilité totale pour s’exonérer de son obligation de libérer le domaine public maritime illégalement occupé. L’inertie persistante de l’occupant sans titre caractérise une faute qui justifie le principe même de la liquidation d’une sanction financière par la juridiction.
B. La réduction du montant au regard des difficultés juridiques
Le juge dispose d’un pouvoir de modération de l’astreinte s’il constate des difficultés réelles rencontrées par la partie tenue de procéder à l’exécution forcée. En l’espèce, l’opposition d’une copropriété voisine et les recours devant le juge judiciaire ont entravé le processus de démolition prévu par la décision de justice. La cour considère que « l’inexécution du jugement du 21 novembre 2017 trouve toutefois en partie son origine dans des difficultés techniques et juridiques » particulièrement sérieuses. Elle décide alors de fixer le montant de l’astreinte à quarante euros par jour au lieu des trois cents euros initialement prévus par le tribunal. Cette réduction importante témoigne d’une prise en compte équilibrée des contraintes pesant sur l’administré face à la nécessité de protéger l’intégrité du domaine public. La somme totale de quatre-vingt-deux mille six cent quatre-vingts euros sanctionne le retard tout en restant proportionnée aux circonstances exceptionnelles entourant la cause.