Cour d’appel administrative de Lyon, le 30 janvier 2025, n°23LY03949

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le trente janvier deux mille vingt-cinq, apporte des précisions sur le régime des modifications contractuelles. Un pouvoir adjudicateur avait attribué un lot relatif aux échafaudages, lequel fut résilié pour faute puis réattribué à un nouveau prestataire après mise en concurrence. Par la suite, un avenant augmentant significativement le montant initial fut conclu pour adapter les structures aux besoins techniques exprimés par un autre intervenant du chantier. La société évincée lors du remplacement du premier titulaire a sollicité l’annulation de cet acte ainsi qu’une indemnisation devant le tribunal administratif. Les premiers juges ayant rejeté cette demande, l’opérateur économique a interjeté appel afin d’obtenir la censure de l’avenant litigieux et la réparation de ses préjudices. La juridiction d’appel devait déterminer si l’absence de signature du greffier sur la minute entachait le jugement d’irrégularité avant d’examiner la validité de l’avenant. Elle décide d’annuler le jugement pour vice de forme puis rejette au fond les prétentions de la requérante en validant la modification du contrat.

I. L’annulation du jugement pour irrégularité formelle et le cadre de la modification contractuelle

A. Le caractère substantiel de la signature de la minute par le greffier

La cour administrative d’appel examine en premier lieu la régularité du jugement rendu par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le vingt-six octobre deux mille vingt-trois. Elle rappelle que les dispositions du code de justice administrative imposent la signature de la minute par le président, le rapporteur et le greffier. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la signature de la greffière d’audience faisait défaut sur l’exemplaire original de la décision attaquée. Les juges d’appel considèrent que « la signature de la minute de la décision par le greffier d’audience présente un caractère substantiel » au regard des textes. Le défaut de cette formalité entraîne nécessairement l’irrégularité de la décision juridictionnelle et impose son annulation par la cour statuant en appel. La juridiction décide alors de statuer immédiatement sur le litige par la voie de l’évocation afin de trancher les conclusions présentées en première instance.

B. Le régime juridique des modifications de marchés sans nouvelle mise en concurrence

Le litige porte principalement sur l’interprétation des articles du code de la commande publique relatifs aux modifications de contrats en cours d’exécution par les acheteurs. La cour cite les dispositions prévoyant qu’« un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires ». Ces modifications conventionnelles ne doivent toutefois pas changer la nature globale du marché initial ni dépasser un certain seuil financier fixé par voie réglementaire. Pour les pouvoirs adjudicateurs, le montant des prestations supplémentaires ne peut excéder cinquante pour cent de la valeur initiale du contrat administratif concerné par l’avenant. En outre, le changement de titulaire doit être techniquement ou économiquement impossible pour justifier le recours à une modification directe sans publicité ni mise en concurrence. Le cadre législatif ainsi rappelé permet d’analyser la légalité de l’augmentation du prix du lot échafaudage décidée par le maître d’ouvrage durant les travaux.

II. La validation de l’avenant litigieux et le rejet des prétentions indemnitaires

A. Le maintien de la nature globale du marché malgré l’évolution des prestations

La société requérante soutenait que l’avenant modifiait substantiellement l’économie du contrat et constituait en réalité un nouveau marché public passé sans procédure régulière de publicité. La cour constate cependant que l’avenant porte uniquement sur les dimensions techniques de l’échafaudage sans affecter le périmètre géographique ou fonctionnel des prestations de service. Elle relève que la modification concerne l’installation d’un couloir de circulation plus large et d’un escalier extérieur pour faciliter l’accès sécurisé aux façades des bâtiments. Ces changements techniques ne constituent pas une évolution de la nature globale du marché dont l’objet principal demeure inchangé par rapport aux clauses contractuelles initiales. Par ailleurs, le montant de l’avenant reste inférieur au plafond de cinquante pour cent fixé par les dispositions de l’article R. 2194-3 du code de la commande publique. L’avenant ne bouleverse donc pas l’équilibre économique du contrat initial conclu entre le pouvoir adjudicateur et le nouveau titulaire du lot échafaudage.

B. L’existence de nécessités techniques justifiées par les demandes de la requérante

La juridiction souligne que les prestations supplémentaires sont devenues nécessaires en raison d’exigences formulées tardivement par la société requérante elle-même dans le cadre de son lot. Le maître d’ouvrage a souhaité répondre aux demandes spécifiques concernant la largeur du poste de travail pour garantir une exécution optimale du traitement des façades. Les juges considèrent que ces besoins nouveaux ne résultent pas d’une mauvaise définition initiale des prestations par l’acheteur public lors du lancement de la consultation. Ils ajoutent que le recours à un prestataire unique pour les structures d’échafaudage se justifie par des raisons techniques tenant à l’interopérabilité des matériels employés. La cour conclut que l’avenant respecte les conditions de l’article R. 2194-2 et rejette par conséquent la demande d’annulation formée par le concurrent évincé. L’absence d’illégalité fautive du pouvoir adjudicateur conduit logiquement au rejet des conclusions indemnitaires tendant à la réparation du manque à gagner de la société. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon confirme ainsi la validité de la gestion contractuelle opérée par le maître d’ouvrage lors de l’opération.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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