Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 9 janvier 2025, n°22BX02903

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 9 janvier 2025, une décision relative au régime fiscal de la cession d’un usufruit temporaire. Cette affaire concerne l’imposition d’un apport de droits démembrés réalisé au profit d’une société civile immobilière par ses associés. Les contribuables ont procédé à une augmentation de capital par l’apport de l’usufruit temporaire de parts détenues dans plusieurs sociétés à prépondérance immobilière. L’administration a estimé que ce produit relevait des revenus fonciers en vertu de l’article 13 du code général des impôts. Le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires par un jugement du 22 septembre 2022. Les requérants soutiennent devant la cour d’appel que l’opération d’apport n’entre pas dans le champ d’application de ce régime dérogatoire. L’apport en société d’un usufruit temporaire constitue-t-il une cession imposable selon les dispositions de l’article 13 du code général des impôts ? La Cour confirme l’assujettissement de l’opération en précisant que l’apport constitue une cession à titre onéreux non susceptible d’abattements. L’analyse de l’application du régime aux apports en société précède l’étude de la validation de la rigueur de cette imposition.

I. L’application du régime de l’usufruit temporaire aux apports en société

A. La qualification de l’apport comme cession à titre onéreux

Le juge administratif affirme avec fermeté que le transfert de droits démembrés vers une société en échange de titres constitue une opération taxable. Selon l’arrêt, « l’apport de l’usufruit temporaire de parts sociales (…) constitue une cession à titre onéreux » malgré l’absence de rémunération en numéraire. Cette solution confirme que l’existence d’une contrepartie, même sous forme de parts sociales, suffit à caractériser le caractère onéreux de l’acte. Le juge écarte l’application des régimes de faveur relatifs aux plus-values de cession pour privilégier une taxation immédiate du produit de l’apport.

B. L’imposabilité des parts de sociétés à prépondérance immobilière

L’imposition s’étend aux parts de structures dont l’actif est principalement constitué d’immeubles, conformément aux précisions apportées par le texte législatif applicable. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que de telles entités seraient exclues du dispositif spécifique prévu par le législateur fiscal. La Cour précise que le produit résultant de cette opération peut être imposé « dans la catégorie des revenus fonciers » en l’absence d’autre catégorie déterminable. Cette interprétation assure une cohérence globale du dispositif de lutte contre l’optimisation fiscale par l’usage temporaire de droits réels immobiliers. L’analyse du champ d’application de cette règle permet désormais d’envisager les modalités de son exécution et sa validité temporelle.

II. La validation de la rigueur fiscale et de l’application rétroactive

A. L’exclusion des abattements et des méthodes d’évaluation forfaitaires

La détermination de l’assiette fiscale ne peut souffrir d’aucune réduction liée à la durée de détention des titres ou à des forfaits légaux. La Cour souligne que le texte s’applique « par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l’imposition des plus-values » immobilières. Le mécanisme d’abattement pour durée de détention ne peut donc être invoqué par les contribuables pour diminuer la charge fiscale finale. L’évaluation de l’usufruit doit correspondre à la valeur vénale réelle librement fixée lors de l’assemblée générale décidant de l’augmentation de capital.

B. La conformité de la rétroactivité au principe d’espérance légitime

La juridiction administrative valide l’application de la loi à des opérations conclues avant son adoption définitive par le Parlement de la République. Les magistrats rappellent que la mesure a été « portée à la connaissance des contribuables lors de l’annonce de la mesure » ministérielle. Cette publicité préalable fait obstacle à tout grief tiré d’une méconnaissance du principe d’espérance légitime garanti par les stipulations conventionnelles européennes. L’intérêt général lié à la lutte contre l’optimisation fiscale justifie cette atteinte limitée à la sécurité juridique des situations contractuelles en cours.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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