Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-865 QPC du 19 novembre 2020

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 19 novembre 2020, examine la conformité de l’article 706-43 du code de procédure pénale aux principes constitutionnels de la défense.

Une société commerciale ainsi que son dirigeant font l’objet de poursuites criminelles simultanées pour des faits identiques devant les juridictions pénales de l’ordre judiciaire français.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt du 9 septembre 2020, transmet une question prioritaire de constitutionnalité relative à la représentation légale des entités.

Les requérants dénoncent un risque de conflit d’intérêts né du caractère optionnel de cette procédure lorsque le dirigeant cherche à privilégier sa propre défense pénale personnelle.

Le problème juridique consiste à déterminer si l’absence d’obligation de désigner un tiers garantit suffisamment les droits fondamentaux de l’entité morale au cours du procès répressif.

La haute juridiction déclare la disposition législative conforme à la Constitution en soulignant la permanence des mécanismes de contrôle internes propres aux différents groupements de droit privé.

Cette analyse conduit à étudier la validation d’un mécanisme de représentation facultatif avant d’envisager la sauvegarde des droits de la défense par les structures sociales internes.

I. La validation d’un mécanisme de représentation facultatif

A. L’encadrement législatif de la représentation en cas de cumul de poursuites

L’article 706-43 du code de procédure pénale énonce que l’action publique s’exerce contre la personne morale représentée par son dirigeant au moment des poursuites pénales engagées.

La loi prévoit toutefois que « lorsque des poursuites pour des mêmes faits ou des faits connexes sont engagées à l’encontre du représentant légal », celui-ci peut agir.

L’intéressé dispose alors de la faculté de « saisir par requête le président du tribunal judiciaire aux fins de désignation d’un mandataire de justice » pour représenter la structure.

Cette règle organise la dissociation des intérêts lorsque la confusion des responsabilités pénales entre le dirigeant et l’entité sociale devient manifeste devant le magistrat instructeur saisi.

L’usage du verbe pouvoir traduit la volonté du législateur de laisser une marge d’appréciation à l’organe de direction sur la conduite globale de la stratégie procédurale adoptée.

B. L’identification d’un risque théorique de conflit d’intérêts

Les requérants soutiennent que cette liberté expose l’entité au risque que le dirigeant « opère des choix de défense contraires aux intérêts de celle-ci » par calcul personnel.

Le grief repose sur l’idée qu’un représentant mis en cause préférerait protéger sa propre situation individuelle plutôt que de préserver les droits fondamentaux de la personne morale.

Le Conseil constitutionnel admet que l’abstention du dirigeant « pourrait être de nature à léser » les intérêts de l’organisation collective si aucun tiers indépendant n’intervient d’office.

Cette situation créerait une inégalité devant la justice répressive en privant la structure sociale d’une voix autonome capable de contester efficacement les charges retenues contre elle.

La réponse des Sages s’appuie cependant sur une lecture systémique du droit intégrant les prérogatives des autres organes de direction et de surveillance de la société commerciale.

II. La sauvegarde des droits de la défense par le jeu des mécanismes internes

A. Le maintien de la compétence de contrôle des organes sociaux

Pour écarter le grief, les juges rappellent que « les organes d’une personne morale demeurent compétents » pour agir malgré la mise en cause personnelle de leur représentant légal.

Les statuts permettent aux instances collectives d’imposer au dirigeant la sollicitation d’un mandataire de justice ou de procéder directement au remplacement définitif de celui qui faillit.

La collectivité des associés conserve le pouvoir souverain de « lui retirer son mandat de représentation en justice » afin de protéger l’intégrité de la défense sociale poursuivie.

Cette capacité de réaction interne garantit que la personne morale n’est jamais totalement asservie à la volonté d’un représentant dont les intérêts divergeraient des siens propres.

Le droit constitutionnel s’articule ici avec les règles classiques du droit des sociétés pour offrir une protection effective contre les risques de déloyauté procédurale du dirigeant social.

B. La pluralité des voies de représentation alternative

La décision souligne également que la personne morale « peut également être représentée par toute personne bénéficiant » d’une délégation de pouvoir conforme à la loi en vigueur.

Cette délégation peut être octroyée à un salarié ou à un autre mandataire « à tout moment » par les organes compétents de la structure juridique poursuivie pénalement.

L’existence de cette voie alternative renforce l’autonomie de la personne morale en lui permettant de désigner un interlocuteur distinct pour les besoins spécifiques de l’instance criminelle.

Le Conseil conclut que le dispositif législatif ne méconnaît aucun droit garanti par la Constitution puisque la structure juridique dispose de moyens d’action à la fois autonomes et efficaces.

La déclaration de conformité préserve l’équilibre entre la liberté d’organisation des personnes morales et la nécessité d’assurer une défense loyale devant les juridictions répressives de l’État.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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