Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 6 octobre 2015, a examiné la conformité de l’article L. 624-5 du code de commerce applicable en Polynésie française. Ce texte permet l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’égard du dirigeant dont la faute a causé le passif social. Un requérant a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité en invoquant la violation du droit de propriété et des principes de nécessité des peines. La juridiction devait décider si l’extension d’une procédure collective au patrimoine personnel du dirigeant constituait une atteinte disproportionnée aux libertés constitutionnelles. Les juges ont validé l’essentiel du dispositif mais ont censuré les dispositions permettant une telle sanction pour de simples irrégularités comptables.
**I. L’exclusion de la qualification de sanction punitive**
**A. Un mécanisme de contribution au passif social**
Le Conseil constitutionnel souligne que les dispositions contestées « instituent un mécanisme ayant pour objet de faire contribuer le dirigeant personne physique au comblement du passif ». Cette mesure vise avant tout à protéger les créanciers en facilitant l’apurement des dettes de la personne morale par le patrimoine du dirigeant. L’objectif poursuivi par le législateur répond à un motif d’intérêt général consistant à favoriser la continuation de l’entreprise ou le désintéressement des tiers. La décision précise que ce dispositif ne tend pas à punir un comportement mais à restaurer l’assiette du gage commun des créanciers sociaux.
**B. L’inopérance des garanties liées à la matière pénale**
La juridiction affirme que l’ouverture d’une telle procédure « n’a pas le caractère d’une punition au sens de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ». Le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines est donc déclaré inopérant par la juridiction constitutionnelle. Cette qualification juridique écarte l’application des garanties strictes propres au droit pénal malgré les conséquences pécuniaires potentiellement lourdes pour le dirigeant concerné. Le Conseil refuse ainsi d’assimiler cette mesure de responsabilité civile aggravée à une sanction de nature pénale soumise au principe de légalité.
**II. La protection du droit de propriété contre les atteintes disproportionnées**
**A. La légitimité des sanctions liées à l’enrichissement personnel**
La juridiction admet que les atteintes au droit de propriété sont justifiées lorsqu’elles sanctionnent des faits révélant l’enrichissement personnel du dirigeant fautif. Le législateur a valablement encadré les conditions d’ouverture de la procédure en visant des actes ayant contribué directement à l’insuffisance d’actif de la société. Ces dispositions « ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété » dès lors qu’elles préservent l’équilibre entre les droits des tiers et ceux du dirigeant. La validation repose sur l’existence d’un lien manifeste entre la faute de gestion commise et le dommage financier subi par l’entreprise.
**B. L’inconstitutionnalité de la responsabilité pour simples fautes comptables**
Le Conseil censure les paragraphes permettant d’engager la responsabilité du dirigeant pour des faits n’ayant pas nécessairement causé l’insuffisance d’actif social. Il juge disproportionné que le passif de la personne morale soit inclus dans celui du dirigeant « du seul fait qu’il a commis des irrégularités comptables ». L’absence de lien de causalité entre la faute de gestion et le préjudice subi par les créanciers rend l’atteinte au droit de propriété inconstitutionnelle. Cette déclaration d’inconstitutionnalité protège le patrimoine personnel contre une extension automatique de la procédure collective dépourvue de fondement rationnel suffisant.