La décision rendue par le Conseil d’État le 28 février 2025 précise les modalités de contrôle des impositions établies en application d’une convention fiscale bilatérale. Un litige opposait l’administration fiscale à des contribuables résidents de France détenant des participations dans des structures transparentes de droit américain ayant réalisé une plus-value immobilière. Le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement du 23 mars 2021, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales. Saisie par le ministre, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel par un arrêt du 21 décembre 2023 en raison d’une erreur de base légale. La haute juridiction doit déterminer si l’erreur commise dans l’application de la convention fiscale peut justifier l’annulation d’un arrêt constatant l’invalidité de la loi interne. Elle rejette le pourvoi en rappelant la primauté de l’examen de la loi nationale sur les stipulations conventionnelles destinées à éliminer les doubles impositions. L’étude de la méthodologie d’assimilation des entités étrangères précédera l’analyse du caractère surabondant de l’interprétation conventionnelle en présence d’une base légale nationale erronée.
**I. La primauté de la qualification interne dans l’office du juge fiscal**
L’office du juge de l’impôt impose une hiérarchie stricte entre l’examen de la légalité interne et l’application des traités internationaux conclus par la France.
**A. La méthodologie d’assimilation des entités juridiques étrangères**
Le juge doit « identifier d’abord, au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution, le type de société de droit français assimilable ». Cette démarche nécessite une analyse concrète des droits financiers et de la responsabilité des associés au sein de la structure étrangère pour déterminer le régime fiscal. En l’espèce, un groupement de droit américain a été comparé à une société en commandite simple tandis qu’un second groupement correspondait à une société en nom collectif. Cette qualification préalable permet de ranger les revenus perçus dans les catégories prévues par le code général des impôts avant toute confrontation avec les stipulations internationales. Le respect de cette étape garantit la cohérence du système fiscal national face à la diversité des structures juridiques rencontrées dans les transactions transfrontalières complexes.
**B. L’exigence d’une base légale nationale préalablement validée**
Il incombe au magistrat de « se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie ». Cette règle interdit de valider une imposition sur le seul fondement d’une convention internationale si la loi interne ne prévoit pas expressément la taxation du revenu. L’administration avait ici retenu la catégorie des plus-values immobilières alors que la nature des structures impliquées imposait une taxation au titre des bénéfices industriels et commerciaux. L’erreur de qualification commise par les services fiscaux vicie l’établissement de l’impôt dès son origine et rend caduque toute recherche ultérieure d’un droit de prélever. La primauté de la loi nationale sert ainsi de garde-fou contre une application automatique des traités qui méconnaîtrait les spécificités des catégories de revenus internes.
**II. Le caractère surabondant des stipulations conventionnelles face à l’erreur de droit**
L’invalidité de l’imposition au regard du droit interne neutralise les éventuelles erreurs d’interprétation commises par les juges du fond concernant la portée des conventions internationales.
**A. La persistance d’une qualification erronée de la part de l’administration**
L’administration fiscale a maintenu une base légale inappropriée en qualifiant le gain de plus-value immobilière au lieu de l’intégrer aux résultats d’une activité commerciale professionnelle. La cour administrative d’appel de Nancy a souverainement relevé que les revenus distribués contribuaient à la formation d’un bénéfice calculé selon les règles applicables aux entreprises industrielles. Dès lors que « l’imposition en litige avait été établie sur un fondement légal erroné », le juge ne peut que constater la décharge des sommes réclamées au contribuable. Le ministre n’a pas contesté cette requalification juridique en cassation, ce qui a scellé le sort du litige sur le terrain du droit public français. Cette situation illustre la fragilité des redressements lorsque la substance économique de l’opération n’est pas traduite fidèlement dans la catégorie d’imposition choisie par le vérificateur.
**B. L’innocuité d’une interprétation conventionnelle erronée**
La haute juridiction relève qu’une erreur de droit sur l’article 13 de la convention franco-américaine est « dépourvue d’incidence sur l’issue du litige » si la décharge est acquise. Les motifs portant sur le crédit d’impôt conventionnel revêtent un caractère surabondant puisque la loi fiscale nationale n’a pas été valablement appliquée par les services de l’État. Une décision de justice dont le dispositif est juridiquement justifié par un motif de droit interne ne peut être annulée en raison d’une erreur sur un motif inutile. Cette solution protège l’efficacité de la procédure contentieuse en évitant des cassations purement formelles qui ne modifieraient pas le sens final du règlement du différend fiscal. Le rejet du pourvoi confirme ainsi que la protection du contribuable repose d’abord sur la rigueur de l’analyse juridique imposée aux autorités administratives nationales.